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EAN : 9791034750344
168 pages
Dupuis (18/03/2022)
3.69/5   13 notes
Résumé :
Philippe Dupuy dessine avec son fils Hippolyte. Se promène au musée ou à Taïwan avec son fils Hippolyte. Réfléchit à la vie en regardant son fils Hippolyte... Car à travers cet enfant, l'auteur retrace autant son passé qu'il trace son avenir, développant au passage une douce réflexion sur la nudité dans l'art, la paternité tardive, la marche du monde, la vie en général... Usant d'un dessin faussement jeté, proposant des relectures graphiques de toiles mythiques et d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Ça peut tout changer. Ces petites choses mises bout à bout.
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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre, tout en s'inscrivant dans une réflexion sur l'art et sur la bande dessinée que l'auteur a initiée depuis plusieurs tomes, avec Une histoire de l'art (2016, sous la forme d'un immense leporello, livre dépliable de plus de vingt-trois mètres recto verso), suivi par Peindre ou ne pas peindre - L'intégrale (2019). Sa première édition date de 2022. Il a été réalisé par Philippe Dupuy pour le scénario, les dessins et les couleurs, avec la participation de son fils Hyppolyte. Il comprend cent-cinquante-six pages de bande dessinée. Il se termine avec la liste des artistes et de leurs oeuvres évoqués, de Mark Rothko avec Red Equal à Jean Dubuffet avec la Métafizix, en évoquant soixante-dix créateurs, et six oeuvres réalisées par des artistes inconnus.

Incipit : David Hockney montre toujours le chemin. Reprographie avec interprétation des oeuvres Red Equal de Mark Rothko, Solen d'Edward Munch, Black sun d'Alexander Calder. Cycle : effroi, sidération, colère. Reprographie avec interprétation des oeuvres : le triomphe de la mort de Pierre Bruegel l'ancien, Pinturas Negras de Francisco de Goya, Teetering towers, The woodcuts, Heavy cloud d'Ansel Kiefer. Philippe Dupuy et son fils Hippolyte visitent un musée. L'enfant n'aime pas ces images, elles sont terrifiantes. Il ajoute qu'ils sont laids, et il y a celui qui mange quelqu'un. Sur l'avant-dernier, tout est cassé, brûlé, mort. Son père lui répond qu'il sait et qu'il est désolé. Il le prend par la main et l'emmène voir d'autres tableaux, parce que ceux-là, ça fait du bien, parce que ça existe encore : Amandier en fleurs de Vincent van Gogh, Montagne Sainte-Victoire de Paul Cézanne, Nave Nave Moe de Paul Gauguin, A closer winter tunnel de David Hockney, le bonheur de vivre d'Henri Matisse. le garçon fait remarquer à son père qu'ils sont tous tout nus. À Paris, dans son appartement, Philippe est à sa table à dessin en train de travailler. Son fils entre et lui demande ce qu'il fait : il répond qu'il travaille. L'enfant veut savoir ce que c'est : le père explique que c'est un collage avec un dessin de la main gauche, il fait ça de temps en temps. L'enfant remarque que son père aussi dessine des femmes toutes nues et il souhaite savoir pourquoi.

Philippe explique qu'il aime bien, parce qu'il trouve ça beau. Et puis c'est quelque chose qui se fait souvent en art. le fils renchérit : oui, dans les peintures, il y a plein de dames toutes nues. Comme la dame dans le coquillage qui cache sa zézette avec ses cheveux. Mais, bon, il aime bien quand même les dessins de son père. Ce dernier le remercie et lui indique qu'il aime beaucoup ceux de son fils. Puis Hippolyte demande la permission de regarder un dessin animé, il choisit les Pokémons. La chanson du générique débute, le héros indiquant sa volonté de devenir le meilleur dresseur, de gagner les défis et de parcourir la Terre entière. À table, l'enfant regarde le fond de son verre : quarante-quatre ans comme maman, celle-ci répond qu'elle a vingt-deux ans dans le fond de son verre. Philippe met ses lunettes mais il n'arrive pas à lire, c'est vraiment écrit trop petit. Son fils prend le verre et lit : quatre ans.

