Il y a une quinzaine d'années, lors d'une visite à Chartwell House, le manoir résidentiel de
Churchill dans le Kent à 52 km au sud-est de Londres, dans une serre du jardin, j'ai pu voir le petit coin où le grand homme aimait se retirer pour peindre. Il y a toujours son chevalet et son tabouret comme si sir Winston venait de s'absenter et allait revenir d'un moment à l'autre. Sur une mini-table près du tabouret il y avait un énorme cendrier à côté d'un petit verre de whisky... vide. Donc, je sus qu'il n'y aurait pas de miracle de résurrection ce jour-là !
Par mon introduction je ne veux pas donner une fausse impression de l'homme, pour lequel j'ai énormément de respect et que je considère comme un des géants de la politique du siècle dernier. Comparé à sa successeuse actuelle, la pauvre Theresa May avec ses problèmes de Brexit et ses potes comme
Boris Johnson qui préfère jouer à la vedette, il y a, bien entendu, un gouffre immense !
Sir Winston pouvait avoir ses petits péchés mignons et avoir commis quelques erreurs de jugement, n'empêche que c'était un homme qui disposait d'un instinct politique rare, était un bon écrivain, un orateur exceptionnel, qui en plus avait un sens d'humour prononcé.
J'étais contant de lire à la page 7 de cet ouvrage, paru en 2011 sous la direction de
Pierre Assouline : "... héros d'exception mais à dimension humaine". Et encore plus par les derniers mots de son excellente préface : "Chapeau l'artiste ! " (page 31).
La conception de ce petit livre (197 pages) est curieuse et, à mon avis, ingénieux. Plutôt de faire l'historique de l'homme depuis sa naissance en 1874 à Woodstock à son décès en 1965 à Londres,
Pierre Assouline a eu la merveilleuse idée de s'entretenir avec 10 historiens réputés et spécialistes de la période couverte par la vie de
Churchill. Avec 4 professeurs anglais et 6 français, dont
Philippe Chassaigne (auteur de "Histoire de Angleterre des origines à nos jours") et
Jean-Louis Crémieux-Brilhac (auteur de "
La France libre : de l'appel du 18 juin à la Libération"), il aborde différents aspects de l'existence de son héros en 5 chapitres, allant de "Naissance d'un chef" au "Le bilan" en passant par "Le seigneur de guerre", "Le stratège" et "
Churchill et la France".
J'ai l'intention dans ce billet d'en faire autant. Point de résumé chronologique, mais me limiter à quelques points que soit j'ignorais, soit m'ont un peu surpris.
Pour les amateurs de livres et de statistiques, le Prix Nobel Littérature de 1953 a écrit 15 millions de mots. J'ignore, toutefois, combien il en a écrit debout derrière son pupitre, une habitude qu'il avait en commun avec le Nobel français
Albert Camus.
Malgré toute mon admiration pour ce "Lion" (un de ses surnoms), il me faut reconnaître qu'il a commis des erreurs de taille. En 1925, comme chancelier de l'Échiquier (ministre des finances) sa décision de revenir à l'étalon-or pour les échanges commerciaux, décision qu'il a amèrement regrettée par après. Ses erreurs stratégiques, au cours de la Première Guerre mondiale dans les Dardanelles à Gallipoli et lors de la Seconde : à Singapour, Tobrouk, le Dodécanèse et Dunkerque.
Personnellement, je regrette surtout qu'il ait été tellement conciliant avec Staline. Je sais bien que l'Armée rouge avait consenti d'énormes efforts pour vaincre
la peste brune et que Roosevelt était gravement malade, mais l'accord de Yalta de février 1945 entre ces trois et le partage de l'Europe a été la source de beaucoup de souffrances pendant de longues années en Europe centrale et orientale.
Cela n'empêche pas qu'il est passé dans l'histoire comme "Le Résistant" aux ambitions folles et démesurées d'
Adolf Hitler. Comme le général
De Gaulle, dans une certaine mesure et avec qui il ne s'entendait guère. Ces 2 hommes étaient bien trop différent de caractère et tempérament pour aller boire ensemble une fine dans un pub, mais pour contrecarrer le Führer c'était une autre paire de manches.
On peut dire que sir Winston a été un francophile convaincu. Tout jeune il a parcouru le territoire français de long en large et on a calculé qu'il y a passé presque 4 années de sa vie.
Aujourd'hui, force est de constater que d'un côté il ne se passe pas un jour sans que soit citée une de ses maximes, tandis que d'un autre côté, selon une enquête, un quart des Britanniques "sont persuadés que
Winston Churchill est un personnage de fiction", une espèce d'Harry Potter !
Pierre Assouline ajoute "ce qui est assez bien vu, au fond, et l'aurait probablement enchanté".
Le pauvre homme se retournerait dans sa tombe si je ne terminais pas par une de ses boutades - un domaine dans lequel avec
Oscar Wilde il brillait - qui ne doit cependant pas donner l'impression qu'il n'aurait été qu'un riche bourgeois sans sentiment social, mais l'opposition politique s'appelait
Parti Socialiste, donc .... "
Christophe Colomb était le premier socialiste : il ne savait pas où il allait, ignorait où il se trouvait et faisait tout ça aux frais des autres" (page 16).