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Claude Regy (Éditeur scientifique)
EAN : 9782742711864
118 pages
Actes Sud (04/06/1999)
4/5   16 notes
Résumé :
Ygraine seule pénètre où les vivants ne pénètrent pas, passe la ligne interdite, au-delà de la dernière marche et communique avec Tintagiles prêt à être absorbé - étouffé - par la force destructrice, le néant noir, mais prêt aussi à passer - si petit - par la fente élargie, prêt donc à renaître après ce passage au domaine des ombres.
Est-ce lui l'initié, est-il l'initiateur ? En tout cas, la fragile membrane de l'inatteignable a été touchée.
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
La Mort de Tintagiles, pièce de 1894, a failli s'intituler La Reine invisible, ce qui vous donne déjà une bonne indication sur la direction qu'elle prend. Un second indice, c'est le sous-titre, ou autre titre potentiel (je n'ai pas bien saisi ce qu'il en était), que Maeterlinck avait utilisé dans ses notes et sa correspondance : l'expression "qui règne en nous-même". On a donc affaire à une pièce qui joue avec une allégorie, et qui se trouve être la dernière du recueil Trois petits drames pour marionnettes. Juste un mot sur la question des marionnettes, que Maeterlinck avait abordé dans un essai : il ne s'agit pas ici d'une pièce écrite pour des marionnettes, je l'avais déjà précisé dans ma critique d'Intérieur, mais d'une volonté de modeler le jeu des acteurs afin qu'ils ne donnent pas dans la psychologie et qu'ils se vident de tout affect personnel. Bref, on est dans l'anti Actor's Studio, le but étant de ne pas donner de consistance psychologique aux personnages et aux situations, mais bien de mettre le paquet sur le symbolisme.


Une spécificité cependant pour La Mort de Tintagiles : je dis souvent qu'il ne se passe rien dans les pièces de Maeterlinck - et c'est pas pour ça que c'est pas intéressant, au contraire. Or, il existe une forme d'action dans cette pièce-ci, d'autant plus préhensible qu'elle est condensée en un temps relativement court. Cela dit, le contexte en est particulièrement flou. Un enfant, Tintagiles, vient de débarquer sur une île et y retrouve ses soeurs, les princesses Ygraine et Bellangère. On ne sait rien de l'île, rien du lieu d'où vient Tintagiles. Juste qu'un "château malade" médiéval (image qui revient régulièrement dans le premier théâtre de l'auteur) y est encaissé au fond d'une vallée, dominé par une tour énorme qui assombrit le château et même l'île. Dans cette tour vit la reine, qu'on ne voit jamais, qu'on ne verra jamais, qu'aucun personnage n'a vu sortir depuis longtemps, mais qui est décrite comme une femme monstrueuse aux pouvoirs immenses et occultes, qui grossit davantage chaque jour et dévore tout le monde peu à peu. Mais seules des rumeurs parviennent sur elle, on ne voit que rarement ses trois servantes voilées de noir - cousines des angoissantes béguines de la Princesse Maleine et des Trois Parques -, et elle semble faire régner sur le château où vivent Ygraine et Bellangère une force invisible, tout comme elle, mais extrêmement sensible et terrifiante. Cette reine invisible tient à la fois des figures du conte de fées et de la légende arthurienne, d'où les noms empruntés au roman du Moyen-âge La morte d'Arthur : l'ogresse, la marâtre (bien qu'on ne connaisse pas du tout ses liens de parenté avec Ygraine, Bellangère et Tintagiles), la souveraine et magicienne toute-puissante. Tout le drame se concentre sur le combat des deux soeurs et de leur vieux compagnon Aglovale pour tenir Tintagiles éloigné de la reine qui a fait venir l'enfant sur l'île, sur leur lutte acharnée pour qu'il ne leur soit pas enlevé.


