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Xenogenesis tome 1 sur 3
EAN : 9791030705065
432 pages
Au Diable Vauvert (06/10/2022)
4.25/5   107 notes
Résumé :
Après un sommeil de plusieurs siècles, Lilith s'éveille à bord du vaste vaisseau spatial des Oankali. Créatures dotées de tentacules, experts en génétique, ils ont sauvé les rares survivants d'une Terre mourante et sont prêts à ramener Lilith et les derniers humains sur leur planète régénérée. Mais la survie a un prix…

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Critiques, Analyses et Avis (23) Voir plus Ajouter une critique
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Octavia Butler est une auteure dont j'ai beaucoup entendu parler dans l'essai ‘Libère-toi cyborg !' d'Anne Larue. J'avais noté la trilogie Xenogenesis qui, à l'époque, n'avait pas encore été traduite. Au Diable Vauvert a publié le premier tome l'année dernière. J'espère que les 2 autres suivront prochainement car j'ai vraiment beaucoup apprécié ce roman et j'ai hâte de découvrir la suite.

Le roman débute plusieurs siècles après une guerre nucléaire qui a relégué l'humanité au statut d'espèce en voie de disparition. Les survivants ont été sauvés par une civilisation extra-terrestre, les Oankali.

Lilith s'éveille d'un long sommeil et on découvre en même temps qu'elle ce que sont les Oankali ainsi que leurs intentions. Rapidement, celle-ci comprend qu'ils ne sont pas des sauveurs désintéressés. Il y a un prix à payer et il est considérable.

Les Oankali lui confient la mission délicate d'éveiller un groupe d'humains afin de les préparer à retourner vivre sur Terre (du moins ce qu'il en reste). Ce sera loin d'être une sinécure pour Lilith. Les humains – malgré leur capacité destructrice – auront toutes les peines du monde à accepter leur inéluctable destin.

D'un côté, rien de nouveau sous le soleil dans le sens que les réactions humaines et la façon dont tout se passe au sein du groupe n'a rien de surprenant.

D'un autre côté, j'ai été fascinée par la description des aliens. Ils sont suffisamment étoffés pour comprendre leurs motivations sans jamais vraiment les appréhender en tant qu'individus. J'ai beaucoup aimé leur complexité. Les non-dits font passer le message que ce n'est plus l'humain qui est aux commandes. Il a obtenu le triste privilège de figurer sur la liste rouge de l'UICN (avec le statut « en danger critique »).

Un excellent roman et une écriture qui a de la poigne. Octavia Butler est une auteure à connaître.



Challenge XXe siècle 2023
Challenge mauvais genres 2023
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Lilith Iyapo se réveille. Ou plutôt s'éveille. Une nouvelle fois. Seule dans une pièce à l'ameublement minimaliste. Elle ne sait pas qui l'a enlevée. Ni pourquoi, ni ce qu'elle fait là. Elle se rappelle juste sa vie d'avant. Et que la guerre a décimé la grande majorité de la population terrestre. Mais elle a survécu. Pourquoi ? Pour quoi faire ?

L'Aube est le premier tome d'une trilogie, Xenogenesis, publiée originellement de 1987 à 1989. Les éditions au Diable Vauvert, dans leur volonté de proposer aux lecteurs français les textes d'Octavia E. Butler, ont fait traduire cette oeuvre inédite par Jessica Shapiro. C'est cette dernière qui avait révisée la traduction de Liens de sang, texte magistral par lequel j'ai découvert Octavia E. Butler. Et c'est une chance pour nous autres. Moi, en particulier, qui ne lit pas l'anglais couramment.

Dans ce roman, on oublie le passé pour se diriger vers un futur totalement imaginaire. Les guerres ont ravagé la Terre qui est devenue inhabitable (ça, malheureusement, c'est crédible). Des extraterrestres ont récupéré certains humain.e.s pour les sauver. Ils semblent avoir du mal à supporter qu'une « race » disparaisse et interviennent donc pour en récupérer des représentant.e.s. Tout ceci est très louable. La suite l'est peut-être un peu moins. Cela reste à voir et fait le centre de ce récit d'Octavia E. Butler. Encore un de ses cas de conscience cornéliens. Pour le moins.