Dès les premières planches, le lecteur fait connaissance avec la singularité de ce créateur. Il reproduit en les interprétant trois tableaux de maître, puis il réalise un triangle à main levée plaçant aux sommets les mots Effroi, Colère, Sidération. Puis suit l'interprétation d'autres tableaux, et des échanges avec son fils. À l'évidence, c'est le choix de l'auteur que de reproduire à sa manière ses oeuvres d'art, plutôt que de faire usage d'une photographie de ces tableaux. Il monte ainsi comment il les perçoit, comment il les interprète, comme il les fait siens. Après ces pages en couleurs, à la peinture, au feutre, au crayon de couleur et au crayon noir, il réalise une page dans son mode graphique habituel : des traits de contour irréguliers et fins, à l'encre pour des dessins dans une veine représentative et descriptive, avec un niveau de détails variable en fonction des éléments représentés, êtres humains comme objets, entre esquisse et dessin précis à l'apparence malhabile. Dans le premier cas, le lecteur voit l'intention et la spontanéité ; dans le deuxième cas, il constate que l'artiste sait observer finement ce qui l'entoure, par exemple quand il peut identifier le mobilier urbain parisien comme les croix de Saint-André.

S'il a déjà lu des bandes dessinées récentes de cet auteur, le lecteur s'attend à la diversité des approches graphiques, et à cette impression un peu penchée. Sinon, il découvre une multitude d'idiosyncrasies qui ne relèvent pas du maniérisme ou de l'affèterie, mais de l'expression de la personnalité de l'auteur, de ses intonations, de ses hésitations, de sa façon d'appréhender le monde. Ce créateur s'exprime par chaque trait, par chaque forme, chaque mise en page, par la structure de son récit. Au fil de sa carrière, il a maîtrisé différentes techniques, les règles académiques et le savoir-faire d'un bédéiste, jusqu'à pouvoir faire totalement sien toutes les dimensions de ce mode d'expression. Il suffit de regarder les textes pour en avoir la preuve : jeu sur les polices, lettrage manuel et artisanale, ondulation des textes qui peuvent parfois épouser la forme des bordures, ou suivre la forme d'une spirale, petites annotations manuscrites en bordure de case, texte en minuscule ou en majuscule, alternance de mots en minuscules et en majuscules, et toutes ces variations participent à exprimer l'état d'esprit de l'auteur, à l'opposé de facéties artificielles et gratuites. Les modes d'expression graphique varient également en fonction de ce que l'artiste souhaite exprimer : les pages avec des dessins à base de traits de contour fins et encrés, l'interprétation d'oeuvres d'art classiques, des dessins à l'encre (de femmes nues) collés sur des photographies de montagnes, des peintures abstraites à l'aquarelle avec une silhouette dessinée et collée par-dessus, les dessins de son fils intégrés à une page, voire composant la narration visuelle pendant plusieurs pages, des compositions avec les dessins à l'encre et l'aquarelle, quatre vues de Taipei réalisées au pinceau et à l'encre sous forme d'illustration en double page, une modification du rendu des formes pour raconter une performance des cubes de Takako Saito, la reprographie de deux petits livres de bande dessinée réalisés par Hippolyte comme cadeau d'anniversaire, un dessin pour illustrer un texte de Greil Marcus sur les Sex Pistols, etc.

Derrière ce titre aguicheur, le lecteur ne sait pas trop à quoi s'attendre : la dissection d'une pratique de dessin honteuse ? La visite au musée établit qu'une composante principale du récit réside dans la relation du père avec son fils. Celui-ci ressent les oeuvres d'art, sans appareil analytique : il les voit mieux que l'auteur qui est incapable de se départir de sa culture picturale, de plusieurs décennies de pratique de la bande dessinée. C'est la raison pour laquelle Hippolyte pose cette question ingénue à son père : la forte proportion de corps féminins dénudés dans l'art lui saute aux yeux. À travers son fils, l'auteur retrouve la capacité d'émerveillement qui s'est émoussée en lui avec les décennies écoulées. Il se reconnecte aux émotions suscitées par les oeuvres d'art, il retrouve une façon de voir qu'il avait perdue. Au fil des séquences, il apparaît d'autres facettes de sa relation avec son fils du fait du caractère intimement personnel de l'ouvrage. Ainsi il évoque le regard des autres parents commentant la différence d'âge entre les deux, le père ayant soixante ans et le fils bientôt onze ans, la mère Loo Hui Phang en a quarante-six. Les parents évoquent l'avenir de leur enfant, au regard de l'état du monde. Cela amène à des questions et des réflexions apaisées, mais pas faciles, comme Philippe se demandant à partir de quand son fils pensera que son père est vieux.