Alors donc, oui, encore une allégorie de la mort, mais sous une nouvelle forme. Si le décor du château maléfique et malade est un motif récurrent chez Maeterlinck, la mort, elle, n'est pas habituellement incarnée de façon aussi forte par un personnage, tout absent qu'il soit. On peut considérer que La Princesse Maleine posait les prémices de cette personnification, ou encore que le personnage dont on sentait la présence à la fin des Aveugles relevait du même procédé - mais ce personnage des Aveugles existe-t-il vraiment dans le monde visible ? Rien n'est moins sûr, et ce serait même plutôt l'inverse. Dans La Mort de Tintagiles, la reine est invisible, elle n'appartient pas tout à fait au même monde qu'Ygraine, Bellangère, Tintagiles et Aglovale ; et pourtant, Ygraine dit bien s'être agenouillée devant elle et l'avoir suppliée maintes fois. le fait d'avoir utilisé l'image d'une femme monstrueuse physiquement permet de faire peser sur le lecteur ou le spectateur une angoisse plus concrète que d'habitude. C'est toujours la mort insidieuse, rampante, mais d'une puissance autrement terrifiante, parce que davantage tangible. On ne peut pas l'ignorer, l'éluder, et une porte se dressera devant Ygraine, infranchissable, symbole du passage de Tintagiles du côté de la mort. Ygraine est d'ailleurs le seul personnage du premier théâtre de Maeterlinck qui lutte sans cesse, désespérément mais avec une opiniâtreté et une rage dont elle usera encore à la toute fin de la pièce, en crachant sur la porte.


Autre trait notable dans cette pièce : l'utilisation du langage. Pour le coup, ce n'est pas une nouveauté, mais les phrases interrompues, la fonction magique qu'Ygraine lui accorde - le fait seul d'avoir mentionné l'idée d'être un jour heureuse aurait apporté la malédiction sur son entourage, selon elle -, les non-dits qui pullulent, les forces inconnues dont on ressent la présence mais qu'on ne peut pas nommer, tout cela a atteint dans La Mort de Tintagiles un niveau de maîtrise et de finesse qui dépasse ce que Maeterlinck tentait déjà dans Maleine.


Une pièce, donc, à l'atmosphère pas plus mortifère que les autres, mais certainement à l'aspect plus concret, tangible, je dirais même charnel, de par la figure de cette reine qu'on craint de voir apparaître à tout moment, et dont on sait sans équivoque qu'elle viendra accomplir sa mission, inéluctablement. Pour ceux qui n'aimeraient pas une pièce comme Intérieur, il est possible qu'ils soient davantage sensibles à cet aspect de la Mort de Tintagiles.

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Très célèbre à son époque, lauréat du prix Nobel en 1911, associé au symbolisme, Maurice Maeterlinck est quelque peu tombé dans l'oubli, et ses oeuvres ne sont pas tellement lues, ses pièces montées juste de temps en temps. Comme beaucoup, je le connaissais à cause de l'opéra de Debussy, Pelléas et Mélisande, pour lequel le compositeur a repris le texte de Maeterlinck, avec juste deux ou trois petites coupures. J'ai aussi lu par curiosité la pièce de l'auteur belge, mais sans la musique de Debussy qui magnifie le texte, elle m'a parue un peu datée.

En 1894, deux ans après Pelléas et Mélisande, Maeterlinck a écrit trois petites pièces destinées à être jouée par des marionnettes, La mort de Tintagiles est la troisième d'entre elles. A l'époque Maeterlinck cherche d'autres codes de représentation, s'interroge sur l'utilisation de masques. Il pense que l'acteur intercepte le libre imaginaire de la lecture, et essaie de trouver des moyens pour pallier à cela. Mais la pièce a attiré un certain nombre de metteurs en scène, qui lui ont donné vie par l'entremise d'acteurs de chair et de sang, les plus célèbres de ces mises en scène étant celles de Tadeusz Kantor.

Tintagiles, un jeune enfant vient d'arriver dans une mystérieuse île. Il y accueilli par une de ses soeurs, Ygraine. Ravie de le voir, elle est aussi très inquiète, car l'île vit dans l'ombre d'une tour menaçante, habitée par la grand-mère des enfants, très âgée. Des disparitions se produisent. Ygraine, sa soeur Bellangère et leur vieux maître Aglovale décident de protéger à tout prix Tintagiles. Ils veuillent la nuit, et gagnent un premier assauts. Mais les servantes de la reine, reviennent lorsque tout le monde est endormi, et emportent l'enfant. Ygraine part seule à sa recherche.

