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EAN : 9782262018337
492 pages
Perrin (02/11/2007)
3.44/5   9 notes
Résumé :

Christine de Suède (1626-1689) incarnait tous les traits du libertinage : l'incrédulité arrogante des grands, la passion érudite pour les sciences et la spéculation, enfin une très grande liberté de moeurs. Tous les libertins n'eurent cependant pas loisir de vivre pleinement cette liberté d'âme et de corps. Ainsi Théophile de Viau, Ninon de Lenclos ou Sade firent au cours de leur vie l'expérience de l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Ouvrage écrit par un historien qui remet les pendules à l'heure quant à l'apparition et la vulgarisation du libertinage.A notre époque,le libertinage est synonyme de sexualité débridée,mais il n'en est rien et la sexualité n'occupe qu'une infime partie de la philosophie du libertinage.
C'est un ouvrage très intéressant,parfois ardu dans l'emploi de vocabulaire précis mais aussi par les explications trop succintes à mon goût des différentes philosophies et conceptions religieuses à travers le monde et les époques.Mais je comprend que l'on ne puisse entrer dans les détails !
Pour les curieux,à lire
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L'historien Didier Foucault propose dans cet ouvrage une synthèse des études sur le libertinage et en retrace l'histoire, d'une première mise en scène avec les goliards jusqu'au crépuscule du 18e siècle, notamment marqué par le marquis de Sade. Il précise d'emblée que son projet est d'écrire une histoire du libertinage, et non des libertins : il est donc inutile d'espérer un catalogue des frasques et prouesses de quelques-uns, difficile à constituer et à justifier au niveau des sélections forcément subjectives. Ce sont plutôt les grandes étapes de ce mouvement culturel qu'il se propose de reconstituer. Ce courant de pensée naît selon lui dans les sociétés chrétiennes souhaitant normaliser les comportements, que ce soit au niveau des idées ou des moeurs, d'où la polysémie du terme dès son apparition au 17e siècle : en effet, le mot désigne tous les « déviants », tous ceux qui prennent trop de liberté vis-à-vis de l'autorité ecclésiastique et politique (pour plus de précisions à ce sujet, je vous renvoie à mon article sur le grand dérèglement de Patrick Wald Lasowski où j'ai déjà abordé ce point). Ces personnes ne sont toutefois pas à confondre avec les « hérétiques », qui cherchent à corriger les travers de l'Eglise, ou avec les « pécheurs repentants » qui n'assument pas leur prise de position hors du cadre de l'Eglise (par prudence, de nombreux libertins sont hypocrites vis-à-vis de la religion, mais n'en assument pas moins leurs idées ou moeurs).

Cette entreprise de normalisation de l'Eglise chrétienne commence aux 12e et 13e siècles, et ceux qu'on pourrait considérer comme les ancêtres de libertins sont alors les goliards (la nomination les désignant comme des disciples de Golias, c'est-à-dire du diable). Il s'agit de jeunes gens lettrés et turbulents, qui parcourent les routes européennes et cultivent une forme désinvolte d'hédonisme. On s'en souvient souvent aujourd'hui comme des jongleurs et poètes voyageant de Cour en Cour pour gagner leur vie. On leur doit notamment les Carmina Burana et de nombreux autres chants à boire perdus. Ils forment une contre-société ecclésiastique et oppose également à l'idéal chevaleresque de la fin'amor des attitudes plus grivoises.

Didier Foucault fait ensuite un saut dans le temps jusqu'à la Renaissance, dont il détaille assez longuement la situation historique du point de vue des moeurs : il offre ainsi un tableau loin du manichéisme souvent associé à cette période et une société plus libre qu'on ne pourrait le penser. Sont abordées les questions de la sexualité des hommes et des femmes (notamment la masturbation et l'homosexualité), de la prostitution et de la position des autorités à cet égard, des écarts du clergé à la doctrine chrétienne. L'auteur revient ensuite aux idées et développe les croyances des gens du commun, parmi lesquels se trouvent parfois quelques esprits forts ou impies, dans un climat général de dévalorisation du sacré. Une fois ce contexte (longuement) posé, on en revient aux libertins, ou plutôt à ceux qu'on n'appelle pas encore ainsi, mais qui les annoncent : les humanistes. Par leur redécouverte des textes antiques et leur réflexion hors des cadres posés par l'Eglise, ils posent problème à celle-ci, qu'elle soit catholique ou protestante (la Réforme ayant lieu à cette même époque et causant une nouvelle normalisation de la société, dans les deux camps).

