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EAN : 9782020374330
217 pages
Seuil (02/06/1999)
3.58/5   57 notes
Résumé :
Dans un petit village oublié au cœur du Haut-Atlas marocain, deux policiers tentent de mener une enquête et se heurtent à la rudesse du paysage et du climat autant qu'à la simplicité frustre des habitants. A la fois hymne sensuel à la terre natale et vision du Maroc de l'après-décolonisation, Une enquête au pays mêle l'humour et la réflexion en confrontant deux sociétés et deux époques qui ont bien du mal à dialoguer entre elles. Et c'est aussi, pour Driss Chraïbi, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
C'est par un midi de juillet que le chef de la police, flanqué de son subalterne l'inspecteur Ali, arrive au village pour y remplir une mission officielle. Il se heurte à l'incompréhension des habitants de la montagne dont la logique et le langage ne sont plus les siens :

"- Comment s'appelle ce village ?
Les mots sortaient de son corps comme autant de cailloux secs.
- le village, répondit le paysan d'une voix plus traînante encore.
- Oui, mais comment l'appelle-t'on ?
- le village.
- Quel est son nom ?
- Alors je ne sais pas.
- Il a bien un nom ? insista l'inspecteur.
- Oui, le village. C'est ainsi qu'on l'a toujours appelé, nous autres.
- Qui ça, nous autres ? cria le chef.
- Les gens du village."

Driss Chraïbi dépeint l'incommunicabilité de deux cultures d'une même espèce avec beaucoup d'humour. En effet, cette Enquête Au Pays comporte une solide quantité de dialogues tout à fait réjouissants, et ce du début à la fin de cet ouvrage de 220 pages écrit en 1981.
Et c'est pas fini ! puisque ce livre mélange la drôlerie des romans nordiques à la subtilité des contes de Voltaire. Il se transforme en effet peu à peu en un magnifique récit philosophique sur le progrès, l'identité, la religion ou l'état. Tout cela est parfaitement bien fichu et me semble totalement indispensable, et si vous n'avez qu'un petit livre à découvrir, je vous recommande vivement celui-ci, vous n'aurez pas perdu votre mois de mai !

Quant à moi, ayant appris que ceci n'était que le premier volet des aventures de l'inspecteur Ali, il me reste à remercier UglyBetty pour ses précieux conseils et pour m'avoir fait découvrir cet auteur essentiel, et lui demander si elle dispose de L'Inspecteur Ali dans sa bibliothèque (Gallimard, 1991).

Un mot sur l'auteur : Ecrivain marocain d'expression française, engagé, qualifié d' enfant terrible de la littérature marocaine, il aborde au travers de ses oeuvres des thèmes multiples tels que le racisme, la condition de la femme, la société de consommation, les religions. Il a notamment travaillé pour France Culture. Il est décédé en 2007 à l'âge de 81 ans dans la Drôme. Il repose à Casablanca.

Ah, j'oubliais : y a aussi dans ce livre une pointe de Kafka dans la présentation du système policier. Mais comme disait le chef qu'aimait pas beaucoup les insectuels, assez parlé ! Ladin Mouk filousoufi !
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Un inspecteur et son chef arrivent en début d'après-midi dans un village du Haut - Atlas pour y mener une mystérieuse enquête. le livre commence à la façon d'une pièce de théâtre de Beckett : un dialogue de sourds, une logorrhée sans fin, un sentiment d'absurde. Ces deux personnages se présentent d'abord comme deux pieds nickelés. le début est très drôle. Puis je comprends que ce n'est plus vraiment un roman policier que je lis, mais un pamphlet dénonçant les élites aux pouvoir post-décolonisation. D'autres récits s'imbriquent dans le récit au fur et à mesure des pages. L'auteur cache à travers une comédie qui devient lourde les tensions et les différences, les inégalités entre les villes et les ruralités du pays. Malheureusement, je suis un peu déçu, le livre a peut-être un peu vieilli ou alors je cherchais tout simplement un roman policier. La poésie est étouffée par la politique. Dommage, car les descriptions des paysages sont superbes, mais pas assez développées à mon goût. Cela manque d'équilibre, mais après tout, c'est un livre engagé....
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.Roman de 1981 au moment du retour au Maroc de Driss Chraïbi , qui marque la première apparition d'un personnage , l'inspecteur Ali , qui reviendra à plusieurs reprises dans l'oeuvre de l'auteur. Deux policiers , le « chef » ,imbu de son autorité , et l'inspecteur Ali sont envoyés pour une mystérieuse enquête dans un minuscule et misérable village berbère de l'Atlas . Ils se heurtent à la malice et à l'omerta des villageois face à ces représentants de la ville et d'un état qui ne s'intéresse à eux que pour l'impôt. le « chef » pur produit de la ville et du système y perd son latin (voire son arabe) alors que l'inspecteur retrouve peu à peu ses racines . Ce pseudo polar est en fait un féroce conte satirique très voltairien ,qui met en lumière le gouffre béant entre ville et campagne , riches et pauvres et fustige l'administration oppressive qui a pris la place du colonisateur ainsi que la police son bras armé. Sous le burlesque des situations affleure constamment le cri de rage d'un révolté.