Ce qui m'avait vraiment beaucoup plu dans Liens de sang, c'est le dilemme moral auquel était exposée la protagoniste principale. Devait-elle travailler avec Le Blanc, symbole de pouvoir et surtout d'oppression ? le jeu en valait-il la chandelle ? On retrouve ce questionnement fort dans L'Aube. Lilith (quel prénom que celui-là, avec toute sa charge mythique que l'autrice ne pouvait ignorer) va apprendre à vivre avec les extraterrestres. Ils l'ont sauvée mais ils la gardent prisonnière. Elle est traitée sans violence mais comme une prisonnière. Ou un animal. Enfermée. On fait sur elle des expériences. Quand elle ne supporte plus sa condition, on l'endort à nouveau. Puis on l'éveille à nouveau. Je pense que si un être humain était ainsi traité par d'autres, on contesterait ce traitement.

Malgré tout elle est en vie. Et peu à peu, les extraterrestres vont la faire vivre avec eux. Un peu comme la jeune Andrea Cort que l'on découvre dans Émissaires des morts d'Adam-Troy Castro et qui vivait dans une colonie mixte (avant le grand massacre). Puis, ils vont finir par lui demander plus. Ils vont lui demander de collaborer. Car leur but est non seulement de conserver des spécimens de toutes les « races », mais aussi de bénéficier de leur patrimoine génétique. En le mêlant au leur. Comment doit réagir Lilith ? Doit elle contester ? Se battre ? Mettre fin à ses jours ? Comment accepter cette condition ? Comment accepter de vivre avec ses geôliers ? Est-ce une question de survie et de bon sens ou est-ce amoral ? D'autant qu'on lui offre le retour sur une Terre à nouveau viable en échange. Que de questions que se pose Lilith et nous avec elle. Je dois avouer que c'est toute la richesse de cette autrice que de m'amener à me questionner sur de telles situations. Et de ne pas savoir quoi répondre. Car une fois encore, Octavia E. Butler se montre d'une grande finesse dans son traitement de la question. Pas question de nous montrer un point de vue unique, de nous faciliter la tâche en nous indiquant les gentils et les méchants, la marche à suivre. À nous, lecteurice, de nous débrouiller avec ça et de trancher. En espérant ne jamais se trouver devant un tel choix.

La lecture de Liens de sang m'avait convaincu qu'Octavia E. Butler était une grande autrice, mais elle aurait pu n'être la romancière que d'un seul grand roman. L'Aube m'a prouvé qu'il n'en était rien et que c'est une autrice qu'il me faut absolument lire et relire. Je commencerai bien évidemment par le deuxième tome de cette trilogie, L'initiation (prévue pour mars- avril) et Imago (octobre).
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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Encore peu connue du public français, l'américaine Octavia Butler peut compter sur la farouche détermination de son éditeur pour remettre son oeuvre sur le devant de la scène. Depuis quelques temps maintenant, Au Diable Vauvert s'est mis en tête de rééditer ses romans les plus célèbres, comme La Parabole du Semeur et sa suite, La Parabole des Talents, ainsi que Liens du Sang récemment adapté en série TV par la chaîne FX.
Mais ce n'est pas tout puisque c'est maintenant au tour de L'Aube, premier volet d'une trilogie de science-fiction encore inédite jusqu'à récemment dans l'Hexagone, de connaître les honneurs d'une traduction française sous la houlette de Jessica Shapiro.
Octavia Butler n'a pas fini de nous surprendre…