Nous plongeons dans l'univers de contes et de légendes. Tintagiles et Ygraine sont proches de Tintagel et Ygerne, issus de la légende arthurienne. Comme dans de nombreux contes, la peur et la mort sont présentes, les personnages affrontent des dangers qui les dépassent, le récit rappelle une initiation sacrée, un rituel du sacrifice.

Maeterlinck imagine un théâtre poétique, qui suggère l'indicible, tente de parler à l'imaginaire du lecteur et spectateur, plus qu'à sa raison. Des puissances inquiétantes sont à l'oeuvre, mais au final nous ne voyons rien, c'est à chacun de donner corps à ce que l'auteur ne fait qu'effleure avec ses mots, qui font surgir les peurs et les ombres tapies chez chacun.

Il faut être sensible à l'onirisme, aimer visiter les contrées des rêves (ou cauchemars) pour apprécier cette littérature, sinon on reste en chemin, et on trouve cela inconsistant, comme une fumée, une ombre.
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Sentiment très étrange à la lecture de cette pièce que j'ai trouvé plus morbide que les autres. Les pièces de Maeterlinck sont beaucoup centrées sur la mort et son influence sur le comportement des vivants. Celle-ci ne fait pas exception à la règle mais de manière particulièrement cruelle à mon avis. le jeune Tintagiles arrive sur l'île où se trouvent ses deux soeurs et Aglovale, un vieux maître. Mais il y a aussi une reine invisible, grand-mère des enfants, qui a déjà fait tuer tous les autres frères dans la crainte qu'ils la détrônent. Elle a fait venir Tintagiles pour le tuer à son tour. Les deux soeurs et le vieux maître décident de tout tenter pour essayer de le sauver de cette mort certaine.
Il y a beaucoup de suggestion dans cette pièce avec cette reine invisible qui donne ses ordres depuis la tour où elle reste murée sans que personne ne la voit jamais. Une certaine poésie se dégage des dialogues et on ressent toute la tendresse éprouvée par la soeur plus âgée à l'égard de Tintagiles. Mais j'avoue avoir été un peu dérangée par la cruauté de cette reine qui n'hésite pas à tuer de manière violente son propre petit-fils. Même si cette mort n'est pas visible, on peut aisément l'imaginer par les propos de Tintagiles qui décrit lui-même ce qu'il est en train de subir.
A mon sens, Maeterlinck sait parfaitement utiliser les mots, les non-dits et les symboles pour faire naître les sentiments de peur et de malaise chez le lecteur.
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Challenge Prix Nobel 2013-2014
5/15

Il s'agit d'une pièce très courte et la dernière écrite par Maeterlinck pour le théâtre de marionnettes.
Sans vouloir trop dévoiler de l'histoire, "La Mort de Tintagiles" est un drame relatant l'histoire de deux soeurs qui retrouvent leur petit frère, Tintagiles, et qui sont confrontées à leur reine désireuse de leur enlever.
L'intérêt réside dans l'ambiance médiévale et mortifère, la poésie de la langue et le symbolisme.
Cela dit, le théâtre de Maeterlinck peut se révéler assez minimaliste et hermétique pour le lecteur qui s'y aventurerait pour la première fois.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
YGRAINE. [...] Elle est là depuis des années dans son énorme tour, à dévorer les nôtres, sans qu'on ait osé la frapper au visage... Elle est là sur notre âme comme la pierre d'un tombeau et pas un d'entre n'ose étendre le bras... Au temps qu'il y avait ici des hommes, ils avaient peur aussi, et tombaient à plat ventre... Aujourd'hui c'est au tour de la femme... nous verrons... Il est temps qu'on se lève à la fin... On ne sait pas sur quoi repose sa puissance et je ne veux plus vivre à l'ombre de sa tour...