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Un roman magnifique de verve et d'humour, écrit par un homme qui ne pratique pas le dogmatisme idéologique. Il dresse un tableau sans complaisance de la fracture existant, dans le Maroc indépendant, entre les classes sociales urbaines évoluées et les populations rurales tout aussi opprimées et misérables qu'à l'époque de la colonisation. Les portraits du chef de police et de son inspecteur sont remarquablement campés. Bien qu'étant davantage un roman social, que policier, le suspense est consistant, et la chute, au dernier chapitre, surprenante.
Lecture très vivement conseillée.
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une enquête au pays,au pays, c'est-à-dire au plus profond du Maroc, où les pistes remplacent les routes goudronnées, où deux policiers, remplis de "modernité", doivent enquêter sur un crime. Vaste programme.....humour, situations absurdes, ironie, la critique sociale est sous le signe du rire; mais aussi émotion....Le style fluide et l'écriture évocatrice, on rentre dans le roman très facilement, on se retrouve accablé par la chaleur, envahi par les odeurs d'épices etc... (mais pas de clichés "orientalistes",cependant) les dialogues sont savoureux, l'inspecteur Ali, tel Sganarelle, induit son chef à dévoiler ses opinions ,et en même temps évite le clash en permettant les dialogue entre ces deux mondes. Personnages attachants, inrigue bien menée
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Quand j'étais portier dans cet hôtel de la capitale, chienne de ma vie ! Il fallait bien que je comprenne ce que me disaient ces milliardaires en me lançant un pourboire ! "Hey boy ! qu'ils lançaient, taxi ! Get a move on !" Et quand le taxi arrivait sur les chapeaux de roues, ils disaient : "it was a long time !" c'est à dire : "Y a longtemps qu'on crève la dalle" dans la langue de chez nous. Même qu'ils ajoutaient à l'adresse du chauffeur : "To the airport ! Hurry up !" Le chauffeur ne comprenait rien, forcément. Alors je lui traduisais : "ils veulent aller bouffer sur le port. T'as pas un cousin qui tient une gargote dans la médina ? Allez, démarre, en vitesse ! et file-moi la pièce !" On m'a chassé de cet hôtel, je ne comprends pas pourquoi. Peut-être bien que je favorisais les gars de la médina ?...
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"- Comment s'appelle ce village ?
Les mots sortaient de son corps comme autant de cailloux secs.
- Le village, répondit le paysan d'une voix plus traînante encore.
- Oui, mais comment l'appelle-t'on ?
- Le village.
- Quel est son nom ?
- Alors je ne sais pas.
- Il a bien un nom ? insista l'inspecteur.
- Oui, le village. C'est ainsi qu'on l'a toujours appelé, nous autres.
- Qui ça, nous autres ? cria le chef.
- Les gens du village."
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Ah! bien oui! Qu'est-ce que c'était ce chef? Propulsé vers le sommet au lendemain de l'Indépendance, parce qu'il avait fallu combler les trous à chaux et à sable et la plupart du temps en creusant d'autres trous, que pouvait bien connaître cet homme sinon le sentiment dramatique de sa propre importance? Comme tous les autres chefs dans nombre d'administrations, il n'en revenait pas depuis des années d'occuper de si hautes fonctions et de disposer du pouvoir, c'est-à-dire de la loi et de l'exécution de la loi. (...) Toute une pléthore de chefs composant un arbre de fer, un appareil rigide dans les deux sens: vertical et horizontal... «Ferme ta boîte à pensées, se dit l'inspecteur avec colère. Un de ces jours, tu les exprimeras à haute voix et alors, fils de ta mère... Et d'abord, ça t'avance à quoi, hein? Qu'est-ce que tu es, sinon une courroie de transmission? Un dominant et un dominé à la fois, le juste milieu, quoi!... Comme le doigt entre le clou et le marteau? On te tape sur la gueule et tu tapes sur celle des gars en dessous de toi... C'est ça, la police. C'est ça, ton travail, pauvre petit inspecteur. Allez, arrête de penser. Fais vite, le chef te regarde.»
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Combien reste-t-il de l'ancien peuple? Nous ici, dans les villes, ton père, moi, les membres de la famille, nous ne pouvons que déguiser notre âme en attendant l'espoir, il ne faut pas qu'ils sachent que nous leur sommes opposés. Depuis des siècles, ceux qui comme nous n'ont pas eu la chance de fuir ont fait mine d'adopter leurs coutumes et leurs lois. Et de les aimer. Et ainsi les dieux et leurs serviteurs nous ont laissés à peu près en paix. Appauvris, démunis des biens de notre terre, mais en paix. Ils ne savent pas ce qui demeure en nous. S'ils s'en apercevaient, ils nous mettraient à mort – ou, pis encore, ils tueraient notre âme, comme ils l'ont déjà fait de nos aïeux. Alors nous faisons les idiots, nous nous comportons en sauvages, en êtres incultes et inférieurs pour les rassurer. C'est ce que nous avons de mieux à faire si nous voulons survivre. Certains d'entre nous arrivent avec le temps à oublier qui ils étaient. Ils sont contents de ce qu'ils sont devenus, c'est la vie... Mais des terriens, des vrais d'autrefois, combien en reste-t-il? Plus beaucoup, je crois bien. De petits groupes sur la montagne ou dans le désert, d'autres dans des forêts impénétrables. Ils n'ont jamais cessé de fuir à mesure qu'avançaient les conquérants et leurs légions de serviteurs. C'est ce que m'a raconté la mère qui le tenait de sa mère, et ainsi de suite de génération en génération en remontant les siècles.