La fin d'une ère…
Les choses commencent mal. du moins pour la Terre.
Dans un accès de folie collective, les humains se sont entretués.
Une catastrophe prévisible au milieu d'une Guerre Froide qui n'attendait pas grand chose pour passer en mode apocalypse nucléaire.
Heureusement, une race extra-terrestre qui passait par là s'est mise en tête de récupérer les survivants pour les maintenir en animation suspendue dans l'attente de la lente régénération de la planète Bleue.
C'est ainsi que débute l'histoire de Lilith, l'une des survivantes en question, qui se retrouve nez à nez (ou plutôt nez à tentacules) face à l'un de ces énigmatiques bienfaiteurs venus d'ailleurs.
La rencontre est rude puisque les Oankalis ne sont que vaguement humanoïdes avec un corps volontiers recouverts d'appendices semblables à des lombrics et des bras surnuméraires comme d'immenses tentacules menaçantes.
Pour établir un premier contact et éviter la crise de panique à notre survivante, les Oankalis ont décidé de confier cette tâche à un certain Jdahya, un de leurs membres dont le schéma corporel se rapproche le plus possible de la morphologie humaine. du moins de loin.
Peu à peu, Lilith va surmonter sa terreur initiale et comprendre qu'elle a à faire une race intelligente extrêmement avancée mais aussi complètement différente de la sienne. Manipulant l'ADN et les structures biochimiques avec la facilité d'un enfant s'amusant avec des briques de Lego, les Oankalis voyagent à travers l'espace dans des vaisseaux vivants et s'hybrident avec les peuples qu'ils rencontrent. Ne parlons même pas de leur acceptation de la notion de famille qui relève davantage du polyamour que de la cellule nucléaire traditionnelle à l'américaine.
Évidemment, le sauvetage de la race humaine et la volonté de les réintroduire sur leur planète remise à neuf n'a rien d'un acte altruiste et désintéressé car les Oankalis comptent bien tirer profit de la situation en fondant les deux races en une civilisation nouvelle et meilleure.
Lilith sera l'une des pionnières en la matière, héritant ainsi d'une tâche peu commode : éduquer les humains et les éveiller à la nouvelle ère qui se lève.
Autant dire que si vous aimez les romans de premier contact, Octavia Butler risque de devenir votre nouvelle idole tant L'Aube vous réserve de surprises dans son déroulement comme dans les réflexions qu'il offre.
Mais surtout, le récit se permet une ambiguïté réjouissante qui devrait faire pâlir le plus woke/conservateur des lecteurs puisque l'Américaine n'a pas du tout une pensée binaire et aime jouer sur les niveaux de gris lorsqu'elle s'attaque à des conflits moraux, raciaux et sociaux.

… de plein gré ?
L'aspect le plus fascinant, et certainement aussi le plus dérangeant, c'est bien évidemment la relation entretenue par Lilith et ses geôliers, les Oankalis. Il s'agit ici clairement d'une position dominé/dominant mais qui n'est pas du tout clair dans son abord moral puisque tout ça va bien au-delà des méchants dominants et des gentils dominés. Octavia Butler réfléchit aux mécanismes qui se mettent en place entre humains et extra-terrestres disséquant patiemment la nature des uns et des autres, de ce que les différences corporelles et mentales peuvent faire pour séparer (ou rapprocher) les deux espèces. Elle pousse si loin sa réflexion qu'elle la fusionne avec les questionnements liés aux genres et au rôle de la sexualité dans la capacité d'une personne à en dominer une autre. le viol redevient la traduction littérale d'un asservissement de l'autre et la notion même de consentement se brouille quand on commence à aborder les étranges coutumes des Oankalis.
Ceux-ci comptent des membres mâles et femelles ainsi qu'un genre tout autre appelé Ooloi. Ces derniers jouent un rôle complètement inédit pour les humains et c'est avec l'un d'entre eux, Nikanj, que Lilith va finir par s'unir.
Outre l'aspect physique dérangeant que peut revêtir cette relation, c'est l'utilisation de drogues et autres substances chimiques qui va venir titiller l'esprit du lecteur qui n'aura de cesse de se demander si toutes les décisions des personnages humains en contact avec les Oankalis sont uniquement de leur fait ou s'il ne s'agit en somme que de manipulation.
Dérangeant, vous avez dit ?
Octavia Butler n'aime pas la facilité, elle l'a déjà prouvé dans La Parabole du Semeur ou dans sa sublime nouvelle Les Enfants du Sang.
L'Aube poursuit et magnifie sa réflexion sur la dépendance à la domination et comment l'enfantement peut devenir une forme d'entretien de l'esclavage, la femme transformée en incubateur pour une nouvelle génération de dominés. L'un des points les plus perturbants du récit reste que tout nous est narré du point de vue de Lilith, elle-même modifiée et droguée à plusieurs reprises par les Oankalis qu'elle finit par accepter ou, du moins tolérer. Mais dans quelle mesure les actes de l'héroïne sont-ils libres ? C'est ce qui ronge l'esprit des nouveaux humains qui l'entourent.
Outre ce dilemme moral profond, c'est l'inventivité de Butler qui fait des merveilles. La société Oankali et sa façon de penser les choses, avec l'hybridation comme réflexe civilisationnel. C'est aussi le sexe et tout ce qui s'y rattache, une nouvelle façon d'aimer l'autre et de l'accueillir en soi qui n'ont rien de confortable pour le lecteur. Lilith et d'autres humains ressentent constamment un mélange étrange de dégoût-haine-amour-excitation pour les Oankalis qu'ils côtoient.
Ce premier volet, aussi passionnant que malaisant, laisse nombre de réflexions en suspens qui ne trouveront leur suite logique que dans un second volet se déroulant bien des années plus tard sur une Terre retrouvée. Octavia Butler a encore bien des choses à dire…

