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Jacques Michaut-Paternò (Traducteur)
EAN : 9782889600458
176 pages
La Baconniere (22/04/2021)
4.01/5   40 notes
Résumé :
Sergueï Dovlatov émigra en 1978. Il quittait une Russie imbibée de vodka, « constitutionnellement délinquante, peuplée de personnages fous, impertinents, violents, faibles, irrémédiablement énigmatiques ». De cette Russie, transplantée dans la communauté émigrée de New York, il a fait un roman irrésistible de drôlerie et de tendresse : L Étrangère. La Valise raconte sa vie précédente dans la Russie des Soviets, faite de menus épisodes désespérants et cocasses d'absu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Quand un russe quitte son pays natal, on lui donnait le droit à trois valises. Trois petites valises pour rassembler tous les fragments d'une vie. Mais que mettre à l'intérieur, des souvenirs ou des nécessités ? C'est ainsi l'occasion de faire le bilan de sa vie et d'en découvrir une autre, en partant de rien ou presque, resteront toujours le parfum du souvenir et de la vodka d'antan.

Serguei Dovlatov, de prime abord, effrayé de rassembler sa vie pour la mettre dans de si petits contenants, se limita pourtant à une seule valise. Unique objet pour démarrer en terre américaine, l'écrivain émigré russe va ainsi me conter l'histoire de « la valise », de son costume ou de sa paire de chaussettes. Chaque objet, presque futile aussi imposant voir important qu'une boucle de ceinture, sera l'objet d'une nouvelle autobiographique. Ces dernières sont souvent empreintes de nostalgie, une petite pointe d'ironie, quelques sourires amusants mais surtout beaucoup de tendresse.

Pour moi découvrir un nouvel écrivain russe, c'est caviar et vodka. Une immersion totale ou presque – j'évite quand même de me rapprocher du goulag, la vodka doit y être de piètre qualité. Et la vodka rafraîchit les idées, comme la littérature russe. le souffle glacial du blizzard tourne les pages de ma vie, une bouteille de vodka se vide autant qu'une solitude déverse des verres de transparence. Je ne suis ni poète ni russe, mes vers sont juste des verres d'une vodka blanche et glacée – sans un brin d'herbe de bison.

Je me mets ainsi à la place de l'auteur : que mettrai-je dans une valise qui pourrait ressembler à un fragment de ma vie ? Quelques bouquins, une paire de chaussettes colorées – j'aime pas les chaussettes tristes – et puis on a toujours besoin de chaussettes dans la vie, une boite à trésors au style icône orthodoxe, une bouteille de parfum fleur de coquelicot de l'être aimée, une bouteille de vodka ou d'autres quêtes spirituelles… et puis je crois que j'ai fait le bilan de cette vie-là… Ça fait du bien de lire un tel roman, ça permet de faire le tri dans sa vie, et se rendre compte qu'il n'y a rien dans cette putain de vie qui vaut le coup de m'être gardé. Que quelques souvenirs, comme une évidence, qui eux auront le mérite d'être éternels, même après une bouteille de vodka.

"Je bois uniquement le soir... Jamais avant midi."
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Quand on entreprend un petit voyage, quand on part en vacances, on prend des vetements de rechange dans sa valise. Quand on s'exile, on n'y emporte que des souvenirs. C'est ce que nous dit Dovlatov dans La valise.

Les souvenirs qu'il raconte laissent au lecteur un petit gout amer, mais ils lui fond poindre aussi beaucoup de sourires, parce qu'il y met pas mal d'humour et une fine ironie envers soi-meme.

En de courtes anecdotes, Dovlatov relate ses deboires dans l'URSS finissante, en fait ses aventures ou mesaventures. En une prose agile, operant par courts paragraphes, il arrive a rendre le portrait d'un pays, tres eloigne de la version officielle du regime. Un portrait ou pullulent les petits voleurs au jour le jour, les perdants, les survivants envers et contre tout, inonde par de la vodka frelatee.