La visite au musée établit aussi une autre composante majeure : la contemplation de l'art et la relation que l'auteur entretient avec. Il avait développé ce thème dans Peindre on ne pas peindre (2019), et avait poursuivi sa réflexion sur le sujet dans 'aurais voulu faire de la bande dessinée (2020, avec Dominique A et Stéphan Oliva). Outre les artistes cités plus haut, les visites d'exposition évoquent également des oeuvres de Matisse, Man Ray, Joan Miró, Fernand Léger. L'auteur passe en revue la nudité féminine dans l'art, depuis les représentations du paléolithique jusqu'au monde moderne (Pop art, Op art, Figuration narrative, libre, Cobra, Estampes, Fluxus, Photographie, Nouveau réalisme, Arte povera, Art brut, Performance, Art vidéo). Il consacré également dix pages à Takako Saito (1929-), artiste japonaise, à l'occasion d'une de ses performances à base de cubes au CAPC, musée d'art contemporain de Bordeaux. le lecteur se retrouve fasciné par ce qu'en dit Dupuy qui s'avère un excellent passeur pédagogue pour parler de cette oeuvre. Il revient à l'esprit du lecteur la remarque de l'auteur sur les différentes formes d'accessibilité à une oeuvre, soit érudite grâce à un bagage culturel adéquat (y compris pour les bandes dessinées), soit plus immédiat comme en atteste la réponse de son fils participant spontanément à ladite performance comme les autres enfants présents, alors que les adultes ne peuvent envisager leur condition qu'en tant que spectateur. Dans cette bande dessinée, le lecteur découvre deux extraits de l'ouvrage Lipstick Traces (1989) de Greil Markus, analysant comment les Sex Pistols ouvrirent une brèche dans le monde du rock et de la chanson, dans l'écran des certitudes qui sont censées régir l'offre et la demande en matière de goût. Parce que les certitudes, les idées culturelles reçues sont hégémoniques et voudraient expliquer comment le monde est censé tourner – des constructions idéologiques perçues et vécues comme des faits naturels – cette brèche dans le milieu pop s'ouvre sur le royaume de la vie quotidienne. le lecteur comprend que ces remarques ont eu une grande importance dans la manière dont l'auteur considère l'art en général, et le sien en particulier.

Un titre un peu provocateur, assorti d'une couverture composite cryptique. Une fois encore, le lecteur se retrouve déconcerté par la facilité et l'évidence de la narration, alors qu'elle semble si hétéroclite en apparence. Il fait entièrement confiance à l'auteur qui se montre attentionné vis-à-vis de lui, tout en réalisant une oeuvre si personnelle que rien ne pourrait être modifié sans en changer profondément le sens. La narration visuelle s'avère protéiforme, dégageant un mélange de spontanéité et de sincérité, tout en révélant une extraordinaire unité parfaite entre le fond et la forme. Philippe Dupuy aborde des thèmes très personnels comme sa relation avec son fils, indissociables de son rapport à l'art, aux artistes, à sa pratique de la bande dessinée, à sa vie dans cette phase qu'il qualifie de temps additionnel, selon la formule de Christian Boltanski : les années se condensent, la forces des intentions aussi, le temps additionnel a une intensité bien différente. Merveilleux.
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Hippolyte, 8 ans, est très inquiet : son papa dessine des femmes nues ! Et en plus quand il l'accompagne au musée il découvre que plein de peintres célèbres font de même... décidément les adultes sont étranges.