Formidable roman de premier contact mais aussi véritable plongée philosophique et anthropologique autour des rapports dominants/dominés, L'Aube est un roman de science-fiction indispensable qui semble parmi les plus pertinents à lire et relire à l'heure actuelle.
Impressionnant !
Lien : https://justaword.fr/laube-s..
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On peut déjà être soufflée par l'autrice Octavia Butler, reconnue comme la première autrice afro-américaine de SF. Son oeuvre est marquée par une littérature de l'oppression et de la résistance.
Ce premier tome d'une trilogie est sortit en 1987, est d'une modernité incroyable.
La rencontre entre le genre humain et des entités extraterrestres qui transitent sur un vaisseau spatial vivant. Les Oankali sont des êtres très repoussants pour un être humain, ils manipulent la génétique et ils ont crées des organismes vivants avec lesquels ils vivent en symbiose.
Lilith, une femme de 28 ans est réveillée et choisie pour une mission. Modifiée génétiquement, elle lutte au départ contre ces geôliers mais peu à peu apprends à les connaître et se lier avec l'un d'eux.
L'autodestruction violente de la planète Terre a détruit l'humanité, seuls une centaine d'individus ont été sauvés dont Lilith qui devra en choisir une quarantaine et les réveiller à son tour pour former une nouvelle colonie humaine de retour sur Terre. Mais à une condition, ils devront accepter l'hybridation avec les Oankali et en cas de refus, ils seront stérilisés pour former une colonie condamnée à l'extinction.
L'hybridation avec des espèces non humaines est un thème difficile et nous amène à nous poser de nombreuses questions. Lilith malgré son ressentiment intérieur envers ses ravisseurs comprends l'enjeu sous-jacent: celui d'éviter à l'espèce humaine de disparaître et de s'auto-détruire encore une fois dans la même violence que par le passé. La mutation de l'humain est nécessaire à sa survie.
Un style et une vision moderne qui m'a absolument conquise.
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En une mobilisation quasi-totale des motifs de la science-fiction, une formidable fresque politique et philosophique du métissage et de l'impérialisme « bienveillant » – et de ce que s'y joue de nos préjugés.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2024/05/06/note-de-lecture-la-trilogie-xenogenesis-octavia-butler/

Pas de note de lecture proprement dite pour « L'Aube », « L'Initiation » et « Imago », les trois ouvrages composant ensemble la trilogie Xenogenesis d'Octavia Butler, publiés en 1987-1989 et traduits chez Au Diable Vauvert par Jessica Shapiro en 2022-2024 (comblant ainsi enfin un manque essentiel dans l'exposition de l'oeuvre de la grande autrice afro-américaine dans notre pays) : ils font en effet l'objet d'un petit article de ma part dans le Monde des Livres daté du vendredi 3 mai 2024 (à lire ici). Comme j'en ai pris l'habitude en pareil cas, ce billet de blog est donc davantage à prendre comme une sorte de note de bas de page de l'article lui-même (et l'occasion de quelques citations des textes, bien sûr).

⏰ Il aura fallu quasiment trente-cinq ans pour que cette série pourtant fondamentale d'une autrice qui ne l'est pas moins soit enfin traduite en français. Saluons donc ici le travail opiniâtre des éditions Au Diable Vauvert qui, depuis qu'elles s'affairent autour de l'oeuvre d'Octavia Butler, avec la publication en 2003 de « La parabole du semeur » (1993), sont bien en voie de mettre fin à des décennies d'un ahurissant mélange de silence et de n'importe quoi éditorial (ouvrages parus dans un joyeux désordre, traductions incomplètes ou fautives, omissions de certains tomes au sein de cycles en plusieurs volumes, etc.) qui avait longtemps caractérisé leurs prédécesseurs.

🧑‍🧑‍🧒‍🧒 Cette trilogie est fondamentale pour saisir la puissance heuristique du métissage et de l'hybridation, au sens génétique cher à la science-fiction d'abord, mais encore davantage au sens philosophique et historique qui fait pousser de si nets cris d'orfraie à tous les tenants des « chocs des civilisations » et autres lectures à sens unique de l'Histoire – et de ce qu'on peut en déduire. Cet aspect étant celui que je souligne le plus dans l'article du Monde des Livres sus-cité, je ne l'évoquerai pas davantage ici.

