J'avais repéré ce livre en librairie, attirée par le titre et la couverture (qui ne ressemble à rien !), puis comme tant d'autres, je l'avais reposé en attendant un autre jour d'inspiration… jour qui est venu bien plus tôt que prévu mais autrement : peu après, ce livre est apparu dans le catalogue virtuel de ma bibliothèque, du coup je n'ai plus hésité.
J'ajouterai d'emblée que, contrairement à plusieurs auteurs des critiques lues çà et là sur les différentes plateformes de lecteurs, je ne connaissais pas du tout l'univers de Nicolas de Crécy. N'étant pas (ou que très rarement) lectrice de bandes dessinées et autres illustrés, pour moi c'était un illustre inconnu.
Mais le plus surprenant, finalement, c'est que j'avais interprété spontanément « l'odyssée cévenole de Bonnie & Clyde », telle que ça apparaît sur le bandeau du livre, au figuré : dans mon esprit, et sans trop m'attarder sur le 4e de couverture, on allait trouver là une histoire locale campagnarde d'un couple de criminels… mais pas du tout ! L'auteur prétend vraiment nous présenter le mythique couple meurtrier, qui aurait mis en scène sa fin, laissant d'autres se faire abattre par les balles de la police en Louisiane, tandis qu'eux s'enfuyaient vers la France, où ils se seraient réinstallés sans trop d'éclat (pour ne pas être arrêtés) mais en poursuivant une vie en marge, jusqu'à aboutir au fin fond de la campagne cévenole à un âge désormais avancé – on est en 1976, on fêtera notamment les 67 ans de Clyde dans le courant du livre.
C'était improbable, ça paraissait « trop », et pourtant ça s'avère vraiment bien ficelé et tout à fait crédible.
Mais là où le synopsis, suivi par certains critiques, voit de l'humour noir, moi je vois plutôt un récit contemporain effectivement noir, qui dénonce certains travers de notre société (même si on parle de la 2e moitié des années 1970, qui semble tellement éloignée de notre début de XXIe siècle, et pourtant…) sans aucune concession, avec plus d'un clin d'oeil certes, mais c'est alors un humour noir et grinçant –et en tout cas, pour moi, l'humour (même noir) fait rire ou au moins sourire, or ici je n'ai pas une seule fois souri, j'étais même de plus en plus glacée !
Ainsi, à travers Bonnie devenue Éva (car elle avait trouvé beau le mot « évanescente », l'un des premiers mots français rencontrés à son arrivée en France) et Clyde devenu Claude, entourés de toute une série de personnages secondaires qui gravitent autour d'eux, parfois carrément mis en avant, l'auteur plonge au coeur d'une communauté locale très caricaturée : on a le parrain de la pègre locale, gros et gras et surtout incapable de tuer malgré tous ses autres méfaits… et aussi son sens de la famille qui amène ainsi son neveu incapable lui aussi à l'avant-plan ; on a le curé trop beau pour être sincère et pourtant complètement idéalisé dans son rôle d'ecclésiastique un peu figé ; on a l'enfant, fils inespéré et inattendu du couple d'enfer ; on a même les traditionnels gendarmes, qui eux vont toujours rester au second plan, mais que l'on voit si bien dans leur petit rôle ! Tous ces personnages ont leur propre histoire plus ou moins développée, de façon souvent savoureuse (même si, pour tous, c'est aussi assez noir) et truculente.
C'est que, sans surprise vu le background de l'auteur, l'écriture est extrêmement visuelle : il croque avec une précision sans défaut les traits importants des personnages et des situations. le choix des mots semble toujours très recherché, rien n'est laissé au hasard, parfois c'est même un jeu (comme cette histoire d'évanescente qui mêle le nouveau prénom de Bonnie et sa nouvelle naissance ; et il y a quelques autres passages du genre). Quelques fois, on se situe à la limite du pompeux, mais on ne tombe finalement jamais dans l'exagération. C'est donc un tout bon niveau très appréciable.
Et c'est donc dans cette langue que, bien au-delà d'un pseudo-humour sur lequel tant d'autres semblent s'accorder, mais avec une apparente désinvolture qui masque à peine une véritable dénonciation, l'auteur se penche sur un toute autre sujet qui reste tristement d'actualité : notre rapport à la vieillesse, et les divers handicaps qui en découlent. Ça parle de la décrépitude des corps que l'on constate jour après jour, de la perte irrémédiable de la beauté même s'il en reste des traces, du regard que l'on porte sur l'autre avec qui on partage ces années qui ne reviendront jamais mais qui ont amené AVC et fauteuil roulant ; ça parle de la peur de se retrouver parqué en maison de retraite, mais aussi de la déliquescence d'un couple, quand l'une ne supporte plus de voir sa propre déchéance à travers celle de l'autre.