Rien n'est vraiment tragique dans ce que raconte Dovlatov. Iossip Brodski, cet autre exile qui recut le Nobel, a dit de lui qu'il est admirable justement dans son rejet de la tradition tragique de la literature russe. Toutes les anecdotes de ce livre sont teintees d'ironie, de scepticisme, et font ressortir l'absurdite de la vie, le stoicisme dont il faut s'armer pour la traverser sans larmes, sinon sans douleur. Stoicisme et quelques bouteilles. Les russes sont passes maitres dans l'art de noyer la douleur dans la vodka.

Dovlatov se rit de tout et de lui-meme, de son experience de journaliste et d'ecrivain, notant par exemple que nul ne peut pretendre en Russie a une credibilite intellectuelle s'il n'est pas passe par une prison. Or lui, il a ete un certain temps gardien de prison. Mais par-ci par-la une certaine sentimentalite affleure, comme quand il s'emeut (pas trop, juste ce qu'il faut) decouvrant que sa femme garde precieusement une photo de lui, et en profite pour lui dedier de tres belles pages.

Dovlatov se decrit comme un grand paresseux, ou plutot un grand indolent. Ne nous y trompons pas. Il n'a pas arrete d'ecrire tant qu'il etait en URSS. Il a essaye d'exfiltrer ses ecrits et a fini, sans gaite de coeur, par s'exiler, pour pouvoir continuer a ecrire et pouvoir publier librement. Toujours en russe, meme a New-York. Il n'a jamais troque sa vodka contre du bourbon. L'exile est reste un auteur russe. Il a toujours garde la vieille valise emportee, la valise ou il a emballe ses souvenirs, son ame.

Il y a beaucoup de nostalgie dans La valise. Transcrite de manière cocasse, presque burlesque. Dovlatov est un bouffon triste. Sa nostalgie vaut la peine d'etre lue.
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Enfin ! J'ai mis la main sur cette valoche ! Et je n'ai pas été déçue. Dovlatov (1941-1990) est un conteur hors-pair, un enchanteur de première catégorie. C'était un écrivain russe dissident, ce n'était pas non plus Soljenitsyne, mais plutôt le genre turbulent, indocile et gros buveur. Il a été autorisé à quitter la mère patrie en 1978 ( c'était ça ou la prison). Aux Etats-Unis, Il a choisi de réinventer ses souvenirs sous forme d'aventures dingos, absurdes et hilarantes. j'adore ses dialogues ciselés, ses digressions formidables. Il manie le sarcasme et l'humour noir avec subtilité pour nous décrire tares et misères de la société soviétique sous Brejnev. Mais il ne juge personne. il y a beaucoup de tendresse et de pudeur derrière chaque récit.

Dovlatov ( un double de l'auteur) se prépare à quitter le pays. Comme tout émigrant il n'a droit qu'à trois valises. Il commence par protester puis s'aperçoit qu'une seule petite valise lui suffit amplement. Arrivé aux Etats-Unis, il flanque sa valoche dans le fond d'un placard et l'oublie. Quatre ans plus tard, son gamin, puni par sa femme, tombe dessus. La valise contient huit objets accumulés en trente six ans de vie. Chacun de ces objets est l'occasion de se remémorer huit moments de sa vie.