Dans ce magnifique album, Philippe Dupuy, dessinateur de BD connu pour sa série des M. Jean (je suis fan... si vous ne connaissez pas je vous invite à le découvrir) ou pour les plus jeunes de Henriette, nous fait partager ses réflexions sur l'art, la paternité, le monde que nous laissons à nos enfants et ce que nous leur transmettons. L'album entremêle ses propres reproductions d'oeuvres célèbres, tableaux mais aussi installations ou sculptures, qu'il emmène son fils voir dans les musées, ses dessins façon BD dans lesquels il raconte de petites tranches de sa vie de famille et un chassé croisé entre les dessins de son fils et les siens. J'ai été impressionnée par la cohérence de l'ensemble, mêlant dessins au stylo, couleurs, croquis et collages, on sent vraiment la "patte" du dessinateur qui arrive à créer tout un univers à partir de petits riens et à revisiter des oeuvres en les intégrant à son propre monde.

Les pages de BD plus classiques (avec des cases !) racontent en filigrane quelques instants partagés entre père et fils et les questions que cette paternité amènent l'auteur à se poser. Etre père à 50 ans, est-ce une bonne idée ? Comment assumer le fait que nous laissons un monde en voie de destruction à nos enfants ? Que faut-il leur dire à ce sujet ? le tout est très bien vu, très tendre, jamais pontifiant ou donneur de leçon. Les pages où l'auteur évoque la sixième extinction de masse sous forme d'un cauchemar où il se promène avec son fils à travers des cadavres d'animaux sont juste glaçantes. Et ses réflexions sur l'espoir que la jeune génération puisse encore changer les choses et sur le fait qu'il aimerait tellement croire qu'il n'est pas trop rare sont également particulièrement bouleversantes. Mais au delà de ces sujets un peu sombres, on a aussi de très belles pages de dessins mêlés avec cette complicité en train de se créer entre le père dessinateur et le fils fan de robots et de super héros qui apparaissent soudain dans la vie quotidienne pour sauver le monde. Et aussi plein de jolie scènes très tendres de réflexions d'enfants et d'émerveillement des parents devant la manière neuve dont leur petit garçon appréhende le monde.

Seul petit bémol, j'ai trouvé que les reproductions d'oeuvres d'art et la réflexion sur l'histoire de l'art et sa transmission prenaient un peu trop de place, sans doute parce que ce n'est pas le sujet qui me passionnait le plus. J'aurais aimé plus de scènes de vie et de chroniques, qui pour moi sont les plus réussies et les pages où le regard aiguisé et sans concession de l'auteur fonctionne le mieux. Mais il faut reconnaître que ces tableaux recréés en pleine page pour certains sont également magnifiques !

Mon papa dessine des femmes nues est un album inclassable, entre beau livre, roman graphique et bande dessinée, une oeuvre dans laquelle on plonge directement et que j'aurai sans doute plaisir à feuilleter à nouveau. Une belle découverte, très originale et attachante au vu de la sincérité totale de l'auteur. Je le recommande à tous les amoureux de l'art, de la bande dessinée et bien sûr de Philippe Dupuy !
Merci à Babelio et aux Editions Dupuis pour cette belle découverte lors de la dernière Masse Critique.
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Un jeune garçon, seul avec son père s'inquiète que ce dernier dessine des femmes nues d'autant que sa mère n'est plus.
Son père lui fait découvrir qu'il n'est pas le seul à pratiquer cet art et lui fait visiter des musées à cet effet.
En plus de cette activité père-fils, ils partent aussi en voyages dont un, récurrent les emmènent jusqu'à Taïwan à la rencontre d'autres centres d'intérêt; mais restent toujours les interrogations et les angoisses d'Hippolyte quant au présent mais surtout à l'avenir teinté de noir.
Des dessins un peu fouillis émaillent les pages de cet album.
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Encore un beau livre de Philippe Dupuy. Mêlant réflexions personnelles et balades dans les musées, il nous livre un ouvrage intime, tendre et touchant.

Quel monde laissons nous à nos enfants ? Comment les protéger et à la fois faire en sorte qu'ils s'en emparent et contribuent à le changer ? Autant de questions posées par Dupuy dans cet album foisonnant mêlant croquis de musées, peintures, planches de vie quotidienne et dessins de son fils Hippolyte, 10 ans.

Philippe Dupuy lui approche des 60… le temps passe et la volonté de transmettre est urgente. L'art est peut-être une solution. Les promenades dans les musées sont une ouverture sur le monde et en même temps nourrissent le questionnement : pourquoi toute cette nudité ? C'est quoi le beau , le civilisé ? Un dessin peut-il changer le monde ?

