C'est avec enthousiasme que j'ai commencé la lecture du roman
La griffe du passé. Pour tout dire, mon enthousiasme avait commencé plus tôt : c'est que j'avais lu précédemment et apprécié un autre roman de l'auteur
Marcelo Figueras, une sorte de roman d'apprentissage se déroulant à l'époque de la dictature en Argentine. Ce nouveau roman, bien qu'il soit annoncé comme un roman policier, se déroule à la même époque et ne pouvait que contenir des thèmes similaires.
Le début de
la griffe du passé est prometteur. Deux vieux chefs de l'ancien régime dictatorial meurent dans des circonstances étranges. le détective van Upp mène l'enquête : il semble efficace et professionnel, il est cultivé (grand admirateur de l'oeuvre de
Shakespeare, dont il récite des vers de temps à autre) et troublé par un démon du passé (on aime bien les personnages au lourd passé, tourmentés, ça les rend plus accessibles et enclin à faire leur travail correctement). Bref, c'est un personnage bien développé, en chair et en os si je puis me permettre, complexe et complet.
Puis, j'ai été un peu surpris de constater que l'action ne se déroulait pas en Argentine mais dans un pays fictif : Trinidad. Bon, on reste en Amérique du Sud, avec tous ces noms de lieux hispanophones. Et les chefs de l'ancien régime, les Prétoriens, font référence aux différentes juntes qui se succédèrent à la tête de l'Argentine. Sur le coup, je me suis demandé pourquoi l'auteur avait fait ce choix puisque, inventer alors que tout semblait concorder. Sans doute une plus grande liberté, surtout si certains des acteurs (ou leurs familles) sont encore en vie. Dans tous les cas, l'univers que Figueras a créé est très crédible, très bien décrit, réaliste, évocateur.
La plume est une autre grande force de Figueras. On sent l'atmosphère lourde, pesante, qui règne dans le pays malgré la fin de la dictature. La violence semble menacer de revenir à tout moment, à chaque coin de rue. C'est que les fantômes du passé ne sont jamais loin. Et il faut dire que l'auteur fait promener ses personnages dans des endroits propices aux crimes, comme des bars miteux, des quartiers pauvres et violents, des endroits reculés comme le port ou un vieux monastère. Sans oublier qu'une aura de mystère entoure van Upp. L'auteur est également cultivé, à l'image de son protagoniste. Outre
Shakespeare et d'autres canons de la littérature, il fait mention d'événements historiques. Et c'est sans oublier toutes ces références à la Bible qui semblent entourer les meurtres… augmentant d'un cran la sensibilité des personnages, tourmentés par des idées d'absolution, de pardon, etc.
Bref, tous les éléments sont là pour créer une histoire extraordinaire. Plus, même. Trop, peut-être? Selon moi,
Marcelo Figueras a voulu trop en faire. Son enquête policière se transforme en roman social et psychologique dont les mailles deviennent nombreuses et difficiles à suivre. le passé de van Upp devient trop compliqué, trop lourd, entremêlé à l'affaire à laquelle il enquête. Certains de ses collègues veulent sa peau (je ne me rappelle plus pourquoi) et fouillent ce passé. Même pape rend visite au pays et les autorités religieuses du pays, mêlés à la junte des Prétoriens, prennent peur. J'avais l'impression que l'intrigue allait dans toutes les directions. Et tout ça dans un peu moins de 300 pages. Figueras était-il trop ambitieux? Comme je l'ai écrit, j'adore sa plume, ses idées sont fascinantes. Peut-être avait-il le matériel pour plusieurs histoires et il a tenté de les réunir en une seule? Dommage.