🫥 Octavia Butler est sans aucun doute l'une des inspiratrices voire des « fondatrices » (si le mot avait vraiment un sens en la matière) de ce mouvement littéraire et extra-littéraire que l'on appelle aujourd'hui l'afrofuturisme. Toutefois, si des textes tels que « Liens de sang » (1979) ou « Novice » (2005), ou naturellement ceux des deux « Paraboles », celle du « Semeur » (1993) et celle des « Talents » (1998), reflètent très directement le pas de côté afro-américain qui peut être introduit pour notre plus grand bénéfice collectif dans notre compréhension de ce qui se joue aujourd'hui entre passé et futur, la trilogie « Xenogenesis » – comme, d'une autre manière, celle du « Patternist » (1976-1984) qui la précédait en écriture – est plus indirecte dans ce domaine, projetant la métaphore de la domination esclavagiste à un haut degré philosophique d'universalité englobante, et d'une puissance à mon sens accrue, si elle est sans doute moins immédiatement spectaculaire.

🇺🇳 Si la trilogie « Xenogenesis » mobilise de manière intense les ressources de la psychologie humaine individuelle et collective (au long cours : l'étagement réalisé en la matière par les trois volumes est tout à fait spectaculaire), tout particulièrement lorsqu'elle est confrontée rationnellement comme irrationnellement à la notion même d'humanité, ainsi que celles de la philosophie (avec une étonnante touche spinoziste d'intellection de la nécessité qui se fait jour à plusieurs reprises dans l'évolution de la relation entre survivants humains et « envahisseurs-sauveteurs » oankali), c'est certainement dans son approche en profondeur de l'impérialisme bienveillant qu'elle exprime toute sa puissante saveur. On pourra ainsi la lire avec vif intérêt en parallèle et/ou en comparaison du cycle de l'Élévation de David Brin, du cycle de la Culture de Iain M. Banks et du cycle « Canopus dans Argo : Archives » de Doris Lessing, par exemple.