1)Les chaussettes finlandaises ****
Dovlatov étudiant fauché et amoureux est endetté. Au mont de piété, il rencontre Fred, un philosophe qui trafique des tas de trucs importés fort demandés en URSS. Il lui propose de s'associer avec lui. Deux Finlandaises vont débarquer avec la marchandise...
2) Les chaussures du maire *****
Dovlatov entre dans une brigade de tailleurs de pierre haute en couleur chargée d'exécuter un bas-relief représentant Lomonossov pour une station de métro. A l'achèvement de la statue, Ils sont invités à l'inauguration puis au banquet, plein de privilégiés du régime. Dovlatov se retrouve à la même table que le maire Alexandre Sizov.
3) Un costume croisé tout à fait convenable ****
Dovlatov ne s'habille pas bien. Alors qu'il est Journaliste, son directeur se lamente. Dovlatov devra préparer pour la fin de l'année trois articles de portée sociale qui aient une large résonance politique destinée à frapper l'opinion. A titre de récompense, la rédaction lui offrira un costume....
4) le ceinturon d'officier *****
1963. Dovlatov effectue son service militaire comme surveillant dans un camp. Il vient de finir sa formation. Il est chargé d'escorter un zek au baraquement 14. Celui-ci est devenu fou, il aboie, il lance des cocoricos, il a mordu la cuisinière. Bref Dovlatov doit l'emmener à l'asile en compagnie de Tchoubiline, un tchékiste, spécialiste de l'outillage. Il est en train de souder un ceinturon d'officier en laiton et acier très à la mode chez les tchékistes...
5) La veste de Fernand Léger ****
Dovlatov se souvient que sa famille modeste était très liée à celle de Nikolaï Tcherkassov, acteur du peuple, très populaire et bénéficiant de privilèges. Il nous raconte les vacances communes au bord du golfe de Finlande, les différences de traitement entre les deux fils...
6) La chemise en popeline ***
Dovlatov nous raconte sa rencontre avec Léna, envoyée chez lui pour l'inciter à voter. Dovlatov l'emmène au cinéma...
7) La chapka ***
Avec son cousin Boria ( voir Album de famille) autre très sérieux amateur de vodka, Dovlatov ,coiffé d'un bonnet de ski, se rend dans un hôtel où les attendent trois femmes venues tourner un documentaire. Elles le méprisent totalement. Après la réception, Rita demande à Dovlatov de l'accompagner à l'aéroport en taxi. A la station éclate une bagarre...
8) Les gants d'automobiliste *****
Dovlatov est alpagué par Shilippenbach un autre journaliste médiocre qui a décidé de tourner un film amateur. Il propose à Dovlatov qui mesure 1m94 de tenir le rôle principal, celui de Pierre le Grand, de retour dans sa ville. Dovlatov devra improviser comme dans un film d'Antonioni. L'une des scènes doit être tournée près d'un stand de bière où les clients font la queue...
Dans mon édition La Baconnière (2020) le texte est suivi d'un entretien de l'auteur paru dans la revue Slovo en 1988 qui parle de sa condition d'écrivain émigré aux États-Unis et ensuite d'une courte biographie.




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Serguei Dovlatov émigre aux États-Unis en 1978, avec une seule valise contenant des objets hétéroclites, souvenirs des trente-six années de sa vie russe qu'il déballe dans ce livre. Des anecdotes truculentes, désespérantes et cocasses d'absurdité débouchent sur un des objets contenus dans La Valise: une paire de chaussette finlandaise/ des chaussures volées au maire / un costume croisé convenable/ la veste de Fernand Leger....
Avec un humour décapant,i il nous raconte des situations burlesques peuplées d'une galerie de personnages épatants
( poivrots,petits criminels,gens délirants,artistes ou pseudo-artistes..) évoluant dans l'univers parfois surréel de l'ancien régime communiste. Son art de l'autodérision et son indifférence générale envers la vie le sortent des situations les plus incongrues.
"J'ai examiné la valise vide.Karl Marx au fond.Brodsky sur le couvercle.Et entre les deux,une vie foutue,inestimable,unique....",La Valise,une valise personnelle et unique,métaphore de l'errance lié à la condition humaine,est un récit drôle et profond,un grand plaisir de Lecture!
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36 années de vie contenues dans une valise… Une valise cartonnée aux coins arrondis de métal, dont la serrure ne ferme plus et ligotée au moyen d'une corde à linge. Ce n'est que quelques années après son immigration aux Etats-Unis que l'auteur la rouvre. Huit objets y apparaissent pêle-mêle. Ces objets ont leur histoire et c'est au travers de huit chapitres que l'auteur nous les conte.

J'adore la plume de Dovlotov.

Provocatrice, dans le sens où l'auteur étale une réalité crue, au travers de laquelle on découvre une Russie au quotidien, précisément à Saint-Pétersbourg lorsque celle-ci s'appelait Leningrad. Nulle question de la beauté des monuments ou de l'architecture. C'est l'Homme qui intéresse Dovlatov. La vie de tous les jours pour ceux qui ne sont pas des nantis.