Ce n'est qu'au 17e siècle que le libertinage se déploie sous ce nom en France, en tant qu'un vaste mouvement où confluent plusieurs courants de pensée européens. C'est cette fois le mouvement dévot, né tardivement du Concile de Trente, qui sert de contrepoint religieux et normatif. Pour l'illustrer, Didier Foucault évoque notamment le Tartuffe de Molière (auquel il faut retirer, pour la plupart, l'hypocrisie) : il entre dans un foyer qu'il prétend régenter, notamment au niveau de la mode féminine et des moeurs, se montre très prude et sévère, cherche à saturer l'espace profane de sacré et à le restreindre. Une dure période de répression s'étend de 1619 à 1625 et culmine avec le procès de Théophile Viau pour son recueil le Parnasse satirique (précédée par la mort sur le bûcher de Vanini, l'auteur des Admirables arcanes de la nature). Malgré l'échec des accusateurs dévots, le libertinage se fera plus discret et se cachera sous l'hypocrisie vis-à-vis de la religion par la suite. L'effet de mode et de changement de sensibilité mondaine jouera également dans cette évolution d'une littérature dite gauloise à une autre plus raffinée et gazée.

La politique absolutiste de Louis XIV et l'éloignement des nobles du pouvoir participe également au développement de formes de subversion dites libertines entre 1625 et 1670. Il crée en effet de cette façon une crise identitaire de la noblesse française : celle-ci perd ses privilèges de conseil auprès du monarque, ainsi que le monopole de la guerre, suite à l'évolution des techniques de combat. Molière a très bien représenté ce type d'aristocrate sous les traits de Dom Juan : un homme qui a le sentiment d'appartenir à une élite et en profite, qui a le goût de l'élégance, qui collectionne les conquêtes amoureuses, qui est hypocrite vis-à-vis de la religion, mais est condamné à une fuite en avant par manque d'avenir. Ces nobles ne se sont pas laissé abattre sans réagir, comme le montre entre autres la Fronde, mais ils échoueront et devront soit se retirer dans leurs terres, soit se limiter au « libertinage » autorisé à la Cour : le jeu, la séduction et les bals, jusqu'à la vieillesse de madame de Maintenon du moins. A partir de cette époque, ils se réfugieront au Palais Royal à Paris.

A la même époque, mais dans d'autres lieux, les libertins érudits, héritiers des humanistes, issus des classes intermédiaires, se réunissent pour constituer la République des Lettres, espace de liberté au milieu d'une société de contraintes. Ils évitent de se mêler à la politique, ainsi qu'aux grands ou au peuple, tous deux trop instables pour leur tranquillité. Leurs échanges épistolaires et leurs voyages nourriront leurs idées grâce à la confrontation. Néanmoins, ce n'est pas en eux que se reconnaîtront les libertins de la génération suivante, au 18e siècle : restés attachés à l'étude des textes, ils restent éloignés des savants et des nouvelles découvertes ou méthodes d'étude, qu'utiliseront abondamment les philosophes des Lumières. Ceux-ci ne se font plus appeler « libertins », mais bien « philosophes », afin de se distinguer des premiers, considérés comme des débauchés, et non plus des penseurs.

Obligés de se cacher au siècle précédent, les libertins imposent leur art de vivre au 18e siècle, en perdant ainsi leur charge subversive (selon l'auteur, bien qu'il laisse planer le doute en le formulant comme une question). Cela se fait notamment à la Cour du jeune Louis XV et, avant lui, sous la Régence de Philippe d'Orléans, le neveu du défunt souverain. Sont organisés des « petits dîners » auxquels se joignent ceux qui s'appellent eux-mêmes les « roués », de grands seigneurs libertins que leurs titres mettent à l'abri des poursuites judiciaires. Si cet univers nous est aujourd'hui connu, c'est notamment grâce aux artistes et auteurs, qui l'ont représenté dans leurs oeuvres, rapidement évoquées par Didier Foucault.

Comme le montre ce résumé (je l'espère du moins), cette synthèse historique du libertinage est assez complète, notamment au niveau des sources de ce courant de pensée : c'est justement là que le bât blesse selon moi. À tant évoquer le contexte historique et les antécédents – qui sont certes importants et très intéressants, je ne le nie pas –, l'auteur perd un certain nombre de pages et évoque ensuite bien rapidement le libertinage même : le 17e siècle n'est abordé qu'à partir de la moitié de l'ouvrage et un seul chapitre est consacré au 18e siècle. C'est assez dommage, car les grandes lignes esquissées auraient mérité selon moi un plus ample développement. Il faut pour cela se référer à la bibliographie en fin d'ouvrage, elle aussi très complète. le 16e siècle, en revanche, n'aurait selon moi pas dû occuper une telle place dans l'ouvrage : si l'évocation de l'humanisme était pertinente, la description de la société du commun l'était beaucoup moins.

Je ne l'ai pas évoqué ci-dessus, mais l'auteur ne limite pas son propos à la France, bien que le libertinage s'y soit principalement développé : deux chapitres sont consacrés aux autres pays européens au 17e siècle. C'est encore une fois très intéressant, mais malheureusement anecdotique, notamment dans le cas de la Suède : seule la figure de la reine Christine est développée, étant donné le caractère fortement luthérien et austère de la société suédoise. Cela contredit alors la volonté initialement énoncée d'écrire une histoire du libertinage, et non des libertins.