👽 La trilogie « Xenogenesis » est sans doute l'une des oeuvres de science-fiction qui mobilise de la manière la plus exhaustive l'ensemble ou presque des motifs « traditionnels » de la science-fiction pour composer – c'est bien de circonstance – un rarissime melting pot : space opera, post-apocalyptique, transmissions dynastiques, premier contact extra-terrestre, guerre entre communautés, exploration du système solaire,… Excusez du peu ! Elle illustre ainsi avec éclat – comme tant d'autres oeuvres majeures (songez ne serait-ce qu'au « Cycle du Nouveau Soleil » de Gene Wolfe , au « Orbitor » de Mircea Cǎrtǎrescu – et peut-être plus encore à son « Solénoïde » -, à l'« Abattoir 5 » de Kurt Vonnegut ou à l'ensemble du post-exotisme d'Antoine Volodine et de ses hétéronymes) la vanité fréquente des micro-classifications en genres, sous-genres et sous-sous-genres à l'intérieur du vaste ensemble des littératures de l'imaginaire (ce qui n'enlève rien, notons-le, aux précieuses qualités d'un ouvrage tel que le « Guide des genres et sous-genres de l'imaginaire » d'Apophis, un peu paradoxalement).
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
En vie !
Toujours en vie.
En vie… encore une fois.
L’Éveil fut difficile, comme d’habitude. La déception ultime. Inspirer suffisamment d’air pour chasser les sensations cauchemardesques d’asphyxie représentait une véritable épreuve. Lilith Iyapo resta étendue, haletante, tremblante après un effort aussi colossal. Son cœur battait trop vite, trop fort. Elle se roula en boule, comme un fœtus, impuissante. Le sang se remit à circuler dans ses bras et ses jambes par minuscules bourrasques d’une douleur exquise.
Une fois que son corps se fut calmé et eut accepté la réanimation, elle regarda autour d’elle. La pièce semblait mal éclairée ; or, elle ne s’était encore jamais Éveillée dans la pénombre. Elle se reprit. La pièce ne semblait pas mal éclairée, elle était mal éclairée. Lors d’un précédent Éveil, elle avait décrété que tout ce qui se passait, tout ce qu’elle percevait constituait la réalité. Elle s’était déjà demandé – combien de fois ? – si elle n’était pas folle ou droguée, malade ou blessée. Rien de tout cela n’avait d’importance. Ca ne pouvait pas avoir d’importance alors qu’elle se trouvait ainsi confinée, laissée sans défense, seule et dans l’ignorance.
Elle s’assit, chancela, prise de vertige, puis tourna la tête pour examiner le reste de la pièce.
Les murs étaient de couleur claire – blancs ou gris, peut-être. Le lit, une plateforme solide qui s’enfonçait légèrement sous les doigts et qui semblait sortir du sol, n’avait pas changé. Il y avait, à l’autre bout de la pièce, une embrasure de porte qui menait sans doute à une salle de bains. Elle avait généralement droit à une salle de bains. Les deux fois où elle n’y avait pas eu droit, elle en avait été réduite à choisir un coin de son box dépourvu de portes et de fenêtres.
Elle s’approcha de l’embrasure, scruta la pénombre uniforme, et constata qu’il s’agissait effectivement d’une salle de bains. Celle-ci ne comportait pas que des toilettes et un lavabo, mais aussi une douche. Quel luxe.
Quoi d’autre ?
Presque rien. Une autre plateforme, environ trente centimètres plus haut que le lit, et qui aurait pu servir de table, même s’il manquait une chaise. Avec des choses dessus. D’abord, elle vit la nourriture. Les céréales ou le rata habituels, au goût impossible à identifier, contenus dans un bol comestible qui, si elle le vidait sans le manger, se désintégrerait.
Et il y avait quelque chose à côté du bol. Comme elle n’arrivait pas à le voir clairement, elle le toucha.
Du tissu ! Une pile de vêtements pliés. Elle s’en empara, d’impatience les fit tomber, les ramassa et entreprit de les enfiler. Une veste mi-longue de couleur claire et un pantalon long et ample taillés dans un tissu frais, délicieusement doux, qui lui fit penser à de la soie ; elle n’aurait su dire pourquoi, mais elle soupçonnait que ce n’était pas de la soie. La veste auto-adhérente resta fermée quand elle s’en enveloppa mais s’ouvrit facilement quand elle écarta l’un de l’autre les deux plastrons. Leur façon de se détacher lui rappela le velcro, mais le système d’accroche n’était pas visible. Le pantalon se fermait de la même manière. Jusqu’à présent, elle n’avait pas eu droit à des vêtements. Elle en avait réclamé, mais ses ravisseurs l’avaient ignorée. Dans ses nouveaux habits, elle se sentit plus protégée que jamais depuis le début de sa captivité. Elle savait qu’il s’agissait d’un sentiment trompeur, pourtant elle avait appris à savourer tout plaisir qu’elle pouvait glaner, tout adjuvant à son amour-propre.
Quand elle ouvrit et referma sa veste, ses doigts touchèrent la cicatrice qui courait le long de son abdomen. Elle l’avait acquise entre son deuxième et son troisième Éveil, l’avait examinée avec crainte, se demandant ce qu’on lui avait fait. Qu’avait-elle perdu ou gagné, et pourquoi ? Et que pouvait-on lui faire d’autre ? Elle ne possédait plus son propre corps. On pouvait même lui couper la chair et la suturer sans qu’elle le sache ou y consente.