Divertissante et spirituelle. Avec ironie et une certaine bouffonnerie, il nous dépeint certains travers du peuple Russe et des habitudes bien ancrées, comme l'alcoolisme dont il est beaucoup question dans ce livre. Mais toujours à l'échelle de l'homme de la rue, l'ouvrier ou l'employé. La dureté de la vie, la nécessité de chercher des petits boulots et d'en changer souvent au gré des opportunités mène irrémédiablement vers des petits larcins qui semblent d'usage courant.
Mais tout cela évoqué avec beaucoup d'humour.

Vous l'aurez compris, j'ai adoré !
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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Le maire intervint ensuite. Il lisait son papier. Il exprima sa profonde satisfaction. Félicita les travailleurs d'avoir achevé les travaux en un temps record. Balbutia trois ou quatre noms. Et finalement proposa de boire à la sagesse de Lénine, notre guide.
On entendit quelques bruits dans l'assistance. Chacun s'empara de son verre.
Suivirent plusieurs toasts. Le chef de station proposa de boire à la santé du maire. Le compositeur Petrov, à l'avenir radieux. Le metteur en scène Vladimorov, à la coexistence pacifique. Et l'haltérophile Doudko, au rêve qui sous nos yeux était en train de devenir réalité.
Tsypine devint rose. Il vida un verre de cognac et tendit le bras en direction du champagne.
- Ne mélange pas, lui conseilla le chef d'équipe, tu as déjà ton compte.
- Comment ça, " ne mélange pas " ? s'étonna Tsypine. Pourquoi ? Je mélange de façon intelligente. Scientifiquement. Mélanger la vodka et la bière, c'est une chose. Le cognac et le champagne, c'en est une autre. Je suis expert en la matière.
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Quand on boit, le pire qui puisse arriver est de se retrouver sur un lit d’hôpital. Émergeant à peine des vapeurs d'alcool, on marmonne :
- Suffit ! J'arrête ! Je stoppe définitivement ! Plus jamais la moindre goutte, plus jamais !
Et soudain on découvre qu'on a la tête bandée. On veut toucher son pansement, mais on a le bras gauche dans le plâtre. Etc.
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Bien sûr, j'aurais pu refuser. Mais, je ne sais trop pourquoi, j'acceptai. Je passe mon temps à répondre aux propositions les plus saugrenues. Ce n'est pas pour rien que ma femme me dit :
- Tout t'intéresse, hormis tes devoirs d'époux.
Ma femme est convaincue que le premier devoir d'un époux est d'être sobre.
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La plupart des gens considèrent comme insolubles les problèmes dont la solution ne leur convient pas. Et ils continuent de poser des questions, bien qu'ils n'aient absolument pas besoin de réponses précises ...

Je me souviens avoir entendu dire que les contraires s'attirent. Il y a selon moi quelque chose de douteux dans cette théorie, ou tout du moins de contestable. Par exemple, Dacha et André se ressemblaient : tous deux grands, beaux, gentils et pratiques. Tous deux appréciaient avant tout l'ordre et la tranquillité. Ils vivaient avec goût et sans problème.
Lena et moi nous ressemblions également : tous deux, des ratés chroniques. Tous deux en désaccord avec la réalité. Même en Occident, nous trouvons le moyen de vivre au mépris des règles établies.

Ma femme dit :
- Vivre avec un homme qui reste uniquement par paresse, c'est de la folie.
Ma femme exagère toujours. Même si, effectivement, je m'efforce d'éviter les soucis inutiles. Je mange n'importe quoi. Je vais chez le coiffeur quand j'ai une tête qui ne ressemble plus à rien. Mais alors, c'est la tondeuse. Ensuite je n'y pense plus pendant trois mois.
Pour être franc, je n'aime pas sortir. Je veux qu'on me laisse en paix.
( ... )
Cela étant je ne peux pas vivre seul. J'oublie toujours où sont les factures d'électricité. Je ne sais ni repasser ni laver. Et surtout je ne gagne pas grand chose.
Je préfère être seul mais à côté de quelqu'un.
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- On peut vous faire confiance. Je l'ai tout de suite compris. Dès que j'ai vu le portrait de Soljenitsyne.
- C'est Dostoïevski. Mais j’admire également Soljenitsyne.
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