Correspondance : Gustave Flaubert / Ivan Tourguéniev

Livre de référence pour tous les amoureux de la relation qui s'est forgée entre deux grands écrivains qui ont marqué le 19 e siècle en Russie et en France. Il est difficile de résumer la correspondance de ces deux légendes : leur vie, leur oeuvre respective sont largement commentées dans ces 236 lettres échangées entre deux grands amis qui semblent indispensables l'un à l'autre.

Cette correspondance survit au temps, peut-être grâce à un homme, l'homme qui l'a éditée en 1989 chez Flammarion. Si je n'en parle pas ici, qui va en parler ? Ce n'est point comparable en genre à celle dont on ne parlera jamais assez : la belle Lydia Delectorskaya, russe encore, de Sibérie, qui a fait tant et tant pour Matisse, mais on retrouve la même abnégation dans les deux cas, je trouve que ça n'a pas de nom pour dire ce que je pense de ces deux bienfaiteurs.

Alexandre Zviguilsky qui a traduit, préfacé, annoté cette correspondance est le grand spécialiste de Tourguéniev en France. Je ne sais pas si ce russe, ce grand homme âgé aujourd'hui de 90 ans qui a consacré toute sa vie à la mémoire du célèbre écrivain russe et à muséifier les empreintes laissées par ce dernier qui étaient promises à l'ingratitude de l'oubli, fait encore des conférences ? j'ai eu l'occasion d'y assister, c'est simple, il connaît comme personne toute l'oeuvre de Ivan Tourguéniev, il est intarissable et incollable. Des musées s'ouvrent grâce à lui, ou "s'ouvraient", ce parangon de la culture slave qui file un mauvais coton par les temps qui courent, je ne sais même pas s'il n'en est pas empêché ou pour tout le moins dégoûté de ce qu'il se passe. Ce sont tous ses efforts méritoires tissés au fil des décennies qui sont ainsi brisés dans leur élan. On a vu Jacques Chirac, Frédéric Mitterrand à ses côtés à l'aider et à saluer son entreprise, aujourd'hui j'ai plutôt le sentiment qu'on a ouvert la boîte de Pandore. Pour faire simple, on n'en parle pas du tout, comme ça la sanction n'est plus à faire et ça n'empêchera pas de dormir les pontifs qui sont chargés de la culture !

Ouvrage qu'il m'arrive de consulter souvent : il regorge d'anecdotes, d'échanges d'amabilités franches, me paraît de première importance pour accéder à la connaissance de ces deux écrivains de légende. Ce qui est drôle, c'est que parfois on se demande s'ils ne sont pas en train de garnir leur agenda quand l'un projette d'aller dans sa Normandie natale ou l'autre de rejoindre madame Viardot en Allemagne ou que sais-je encore !.. C'est là aussi qu'on remarque que tous les deux vont faire un travail immense pour la promotion de l'un ou de l'autre dans leurs pays respectifs, on constate leur bras long, ils se doivent mutuellement en quelque sorte... La qualification d'ambassadeur n'est pas usurpée ici.

Cette correspondance s'étend sur la période 1863-1880. Ainsi on ne sera pas surpris que les auteurs parlent moins de Madame Bovary publié en 1857, et des Récits d'un chasseur publié en 1845 et se concentrent sur leur actualité littéraire avec des annonces, une dynamique qui font le charme du livre, consultable à tout moment en fonction de l'intérêt du lecteur ; le marque-page peut se promener d'arrière en avant, rien de conséquent.