Cette ombre dont
Jacques Chessex essaie de dresser le portrait, c'est son père. Quand il écrit ce texte, il y a vingt ans que ce dernier s'est suicidé. Pour l'évoquer, il mêle la prose et la poésie. Tantôt il parle de lui à la 3e personne, tantôt il lui parle, tantôt il l'englobe dans la cohorte de « vous les disparus ».
Douleur de l'absence, regret de l'affection non-dite, souhait de communiquer au-delà de la mort, volonté de garder vivants tous les signes de la présence qui émaillent les jours... Ce texte éclaire d'autres textes de
Jacques Chessex. Je pense notamment à un texte jamais édité (à ma connaissance), un « Cahier de l'Avent » dont
Jacques Chessex tournait les pages sur les ondes de la Radio Suisse Romande vers 1978 (à peu près à la même époque qu'il écrivait «
Portrait d'une Ombre »). En voici un court extrait :
« Je pense aux trépassés de l'année, à ceux qui ne sont pas, qui ne seront pas avec nous ces jours clairs. Je pense à leur amour de nous, à leur effroi, à leur haine de nous, à leur passion de nous. Ils sont morts, trépassés. Qui dira le mystère de leur présence ? Paille, laine, débris, poussière. Notre saison ressemble à ces signes épars dans l'air qui dessinent d'autres voeux adorables. Mais ce voeu n'a que peu de durée, le moindre vent l'efface, la jeune pluie, la neige nouvelle. »