Difficile de ne pas être touché par ce beau livre d'un homme qui se sent en « temps additionnel », comme un témoignage de sa vie de père sur le tard, de sa vie d'artiste aussi… comme un cadeau fait à son fils. Comme une alerte également.

Au final, un livre brut, fort, à la fois intime et universel. Un moment de lecture particulier et troublant.
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Véritable coup de coeur pour ce roman graphique.
Il s'agit des pensées de l'auteur, de son univers : entre poésie, questionnements sur le monde, philosophie de la vie… Il y aborde comment l'art l'a inspiré en y mettant aussi bien des citations, des réinterprétations d'oeuvres, des créations, des questionnements de son enfant lors de visite au musée… Il s'interroge sur la transmission, ce qu'on lègue à nos enfants, ce que signifie vieillir. C'est également la confrontation entre le regard innocent d'un enfant, ses dessins maladroits et le regard d'un adulte, aux traits affirmés qui constate la noirceur du monde qu'on laisse aux générations futures…
C'est un livre où assurément je me replongerai pour m'évader, réfléchir, penser, regarder chaque détail de ces superbes illustrations aux multiples techniques.
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critiques presse (2)
Lexpress
30 août 2022
Le dessinateur français s'interroge dans son dernier opus : qu'est-ce qu'une BD ? Qu'est-ce qu'un père ? Sans jamais vraiment poser la question, mais en tentant sans cesse d'y répondre.
Lire la critique sur le site : Lexpress
BDGest
18 avril 2022
Au fil des pages, vous vous sentez happés par une petite bulle d'intimité. Vous assistez à quelques instants capturés, éphémères comme des bulles de savon.
Lire la critique sur le site : BDGest
Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Tenir un livre entre ses mains. Le manipuler. Le feuilleter. Éprouver sa reliure, son ouverture, comment tournent les pages. Le soupeser, en évaluer l’épaisseur. Toucher le papier, sentir son odeur, celle de l’encre, celle des années. Découvrir une ride sur le dos, stigmate des lectures. Des coins légèrement cornés, parfois fatigués. L’intrusion de la lumière en bordure des pages. Dans la bibliothèque, le jeu des dos, des couleurs, celui des typographies, verticales ou horizontales quand l’épaisseur le permet. Dans un sens, dans l’autre, selon certaines règles pas forcément respectées. Dos à la française, dos à l’anglaise. Poésie des titres enchaînés, Cut Up. Rigueur ou fantaisie. Classification… aléatoire…. Rechercher le dispensable en vue de libérer de la place et se réjouir de tant d’attachements. Rester comme ça, comme on contemplerait un paysage. Livres lus, relus, parfois à lire. Se souvenir, passages et images qui ressurgissent. En extraire un. Souffler sur la tranche du dessus. Comme un geste ancestral. Pourquoi celui-là ? Pourquoi maintenant ? quand je regarde ces livres, je me sens bien. Romans francophones, étrangers, littérature française, américaine, japonaise, italienne, allemande, russe… Biographies, autobiographies, livres d’art, de peinture de photographie. Livres de dessins, de graphisme, d’architecture, de mode, sur la danse, bandes dessinées, livres objets, livres d’artistes, éditions limitées, pop-ups, poésie, théâtre, livres sur le cinéma, catalogues d’expositions, monographies, revues littéraires, revues de dessins, psychanalyse, livres sur la musique, dictionnaires, témoignages, livres d’histoire, histoires de l’art, auto-édition, micro-édition, carnets de voyages, sketchbooks, leporellos, géographie, cartographie, encyclopédies…
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C’était à Bordeaux, au CAPC (musée d’art contemporain). Ce jour-là, Takako Saito est présente pour une performance. Des centaines de cubes en papier blanc de toutes tailles tombent du haut de la nef sur le public. Un petit groupe de visiteurs porte d’étranges chapeaux que Takako a fabriqués et leur a confiés. Les cubes en tombant émettent de petits sons quand ils rencontrent le sol. De la musique cubique. Il est arrivé lors d’une précédente performance que le public piétine les cubes en gestes rageurs. Tous les cubes faits à la main par Sakak Saito furent détruits, produisant un tout autre bruit. Mais, ce soir, comme souvent, les adultes restent en retrait, observateurs émerveillés. Et comme souvent, ce sont les enfants qui se sont spontanément emparés des cubes jonchant le sol. Les cubes / Jeux d’enfance. Le jeu / Takako Saito. Le jeu / Le lien. Le jeu / l’échange, la participation, l’implication. Le jeu / L’autre. C’était une pluie de polyèdres blancs, une cascade merveilleuse. J’y ai vu aussi un effondrement. De cet effondrement, les enfants ont fait surgir une cité immaculée, fragile, incertaine. Une utopie dont les parois vierges sont déjà porteuses de leurs rêves et de leurs histoires. Puisse-t-elle être aussi joyeuse que l’œuvre de Takako Saito.