Acte II
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YGRAINE. [...] Je me suis dit un jour, tout au fond de mon âme ; - et Dieu lui-même pouvait l'entendre à peine ; je me suis dit un jour que j'allais être heureuse... Il n'en a pas fallu davantage ; et quelque temps après , notre vieux père mourait et nos deux frères disparaissaient sans qu'un seul être humain puisse nous dire où ils sont. Me voici toute seule, avec ma pauvre sœur et toi, mon petit Tintagiles ; et je n'ai pas confiance en l'avenir...

Acte I
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YGRAINE. Ta première nuit sera mauvaise, Tintagiles. La mer hurle déjà autour de nous ; et les arbres se plaignent. Il est tard. La lune est sur le point de se coucher derrière les peupliers qui étouffent le palais... Nous voici seuls, peut-être, bien qu'ici, il faille vivre sur ses gardes. Il semble qu'on y guette l'approche du plus petit bonheur.
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Videos de Maurice Maeterlinck (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Maurice Maeterlinck
"[…] les auteurs d'aphorismes, surtout lorsqu'ils sont cyniques, irritent ; on leur reproche leur légèreté, leur désinvolture, leur laconisme ; on les accuse de sacrifier la vérité à l'élégance du style, de cultiver le paradoxe, de ne reculer devant aucune contradiction, de chercher à surprendre plutôt qu'à convaincre, à désillusionner plutôt qu'à édifier. Bref, on tient rigueur à ces moralistes d'être si peu moraux. […] le moraliste est le plus souvent un homme d'action ; il méprise le professeur, ce docte, ce roturier. Mondain, il analyse l'homme tel qu'il l'a connu. […] le concept « homme » l'intéresse moins que les hommes réels avec leurs qualités, leurs vices, leurs arrière-mondes. […] le moraliste joue avec son lecteur ; il le provoque ; il l'incite à rentrer en lui-même, à poursuivre sa réflexion. […]
On peut toutefois se demander […] s'il n'y a pas au fond du cynisme un relent de nostalgie humaniste. Si le cynique n'est pas un idéaliste déçu qui n'en finit pas de tordre le cou à ses illusions. […]" (Roland Jaccard.)
0:14 - Bernard Shaw 0:28 - Julien Green 0:45 - Heinrich von Kleist 1:04 - Georges Henein 1:13 - Ladislav Klima 1:31 - Michel Schneider 1:44 - Hector Berlioz 1:55 - Henry de Montherlant 2:12 - Friedrich Nietzsche 2:23 - Roland Jaccard 2:37 - Alphonse Allais 2:48 - Samuel Johnson 3:02 - Henrik Ibsen 3:17 - Gilbert Keith Chesterton 3:35 - Gustave Flaubert 3:45 - Maurice Maeterlinck 3:57 - Fiodor Dostoïevski 4:08 - Aristippe de Cyrène 4:21 - Générique
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Référence bibliographique : Roland Jaccard, Dictionnaire du parfait cynique, Paris, Hachette, 1982.
Images d'illustration : Marquise de Lambert : https://de.wikipedia.org/wiki/Anne-Thérèse_de_Marguenat_de_Courcelles#/media/Datei:Anne-Thérèse_de_Marguenat_de_Courcelles.jpg George Bernard Shaw : https://fr.wikipedia.org/wiki/George_Bernard_Shaw#/media/Fichier:G.B._Shaw_LCCN2014683900.jpg Julien Green : https://www.radiofrance.fr/franceculture/le-siecle-d-enfer-de-l-ecrivain-catholique-et-homosexuel-julien-green-8675982 Heinrich von Kleist : https://fr.wikipedia.org/wiki/Heinrich_von_Kleist#/media/Fichier:Kleist,_Heinrich_von.jpg Georges Henein : https://www.sharjahart.org/sharjah-art-foundation/events/the-egyptian-surrealists-in-global-perspective Ladislav Klima : https://www.smsticket.cz/vstupenky/13720-ladislav-klima-dios Michel Schneider : https://www.lejdd.fr/Culture/Michel-Schneider-raco
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