L'erreur des peintres comme Horace Vernet, par exemple, lorsqu'ils traitent de sujets tels qu'une tempête menaçant la vie d'un navire, de son équipage et de ses passagers est d'opter pour la dramatisation, sans saisir que lors de pareils événements la concentration du tragique se trouve déjà à son point culminant et que toute surenchère ne peut qu'apparaître en tant que commentaire indécent que le subconscient du spectateur refuse par le réflexe pudique de l'ironie dévaluante. C'est là, en quelque sorte, une faute commise par absence d'un certain sens métaphysique-ce qui pose la question de l'intelligence en art.
Ce qui est et doit être-
Avant d'être des psychologies, nous sommes des destins, et leur globalité ne nous invite guère aux jugements d'espèce.
Devant la forme des destinées nous ne sommes plus que des spectateurs conviés à transcender le poids et la valeur de leurs interprétations; c'est voir l'accomplissement du monde au travers de particularismes sous son aspect cosmique, le seul qui ait un sens substantiel; tout autre effort d'appréciation n'étant que réduction, c'est-à-dire dévaluation.
Étrange destin que celui d'Amélie Opie [...] Il semble que chez de tels êtres, la nature ait cherché à balbutier quelque chose en direction de l'exceptionnel, qui doit retenir notre attention, comme s'il y avait là une volonté d'esquisse d'une humanité délivrée de son habituelle pesanteur, mais que l'enveloppe de la chrysalide soit à jamais trop résistante pour que l’expérience souhaitée se réalise avec bonheur, car il est par ailleurs significatif que la plupart de ces vies soient marquées du sceau d'un certain tragique.
"Ce qu'on ne sait pas avant, on ne le sait jamais."
La formule de Ramuz aurait de quoi dépiter nombre de jeunes gens; cependant elle est exacte. Nous n'apprenons rien, nous ne faisons que découvrir ce qui est en nous par fragments successifs. Nous disposons d'un contenu à faire valoir en l'expérimentant. L'apport de l'extérieur, dira-t-on ? Il ne nous est richesse que dans la mesure où il s'harmonise exactement avec nos capacités intérieures.
"Tout ce qui est possible arrive." Serait-ce à dire que la totalité du possible s'est manifestée ?
Virginie Despentes accompagnée par le groupe Zëro : Éric Aldea (guitare), Ivan Chiossone (claviers), Frank Laurino (batterie)
Son : Wilo
Depuis Baise-moi en 1994, Virginie Despentes s'est imposée comme une écrivaine majeure avec notamment Les Jolies Choses (prix Flore 1998), Teen Spirit, Apocalypse bébé (prix Renaudot 2010) ou encore son essai King Kong Théorie. C'est qu'il y a chez elle une énergie d'écriture salutaire et sans concession, mais aussi une intelligence rare. L'acuité de son regard sur le monde contemporain (tantôt hilarant, tantôt glaçant de vérité), on la retrouve dans la « série » Vernon Subutex, fresque incroyable en trois tomes. Personne n'échappe à Virginie Despentes et, en même temps, elle sait très bien qu'il est jouissif de canarder à tous crins. Elle s'efforce donc de prendre à bras-le-corps, et d'aimer aussi, cette galerie de personnages ultramodernes qu'elle met en scène.
Ce soir elle vient accompagnée du groupe de rock Zëro pour payer une dette littéraire : celle qu'elle doit au mythique Requiem des innocents de Louis Calaferte.
À lire – Virginie Despentes, Vernon Subutex 3, Grasset, 2020.
À écouter – Zëro, « Requiem des Innocents » (avec Virginie Despentes), 2LP Ici d'Ailleurs, 2020.
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