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EAN : 9782070147670
192 pages
Gallimard (30/11/-1)
3.67/5   12 notes
Résumé :
«Je te vois dans le foyer, la superette, la salle de réunion, le bar-tabac, le couloir, le lit, la cuisine, la chambre, tes ongles ont jauni. Je te croise, ta barbe a encore poussé, je te vois à la cantine, tes vêtements et chaussures sont de plus en plus sales, je te vois partout.» Des circonstances accidentelles ont plongé le soigneur de ménagerie Odradek et la bibliothécaire Suzanne dans un état d'amnésie partielle, sinon un désir vital de se déprendre de leur pa... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Les amnésies vertigineuses de Claire Fercak.

Soigneur dans la ménagerie d'un jardin animalier, Odradek est ressorti du coma après une expérience de mort imminente, amnésique et en pleine confusion sur son identité.

Coupé de son passé par une mémoire blanche, il ne reconnaît rien de sa vie antérieure, ni les gestes d'affection de sa voisine qui le terrorisent, ni les anecdotes des autres gardiens de la ménagerie. Il veut se défaire de cette humanité qui lui semble étrangère et dériver vers l'animal. La cage des renards de la ménagerie lui apparaît comme sa véritable maison, et paradoxalement comme un espace de liberté dans un monde trop hostile.

*«Un matin, je suis sorti de l'hôpital. On m'a reconduit chez moi. Je n'ai rien reconnu. C'était un sentiment d'une douce étrangeté. On m'a reconduit chez moi. Je n'ai pas aimé le mobilier. Je me suis regardé dans le miroir. L'infirmière m'avait rasé la veille. Deux coupures au menton. Je me reconnais. Je trouve que ce corps et ce visage ne me vont pas. Je me découvre humain. Tout est là, tout fonctionne, rien n'est paralysé, rien sauf. Sauf votre mémoire, a affirmé le docteur le Fol.»*

À la voix d'Odradek répond celle de Suzanne, qui travaille comme bibliothécaire à proximité de la ménagerie. Obsédée par les disparus dans sa famille, dont elle croit entendre les échos dans la maison familiale, elle semble réfugiée dans un repli du monde depuis la disparition inattendue de son mari Léonard, se protégeant des agressions extérieures par une obsession hygiéniste.

Odradek et Suzanne se croisent dans la bibliothèque, où celui-ci, de plus en plus sale et hirsute, vient faire des recherches sur ce qu'il considère comme ses origines et son espèce, les renards corsac.

*«Je ne me rase plus, docteur. Je ne me raserai plus jamais. Les lois de la nature doivent s'imposer. Sélection naturelle en milieu hostile. Il faut les laisser triompher, régner sur notre monde animal.»*

A la dérive parmi des humains qu'ils perçoivent comme hostiles, fantomatiques, ou incompréhensibles, Odradek et Suzanne voudraient changer de forme, et rêvent de devenir autres dans un oubli partiel pour fuir leurs traumatismes et l'aliénation du travail et de la famille.

Inventé par Franz Kafka dans sa nouvelle inachevée le souci du père de famille, Odradek fascine. «Odradek est la forme que prennent les choses tombées dans l'oubli» a dit Walter Benjamin, cité en exergue à ce roman paru en janvier 2015 aux éditions Verticales qui fascine également, avec ses deux voix alternées, créant une sensation d'égarement qui s'approche de l'hypnose.

Retrouvez cette note de lecture, et toutes celles de Charybde 2 et 7 sur leur blog ici :
https://charybde2.wordpress.com/2015/04/10/note-de-lecture-histoires-naturelles-de-loubli-claire-fercak/
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Bien après ma lecture, je reste envoûtée par le trouble de cet ouvrage à deux voix et deux rythmes. Ces deux portraits, mémoires tronquées, vies hachées, morcelées, traumatisées vont évoluer tant en similitude qu'en parallèle.

Rien n'aurait dû destiner ces deux personnages à se rencontrer. C'est pourtant dans un lieu de savoir et de mémoire que ces deux protagonistes aux visions déformées, aliénées vont se discerner, s'identifier, se repérer. Chacun à sa façon, aussi inaccessible que proche, va explorer le déni, la fuite. Évasion d'une réalité trop violente, aux impacts incontrôlables.

Cependant, l'oubli est leur coïncidence, la reconnaissance de soi en l'autre, à travers la folie, le délire, l'obsession, la paranoïa. La finalité, inéluctable, les réunira vers un destin commun bien qu'incertain.

Ce roman, finement agencé, invite à multiples réflexions. Il est aussi une exploration psychologique, une oeuvre anxiogène ancrée dans un monde où s'oppose une dualité rationnelle et insensée.
L'écriture est maîtrisée, limpide, fluide, et contemporaine. La dextérité de l'auteure (certainement consciencieuse et bien documentée) est soignée, méticuleuse. Elle précise, avec une justesse désarmante : « L'oubli est l'opportunité de découvrir d'autres façons d'envisager l'existence. C'est une liberté ».

Merci Masse Critique, merci Babelio, et merci infiniment aux Editions Gallimard de cette formidable découverte.
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Odradek a subi un traumatisme et souffre d'amnésie. Il redécouvre sa vie d'avant et son travail de soigneur dans un zoo. Ayant repris à mi-temps thérapeutique, ses collègues le trouvent changé. Il se passionne désormais pour les corsacs des petits renards de Mongolie. Il va à la bibliothèque lire et apprendre davantage sur eux. Mais Odradek a la certitude qu'avant son accident il était un de ces animaux. Suzanne, bibliothécaire l'observe, le trouve étrange. Son mari s'est suicidé et la fille de celui-ci veut revenir habiter chez eux comme avant. Mais Suzanne refuse.