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Cela faisait à présent trois jours qu’elle était seule dans la grande salle, à réfléchir, lire, écrire ses pensées. Elle avait pu garder tous ses livres, ses papiers et ses stylos. On lui avait également laissé quatre-vingts dossiers – de courtes biographies qui comprenaient des conversations retranscrites, de brèves histoires, des observations et des conclusions faites par des Oankali, ainsi que des photos. Les sujets ainsi répertoriés n’avaient aucune famille encore en vie. Ils ne se connaissaient pas et ne connaissaient pas Lilith.
Elle avait lu un peu plus de la moitié des dossiers à la recherche de candidats à Éveiller, mais aussi de quelques alliés potentiels, des gens à qui elle pourrait peut-être accorder sa confiance. Elle avait besoin de partager le fardeau de ce qu’elle savait, de ce qu’elle avait à faire. Elle avait besoin d’individus attentionnés qui écouteraient ce qu’elle avait à dire et n’agiraient pas de façon violente ou stupide. Elle avait besoin d’individus capables de lui donner des idées, de pousser son esprit dans des directions auxquelles elle n’aurait pas songé. Elle avait besoin d’individus capables d’exprimer leur désaccord s’ils trouvaient qu’elle se montrait idiote – des individus dont elle respecterait l’opinion.
D’un autre côté, elle ne voulait Éveiller personne. Elle avait peur de ces gens et avait peur pour eux. En dépit des informations que contenaient les dossiers, il y avait tellement d’inconnues. Son travail consistait à former une unité cohérente et à les préparer à rencontrer les Oankali, à être leurs nouveaux partenaires commerciaux. C’était impossible.
Comment pouvait-elle Éveiller des gens et leur apprendre qu’ils faisaient partie d’un projet d’ingénierie génétique concocté par une espèce si différente que les humains auraient du mal à les regarder confortablement avant un bon bout de temps ? Comment pouvait-elle Éveiller ces gens, qui avaient survécu à la guerre, et leur confier qu’à moins de parvenir à échapper aux Oankali, leurs enfants ne seraient pas humains ?
Mieux valait ne rien leur dire à ce sujet, ou en tout cas le moins possible, pendant quelque temps. Mieux valait ne pas les Éveiller du tout avant de savoir comment les aider, comment ne pas les trahir, comment les amener à accepter leur captivité, à accepter les Oankali, à accepter quoi que ce soit avant d’être renvoyés sur Terre. Puis à prendre leurs jambes à leur cou dès que l’occasion se présenterait.
Ses pensées suivirent le circuit habituel : il n’y avait aucun moyen de fuir le vaisseau. Absolument aucun. Les Oankali le contrôlaient grâce à la composition chimique de leur propre corps. Ces commandes ne pouvaient être ni mémorisées ni sabotées. Même les navettes qui voyageaient entre la Terre et le vaisseau étaient des extensions du corps des Oankali.
À bord du vaisseau, un humain risquait d’être remis en animation suspendue à l’intérieur d’une plante, ou même tué. Leur seul espoir était donc la Terre. Une fois sur place – quelque part dans le bassin amazonien, d’après ce qu’on lui avait dit -, ils auraient au moins une chance de s’en sortir.
Ce qui signifiait qu’ils devaient se contrôler, apprendre tout ce qu’elle pouvait leur enseigner, tout ce que les Oankali pouvaient leur enseigner, puis utiliser ces connaissances pour fuir et survivre.
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Elle ne comprit pas tout de suite. Comme s’il avait commencé à parler une langue qui lui était inconnue.
« Tu… quoi ?
– Je t’ai mise enceinte de Joseph. J’aurais préféré attendre, mais je voulais utiliser sa semence, et pas une empreinte. Un enfant conçu à partir d’une empreinte ne vous aurait pas été aussi étroitement apparenté. Et je ne peux pas garder les spermatozoïdes en vie éternellement. »
Elle le fixait, bouche bée. Il parlait avec désinvolture, comme s’il discutait de la météo. Elle se leva et voulut s’éloigner de lui, mais il l’attrapa par les poignets.
Elle tenta alors de se dégager violemment, s’apercevant aussitôt qu’elle n’y parviendrait pas. « Tu as dit… » Essoufflée, elle dut recommencer. « Tu as dit que tu ne le ferais pas. Tu as dit…
– Que je ne le ferai pas avant que tu sois prête.
– Je ne le suis pas ! Je ne le serai jamais !
– Tu es prête à porter l’enfant de Joseph. La fille de Joseph.
– Sa fille… ?
– J’ai mélangé une fille pour te tenir compagnie. Tu es très seule depuis quelque temps.
– À cause de toi.
– C’est vrai. Mais une fille te tiendra compagnie longtemps.
– Ce ne sera pas ma fille. » Elle tira de nouveau sur ses bras, mais il ne la lâchait pas. « Cette chose ne sera pas humaine. » Elle regarda son propre corps, horrifiée. « Elle est en moi, et elle n’est pas humaine ! »
