"J'ai rédigé la critique dramatique à L'Eclair, à la Revue de Paris, au Matin, au Journal, au Petit Parisien. Pour y avoir mis de la conscience personnelle, de l'amusement et même de l'intérêt, j'ai souvent cru que j'avais un tempérament de critique - de critique indulgent s'entend." (extrait de la préface).
Et de critique personnelle, puisque l'on retrouve la "griffe" inimitable de
Colette dans ces cinq volumes qui contiennent les billets qu'elle a donnés aux différents journaux entre octobre 1933 et juin 1938. Critique indulgent? Critique au franc-parler qui ne se dissimule pas derrière la fameuse jumelle noir de
théâtre qu'elle emportait avec elle et qui donnera son titre à ce recueil. Yeux et oreilles en alerte, la clairvoyance de
Colette dévoile tout ce qu'elle surprend en bien, en moins bien, en franchement décevant dans tous les domaines du
théâtre (auteurs, interprètes, musiciens, metteurs en scène, etc...). Imaginons combien furent attendues ces chroniques dont la plume tour à tour lucide, tendre, ironique, acerbe, jamais méchante déconcertait le milieu de la critique traditionnelle. Découvrons avec nos yeux d'aujourd'hui un
théâtre parfois désuet, des noms devenus célèbres, d'autres déjà confirmés, des
théâtres disparus, un monde perdu d'artistes qui firent rêver et défendirent la langue française dans tout ce qu'elle a de plus noble. Cette "Jumelle noire" est un trésor sur le
théâtre d'avant 1940. Des noms qui firent rêver :
Louis Jouvet, Pierre Fresnay, Pierre Blanchar,... Des noms qui débutaient : Jean-Pierre Aumont, Dominique Blanchar,... Des noms d'un Paris léger : Maurice Chevalier, Mistinguett,... Des auteurs éternels :
Corneille,
Molière,
Musset,... Des auteurs qui demeurent :
Sacha Guitry,
Jean Anouilh, CrommelynckCrommelynck... Des salles prestigieuses : la Comédie-FrançaiseComédie-Française, le
théâtre de l'Oeuvre, le
théâtre Marigny... Des salles mythiques : les Folies-BergèresFolies-Bergères, l'Alcazar,... Et
Colette, grande prêtresse qui, humble et pertinente, écrit dans sa préface :
"Le devoir d'affirmer une opinion gâte nombre de nos joies. Chaque fois qu'il quitte une première représentation, le critique théâtral emporte avec lui de quoi assombrir le plaisir d'avoir été un auditeur sensbible, épanoui et irresponsable. du moins Paris lui conserve le respect du bon comédien, l'admiration que méritent ensemble quelques auteurs dramatiques et les élans de génie d'un metteur en scène."