Ça parle aussi, bien entendu, du regard des autres sur cette vieillesse : un regard partagé entre l'admiration envers un couple mythique vaguement inquiétant pour ceux qui ne savent pas qui ils sont vraiment, et un certain dégoût face à ce vieillard en chaise roulante qui ne se lave plus vraiment et qui a de drôle d'obsessions, ou face à cette femme excentrique qui semble mener son monde à la baguette tout en s'étonnant des jeunes fous soixante-huitards qui arrivent peu à peu dans sa campagne depuis ce lointain Paris, clamant la libération de la femme, mais laissant leurs femmes faire la vaisselle pendant qu'ils bavardent en d'interminables réunions enfumées…
Bref, comme expliqué plus haut, c'est une histoire plutôt sombre, sans illusion sur ces vieux jours qui nous guettent tous – à moins de partir jeunes ?
Avec tout ça, je ne peux pas vraiment dire si je me suis attachée aux personnages ou non… N'importe quel autre couple de criminels aurait peut-être été sympathique sous la lumière apportée par l'auteur dans leur vieil âge ; mais ici, leur passé (qui est rappelé çà et là, sans jamais trop entrer dans les détails, mais on trouve pléthore d'articles sur leur histoire réelle, sans avoir besoin de chercher longuement !) les rend quelque peu inaccessibles et vaguement antipathiques. Avec leur âge en plus, c'est « pathétique » le premier mot qui me vient à l'esprit, avec des aspects touchants dans ce désespoir quotidien qui semble envelopper Clyde, tandis que Bonnie s'enfonce dans un indéniable côté acariâtre. Mention toutefois pour le petit Célestin – qui interpelle, aussi, lui l'enfant dans toute son innocence mais aussi ses questions, alors qu'il grandit dans un milieu vraiment particulier, indéniablement défavorisé aux yeux de notre société polissée… ; ou la jeune et belle Iris, amoureuse d'un homme qui n'en vaut pas la peine.
Bref, en terminant ce livre, je garde un sentiment d'incertitude envers les personnages, tandis que la fin de l'histoire me laisse un peu dubitative. Ce n'est pas un coup de coeur malgré toutes les qualités développées plus haut. Mais indéniablement, c'était une lecture originale et intéressante, aucun regret donc !
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Bonnie & Clyde ne sont pas morts, ils ont organisé une mise en scène et sont partis se refaire une nouvelle vie dans les Cévennes. Désormais (1977) c'est un couple de petits vieux qui vivotent sur leur gloire ancienne passée et dans la misère. La lecture est vraiment plaisante, mais les personnages bien glauques. Un livre sur le fil du rasoir, qui oscille entre différents styles sans y plonger. A lire !
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L'auteur adulé en BD de Visa Transit s'offre une récréation littéraire réjouissante. Dans Vieux criminels, il ressuscite Bonnie & Clyde en Bidochon!
Lire la critique sur le site : FocusLeVif
Eva sort de la pièce et s'engage dans un couloir sombre, au bout duquel s'ouvre une petite porte qui débouche directement dans le lavomatique. Elle vide le linge sale dans la dernière machine qui fonctionne encore, une robuste Atlantic semi-automatique calée au sol à l'aide de radiographies de cages thoraciques. En regardant tourner le tambour, hypnotisée par la danse des slips et des chemises, Eva mesure la distance que peut parcourir le sentiment amoureux en le calquant sur les phases du programme de la machine; l'état de départ, l'état intermédiaire et l'état final - sans oublier l'évacuation de l'eau sale. L'état de départ était grandiose, sillonné de fureur et de sang; la vie était hautement romantique, la liberté s'écrivait chaque jour sous une forme différente. Mais la liberté est un vieux souvenir, qui s'efface aussi vite que l'âge avance, au même titre que l'amour se délite. Eva considère qu'elle et Claude approchent de l'état final du sentiment amoureux, lorsqu'on a dépassé la souffrance et que l'on ressort lavé du poids de la culpabilité. Ce point est proche, le couple ne reste attaché que par le fil de la peur, celle de finir seul, chacun de son côté. (pp.80-81)
En 1999, au milieu des clips au budget faramineux qui mettent des stars devant et derrière la caméra, une petite vidéo graphique s'échappe. Elle va à la fois définir l'ambiance visuelle de la French Touch électronique, alors en pleine ébullition, et donner le ton de la publicité pour la décennie à venir.