Nikanj l’attira à lui, enroulant un bras sensoriel autour de sa gorge. Elle crut qu’il allait lui injecter un produit qui lui ferait perdre connaissance. Elle attendit l’obscurité qui s’ensuivrait avec impatience.
Mais Nikanj ne fit que la rasseoir sur le rondin. « Tu auras une fille. Et tu es prête à être mère. Jamais tu ne l’aurais avoué. Tout comme Joseph ne m’aurait jamais invité dans son lit, même s’il en mourait d’envie. Il n’y a chez toi que tes paroles qui rejettent cet enfant.
– Mais elle ne sera pas humaine, chuchota-t-elle. Ce sera une chose. Un monstre.
– Ne commence pas à te mentir à toi-même. C’est une dangereuse habitude. L’enfant sera à toi et à Joseph. À Ahajas et Dichaan. Et comme c’est moi qui l’ai mélangée, qui l’ai façonnée, qui ai veillé à ce qu’elle soit belle et sans conflits mortels, elle sera à moi. Ce sera mon premier enfant, Lilith. La première à naître, du moins. Ahajas est enceinte, elle aussi.
– Ahajas ? » Quand avait-il trouvé le temps ? Il n’avait pas chômé.
« Oui. Joseph et toi êtes aussi les parents de son enfant. » Il se servit de son autre bras sensoriel pour l’obliger à lui faire face. « L’enfant qui vient de ton corps ressemblera à Joseph et toi.
– Je ne te crois pas !
– Les différences resteront cachées jusqu’à la métamorphose.
– Oh mon Dieu. Ça aussi ?
– L’enfant qui naîtra de toi et celui qui naîtra d’Ahajas seront frère et sœur.
– Les autres ne reviendront pas pour ça. Moi, je ne serais pas revenue.
– Nos enfants seront meilleurs que nous tous, poursuivit Nikanj. Nous modérerons vos problèmes hiérarchiques et vous atténuerez nos limites physiques. Nos enfants ne s’autodétruiront pas à la guerre et s’ils ont besoin de faire repousser un membre ou de se modifier d’une autre manière, ils le pourront. Il y aura d’autres avantages aussi.
– Mais ils ne seront pas humains, insista Lilith. C’est ça qui compte. Tu ne peux pas comprendre, mais c’est ça qui compte. »
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Ses tentacules ondulèrent. « Tout ce que je peux vous dire, c’est que votre peuple possède une chose qui nous est chère. Pour vous donner une idée de l’importance que nous lui accordons, sachez que d’après votre façon de mesurer le temps, cela fait plusieurs millions d’années que nous n’avons pas osé nous mêler des agissements autodestructeurs d’un autre peuple. Beaucoup d’entre nous se sont demandé s’il était bien sage de le faire cette fois-ci. Nous pensions… que vous étiez parvenus à un consensus, que vous aviez accepté de mourir.
– Aucune espèce ne ferait une chose pareille !
– Si. Certaines l’ont déjà fait. Et quelques-unes d’entre elles ont, par la même occasion, emporté certains de nos vaisseaux et équipages avec elles. Nous avons appris la leçon. Le suicide de masse est l’une des rares choses dont nous évitons de nous mêler.
– Et maintenant, vous comprenez ce qui nous est arrivé ?
– Je suis conscient de ce qui s’est passé. Tout cela m’est… étranger. Effroyablement étranger.
– Oui. Je ressens la même chose, alors qu’il s’agit de mon peuple. Ça dépassait l’entendement…
– Parmi les personnes que nous avons récupérées, certaines se cachaient dans les entrailles de la terre. Une grande partie de la destruction était de leur fait.
– Et ces gens sont encore en vie ?
– Quelques-uns.
– Et vous comptez les renvoyer sur Terre, eux ?
– Non.
– Pourquoi pas ?
– Ceux qui sont encore en vie sont désormais très vieux. Ils nous ont servis longtemps ; d’eux, nous avons appris la biologie, la langue, la culture. Nous les avons Éveillés par petit nombre et les avons laissés vivre leur vie ici, à différents endroits du vaisseau, pendant que vous dormiez.
– Pendant que je dormais… Jdahya, j’ai dormi combien de temps ?
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"Pourquoi est-ce que vous ne pouvez pas rentrer chez vous? demanda-t-elle. Votre planète... elle existe encore, non?"
Il parut y réfléchir un moment. "Nous l'avons quittée il y a si longtemps... Je doute qu'elle existe encore.
- Pour quelle raison est-ce que vous l'avez quittée?
- Il s'agissait un ventre. L'heure était venue de naître. "
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Vidéo de Octavia E.  Butler
Octavia E. Butler (1947-2006) est la première autrice afro-américaine de science-fiction.
En douze romans et un recueil de nouvelles, son oeuvre constitue une littérature qui pense l'oppression et la résistance. Plusieurs fois lauréate du prestigieux Prix Hugo, elle a aussi fait l'objet d'un hommage de la NASA sur... Mars ! Son chef-d'oeuvre visionnaire "La Parabole du semeur" (1993) prophétise l'avènement de Donald Trump dans un récit terriblement d'actualité, d'autant qu'il se déroule en 2024.
Pour parler de cette pionnière de la SF, Natacha Triou reçoit trois invités : Isis Labeau-Caberia, autrice de fiction et de non-fiction Jeanne-A Debats, autrice de science-fiction Marion Mazauric, créatrice et dirigeante des éditions Au Diable Vauvert
#sf #litterature #afrofuturism __________
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