Alternant le récit de Suzanne et d'Odradek, les deux existences se dessinent. Odradek n'accepte pas sa condition d'homme, il veut devenir un corasc et retrouver l'état animal. Suzanne tombe amoureuse de lui alors qu'ils ne se croisent qu'à la bibliothèque. Elle aussi rêve d'une autre vie et au fil des pages, sa propre amnésie est dévoilée. Dure et inimaginable. Tous deux ensemble vont s'oublier à la folie, s'évader dans un autre monde pour fuir le réel. Quand ils sont internés, Claire Fercak inverse les rôles animaux/humains avec les pensées d'Odradek. L'amour inconditionnel de Suzanne est beau, d'une pureté étrange. Ca perturbe, ça déstabilise et ça interpelle sur toute la ligne. Avec une fin ouverte comme une fable où l'on ne sait plus si l'on est dans la réalité ou dans l'imaginaire...

L'écriture de Claire Fercak est vive et précise. Elle sait appuyer là où il faut pour ébranler son lecteur. Vous l'aurez compris, ce livre sort des sentiers battus. Réflexion sur la normalité, sur la dépersonnalisation, sur la fuite la plus extrême, il s'agit d'une lecture très troublante mais une découverte que je ne regrette pas. Une auteure à suivre !
Lien : http://claraetlesmots.blogsp..
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Tout juste sorti du coma, Odradek, soigneur dans une ménagerie cherche à retrouver son identité, ses souvenirs. de simples recherches sur le monde animal à la bibliothèque, il se plonge au coeur d'une réflexion plus vaste sur la part animale de l'humanité, sur l'humanité des animaux en se prenant lui même pour un renard.
Suzanne, bibliothécaire observe cet homme et dévoile au fur et à mesure du récit, ses failles, son propre oubli.

Si l'alternance des points de vue, comme deux vies en parallèle, semble pertinente, le récit de Claire Fercak se révèle inégal. Les passages où le point de vue d'Odadrek s'exprime, sont riches de sens et apporte beaucoup au lecteur.
Ceux de Suzanne, en revanche, sont peu intéressants. La profondeur de ce personnage tarde a se dévoiler. Ces chapitres se mêlent à ceux d'Odadrek mais rendent la lecture pénible et n'apporte finalement que très peu au récit.
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J'ai été happée par ce roman, Histoires naturelles de l'oubli, dans lequel deux personnes, victimes d'un traumatisme, se réfugient dans une réalité alternative pour tenir à distance la cause de leur souffrance. le texte est écrit à deux voix, deux entités qui se racontent et laissent affleurer l'indicible. On devine, peu à peu, on assemble progressivement les pièces du puzzle à mesure que la rupture de plus en plus marquée d'avec le monde réel rapproche les deux personnages. C'est juste, réaliste, touchant, et un peu angoissant, dans la mesure où les trajectoires simultanées de Suzanne et de Odradek semblent mettre à portée de chacun le danger de la dépersonnalisation.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
J'entends un glapissement, je reconnais son timbre, Odradek arrive, il court vers moi en jappant, il me tourne autour, puis frotte son front contre mes mollets. Je perds l'équilibre, toute la puissance de son corps appuyé sur moi, alors il enroule ses bras atour de mes jambes. Je me penche en avant, m'accroche à la laine de son col roulé, il me retient, nous rions. je lâche son pull, je me redresse, il est toujours là à mes pieds, tendre, je caresse son dos, il enserre mes jambes plus fort.
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Trois jours par semaine, je vais à la bibliothèque. Anonyme, bourru, inquiet, c'est le lecteur que je suis. J'étudie. Je prends des notes. J'étudie. Je recopie. J'en apprends davantage sur ma nature première. J'aime bien les nocturnes du mardi. Mons de monde, moins de bruit, moins de tout. Il est plus facile de se faufiler comme un animal entre les étagères et passer inaperçu.
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La mémoire est une faculté qui oublie.
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Je grogne. Je chasse l'homme. Je chasse l'homme en moi.
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Videos de Claire Fercak (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Claire Fercak
Par l'autrice & Kerwin Rolland « Je veux naître sans aveu. »
Helena Cervak a grandi en France entre foyers et familles d'accueil avec, pour essentiel refuge, le langage qu'elle réinvente à sa guise comme une identité possible et habitable. Un jour, elle décide de rejoindre la Slovénie pour retrouver ses origines, « ses » Cervak. Bien sûr, elle craint de tomber sur un vide, un « vide d'histoire ». Elle a une urne dans sa voiture. Avec les cendres d'une certaine Nicole. Mais qui est Helena…? Une existence sans précédent est un road-trip au côté d'une digne descendante du Momo de Gary, son versant féminin et tout contemporain.
Je suis venue jusqu'ici, j'ai fait le voyage pour ça : être une fois petite fille, voir l'enfance depuis son sein. Je veux être celle qui n'a pas encore découvert les ténèbres du passé ni éprouvé les souffrances du futur, je veux accéder à la vie nue. Claire Fercak, Une existence sans précédent.
À lire – Claire Fercak, Une existence sans précédent, Verticales, 2024.
Son : Adrien Vicherat Lumière et vidéo : Bastien Serrand accueilli par Iris Feix Direction technique : Guillaume Parra Captation : Claire Jarlan
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