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La patience peut faire germer des pierres à condition de savoir attendre.
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Videos de Driss Chraibi (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Driss Chraibi
Driss Chraïbi au micro de José Pivin (1959 / France Culture). Production : José Pivin. Photographie : Driss Chraïbi © Stéphan Chraibi. Présentation des Nuits de France Culture : « Comment raconter son enfance au Maroc ? Driss Chraïbi, écrivain marocain de langue française, racontait au micro de José Pivin une partie de son enfance dans l'émission “Tous les plaisirs du jour sont dans la matinée”. Cet entretien a été diffusé pour la première fois le 14 novembre 1959 sur France II Régionale. L'entretien était illustré par des lectures d'extraits des œuvres de Driss Chraïbi. » Des extraits des romans de Driss Chraïbi, “L'Âne”, “Les Boucs”, “De tous les horizons” sont interprétés par Roger Coggio, François Darbon, Yves Péneau et Suzanne Michel. Driss Chraïbi (en arabe : إدريس الشرايبي), né le 15 juillet 1926 à El Jadida, au Maroc, et mort le 1er avril 2007 à Crest, dans le département de Drôme, en France, est un écrivain marocain de langue française. Il a également participé à des émissions radiophoniques pour France Culture pour qui il a dirigé l'émission “Les Dramatiques” pendant 30 ans. Connu pour son roman “Le Passé simple”, Driss Chraïbi aborde des thèmes variés dans son œuvre : colonialisme, racisme, condition de la femme, société de consommation, islam, Al-Andalus, Tiers monde, etc. Il se fait connaître par ses deux premiers romans, “Le Passé simple” (1954) et “Les Boucs” (1955) d'une violence rare, et qui engendrent une grande polémique au Maroc, en lutte pour son indépendance. “Le Passé simple” décrit la révolte d'un jeune homme entre la grande bourgeoisie marocaine et ses abus de pouvoir incarnés par son père, « le Seigneur », et la suprématie française dans un Maroc colonisé qui essentialise et restreint l'homme à ses origines. Le récit est organisé à la manière d'une réaction chimique. À travers la bataille introspective de ce roman par le protagoniste nommé Driss, le lecteur assiste à une critique vive du décalage entre l'islam idéal révélé dans le Coran et la pratique hypocrite de l'islam par la classe bourgeoise d'un Maroc des années 1950, de la condition de la femme musulmane en la personne de sa mère et de l'échec inévitable de l'intégration des Marocains dans la société française. Ce dernier point sera renforcé en 1979 dans la suite de ce livre, “Succession ouverte”, où le même protagoniste, rendu malade par la caste que représentent son statut et son identité d'immigré, se voit obligé de retourner à sa terre natale pour enterrer « le Seigneur », feu son père. C'est une critique plus douce, presque mélancolique, que propose cette fois Chraïbi, mettant en relief la nouvelle réalité française du protagoniste et la reconquête d'un Maroc quitté il y a si longtemps. “Succession ouverte” pose la question qui hantera l'écrivain jusqu'à ses derniers jours : « Cet homme était mes tenants et mes aboutissants. Aurons-nous un jour un autre avenir que notre passé ? » Question qu'il étend ensuite à l'ensemble du monde musulman. Dans “Les Boucs”, l'auteur critique le rapport de la France avec ses immigrés, travailleurs exploités qu'il qualifie de « promus au sacrifice ». C'est le premier livre qui évoque dans un langage haché, cru, poignant, le sort fait par le pays des Lumières aux Nord-Africains. Suivent deux romans épuisés aujourd'hui : “L'Âne”, dans le contexte des indépendances africaines, prédit avant tout le monde leur échec et les dictatures, « ce socialisme de flics ». “La Foule”, également épuisé, est une critique voilée du Général de Gaulle. Le héros est un imbécile qui arrive au pouvoir suprême, car, à son grand étonnement, la foule l'acclame dès qu'il ouvre la bouche. Une page se tourne avec la mort de son père, Haj Fatmi Chraïbi, en 1957. L'écrivain, en exil en France, dépasse la révolte contre son père et établit un nouveau dialogue avec lui par-delà la tombe et l'océan dans “Succession ouverte”. “La Civilisation, ma Mère!...” (1972) tente d'apporter une réponse aux interrogations de l'écrivain marocain. Le fils aide sa mère à se libérer du carcan de la société patriarcale et à trouver sa propre voie. C'est l'une des premières fois que la question de la femme est évoquée dans la littérature marocaine.
Sources : France Culture et Wikipedia
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