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Jouer une ville, ou les cubes de Takako Saito – J’ai découvert le travail Takako Saito trop tardivement, récemment en tous cas. Ce qui revient au même. Et je l’ai découvert tout d’un coup. Je veux dire par là que ce ne fut pas juste une première œuvre, puis une autre. Mais d’un seul coup, dans son ensemble, dans sa diversité, dans sa richesse. Takako Saito, artiste étiquetée Fluxus mais bien trop libre pour se dissoudre dans un mouvement. Artiste dépossédée, mais self-made artist. Femme japonaise à New Tork Villefranche, Paris, Saint-Laurent du Var, Düsseldorf… l’œuvre de Takako Saito est étonnante, différente, improbable, drôle, poétique, belle, déroutante, intrigante, accueillante. Ses échiquiers disloquent les sens et l’esprit en se jouant des configurations et des codes du plateau. Ses livres uniques sont des installations délicates, mises à jour par des manipulations magiques. Ses robes sont autant de pièces merveilleuses, costumes de contrées imaginaires et porteuses de récits, de récits à construire. Ses performances sont irrésistiblement ludiques.
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Les Sex Pistols ouvrirent une brèche dans le monde du rock et de la chanson, dans l’écran des certitudes qui sont censées régir l’offre et la demande en matière de goût. Parce que les certitudes, les idées culturelles reçues sont hégémoniques et voudraient expliquer comment le monde est censé tourner – des constructions idéologiques perçues et vécues comme des faits naturels – cette brèche dans le milieu pop s’ouvre sur le royaume de la vie quotidienne. Le milieu où les gens vivent pour de vrai des faits comme : aller au travail, bosser à la maison ou à l’usine ou au bureau ou au centre commercial, aller au cinéma, acheter des légumes, acheter des disques, regarder la télévision, faire l’amour, discuter, ne pas discuter, ou faire la liste de ce qu’il reste à faire. Jugé à l’aune de son ambition sur le monde, un disque des Sex Pistols doit changer la façon dont une personne donnée choisit son trajet pour aller bosser. Ce qui revient à dire que le disque doit relier cet acte à tous les autres, et puis appeler le processus dans son ensemble à se remettre en question. Ainsi le disque ferait changer le monde. – Greil Marcus, dans Lipstick Traces (1989)
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Les premières représentations humaines apparaissant nues sont des figures féminines. Paléolithique. Cycladique. Il y a aussi des femmes nues sur des fresques égyptiennes. Et bien sûr dans la Rome Antique. Moyen-Âge : l’art est religieux. La nudité est rare et rappelle la condition mortelle de l’homme. La nudité est interdite par l’Église, exceptée pour Adam et Ève, coupables du péché originel. Gothique : la nudité, c’est les enfers. Baroque-maniérisme : l’exagération dans les poses et les sentiments. Renaissance : la nudité, c’est la recherche de la vérité. Rococo : ce sont des scènes privées. (néo) Classicisme : retour aux modèles antiques. Romantisme : c’est le drama !… et les femmes se libèrent. Réalisme et impressionnisme : on n’est plus dans le mythologique ou l’historique. Ce sont des situations réalistes comme prises sur le vif. Alors ça fait scandale. Symbolisme. Art nouveau. Néo impressionnisme, pointillisme. Expressionisme. Art déco. Dada. Fauvisme. Cubisme. Futurisme. Surréaliste. Et après il y a le monde moderne. Pop art. Op art. Figuration narrative, libre. Cobra. Estampes. Fluxus. Photographie. Nouveau réalisme. Arte povera. Art brut. Performance. Art vidéo.
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