Dans une ville entièrement construite à l'aide de typographies mouvantes, le clip de “The Child”, du DJ Alex Gopher, réalisé par la jeune agence de pub parisienne H5, raconte une histoire visuelle et sonore, en s'inspirant de l'ambiance de l'époque. Celle de bidouilleurs d'électronique pour qui les aspects graphiques et musicaux vont de paire.
Des pubards qui clippent, des clippeurs qui réalisent des pubs, des pubs qui reprennent des concepts de clips… Qu'importe le support alors, l'idée prime et peut même être recyclée. Quelques années plus tard, “The Child” donnera “Logorama”, court-métrage d'animation sorti en 2011 et toujours réalisé par H5 : un petit film où se sont des logos de grandes marques qui forment une histoire. Une mise à jour – avec un ajout de message politique en prime – de leur concept de ville en typographie qui va rafler un oscar, un César et un prix à Cannes. Un peu comme si, finalement, c'est un clip français qui avait gagné de prestigieuses récompenses cinématographiques internationales.
La playlist YouTube des clips cités dans l'épisode 3 :
https://www.youtube.com/playlist?list=PLVqfjXoCgKbYpbasiEVulU18WbsVMISEG
Épisodes précédents :
1/ Comment un “Cargo” a placé la France sur la carte du clip
https://www.youtube.com/watch?v=isSA-gKlxmc&list=PLVqfjXoCgKbaRd0gJl2__TpyXBzCMBSSo&index=1&ab_channel=Telerama
2/ Comment un clip français a fait tomber toutes les frontières
https://www.youtube.com/watch?v=541NDNzYSTc&list=PLVqfjXoCgKbaRd0gJl2__TpyXBzCMBSSo&index=2&ab_channel=Telerama
Prochain épisode : jeudi 16 décembre, à 18h.
“Comment le clip de rap est passé du béton (des cités) au sommet (de la Tour Eiffel)”
LE CLIP FRANÇAIS
Une websérie de Télérama
ÉCRITURE ET NARRATION
Jérémie Maire
RÉALISATION
Pierrick Allain
TOURNAGE INTERVIEWS
Pierrick Allain
François-Xavier Richard
PRODUCTION
Basile Lemaire
Avec l'aide de
Thomas Bécard
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CLIPS et EXTRAITS
“Miami”, Will Smith, 1998, Wayne Isham
“La nuit je mens”, Alain Bashung, 1998, Jacques Audiard
“Ray of Light”, Madonna, 1998, Jonas Åkerlund
“The Child”, Alex Gopher, 1999, Antoine Bardou-Jacquet et Ludovic Houplain
“Logorama”, 2011, François Allaux, Hervé de Crécy et Ludovic Houplain
“Le patron est devenu fou”, Étienne De Crécy, 1996, Marie de Crécy
“Moon Safari”, Air, 1998
“Around the World”, Daft Punk, 1997, Michel Gondry
“Midnight Funk”, Demon, 1999
“The greatest album covers of jazz”, Earworm, 2018, Vox
“Une journée en enfer”, 1995, John McTiernan
“God Bless the Child”, Billie Holiday, 1956
“Flat Beat”, Mr. Oizo, 1999, Quentin Dupieux
“Night Owl”, Metronomy, 2016, Quentin Dupieux
“Flat Eric”, Levi's, 1999, Quentin Dupieux
“Crispy Bacon”, Laurent Garnier, 1997, Quentin Dupieux
“La Ritournelle”, Sébastien Tellier, 2005, Quentin Dupieux
“Party People”, Alex Gopher, 1999, Quentin Dupieux
“Commute”, Photoshop, 2020, Antoine Bardou-Jacquet
“Remind Me”, Royksopp, 2001, H5
“Expert en énergie”, Areva, 2004, H5
“Twist”, Goldfrapp, 2003, H5
“Touran train fantôme”, Volkswagen, 2007, H5
“Brainwashed (The Making Of)”, George Harrison, 2002
Cérémonie des César, 2011, Canal+
Cérémonie des Oscars, 2010
ANIMATIONS
Vecteezy
REMERCIEMENTS
H5
Translab Mastering Studios
Réalisé avec le soutien du CNC Talent
Télérama - décembre 2021
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