Pour terminer sur une note positive malgré tout, l'auteur a une écriture fluide et claire, à laquelle il mêle un certain nombre de citations, issues d'oeuvres littéraires entre autres, afin d'illustrer son propos et de l'introduire. Il sait les placer à bon escient, tout en prenant distance avec l'image renvoyée et en la confrontant à la réalité historique. Ce procédé est tout à fait intéressant et permet de prendre du recul par rapport à la vision du libertinage héritée de la littérature ou de l'art.
Lien : http://minoualu.blogspot.be/..
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C'est assez réconfortant de constater que, quelque soit les époques, il y a toujours eu des hommes et des femmes pour défendre des idées à contre-courant de l'ordre établi. En Europe, dès le 13e siècle, naquit un courant contestataire transgressant les interdits moraux et idéologiques du christianisme : les libertins.
Cela commença donc par les goliards, des clercs défroqués itinérants, étudiants en droit, qui colportaient des chansons paillardes et athées de tavernes en tavernes, critiquant l'église, sa puissance et sa richesse (ainsi les Carmina Burana). Refusant toute contrainte religieuse, ils étaient très populaires. Les goliards influencèrent la littérature de la fin du moyen-âge. C'est Calvin qui aurait donner le nom de « libertins » (libertini : les « esclaves affranchis » en latin) aux effrontés issus de ce courant. Bravant les interdits, les contraintes sociales et l'ordre religieux, les libertins vivaient en épicuriens, la contestation s'accompagnant d'une grande liberté sexuelle assumée. Bien sûr, le libertinage était un exercice dangereux, et, peu à peu, il fut surtout répandu parmi la noblesse, qui seule était capable, par sa position sociale, de se défendre contre l'intolérance et la répression. le livre détaille toute la vitalité et l'ampleur de ce courant, dont émergera des personnages célèbres, comme Ninon de Lenclos, Le Marquis de Sade ou Christine de Suède. Bien des libertins périront cependant sur le bûcher : ainsi, les philosophes libertins Giordano Bruno (brûlé à Rome en 1600), ou encore Giulio Cesare Vanini (brûlé à Toulouse en 1619).
(A la Renaissance, François Rabelais s'inspirera de cette tradition libertine dans ces personnages de Grandgousier et Gargantua). le libertinage fut donc d'abord un courant contestataire, porté par des hommes et des femmes plutôt instruits et militants, ouverts à une explication non religieuse du monde, et qui s'étala sur près de quatre siècles... J'ai trouvé cet essai particulièrement passionnant !
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L'histoire du libertinage semble au premier abord un sujet un peu grivois, bien gaulois. Que l'on se détrompe tout de suite. le mot jusqu'au 18ème siècle englobe plusieurs définitions se complétant toutes les unes les autres.
Le mot en lui même vient du latin et veut dire affranchis. le mouvement libertin est donc une opposition aux obligations de la religions dominante relayé par l'état . Il commence au XIIème pour finir au 18ième siècle et englobe les créateurs des célèbres chants du « carmina burana » en passant par le sulfureux marquis de Sade, mais on peut y rattacher Erasme, Galilée, Giordono Bruno et donnera naissance aux philosophes des lumières. On voit donc que le sujet est vaste. La réaction peut être grivoise avec l'évocation de beuveries, d'orgies, mais il peut être beaucoup plus intellectuel en rejetant la « physique » du temps comme Copernic, Galilée ou encore Bruno. L'Athéisme n'est pas loin, le déisme non plus. On s'oppose à la scolastique au Tomisme. Ce livre n'est donc pas un panorama de la luxure aux siècles passé (même s'il en parle obligatoirement vue le sujet) mais un ouvrage sur une pensée différente qui mènera vers les Lumières, la société laïque et tant d'autre choses que nous considérons comme normal. Et ce grâce à une tolérance et une liberté de pensé unique en Europe. Beaucoup ont payé leur engagement de leur vie, souvent horriblement sur le bûcher.
Attention tout de même, certaines citations, notamment du carmina burana, sont un peu crue. Bien pensant passé votre chemin, ou alors lisez le en cachette (c'est meilleur avec de la culpabilité !!!)
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Obligés de se cacher au siècle précédent, les libertins imposent leur art de vivre au 18e siècle, en perdant ainsi leur charge subversive (selon l'auteur, bien qu'il laisse planer le doute en le formulant comme une question). Cela se fait notamment à la Cour du jeune Louis XV et, avant lui, sous la Régence de Philippe d'Orléans, le neveu du défunt souverain. Sont organisés des « petits dîners » auxquels se joignent ceux qui s'appellent eux-mêmes les « roués », de grands seigneurs libertins que leurs titres mettent à l'abri des poursuites judiciaires.
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Le mythe des trois imposteurs,les trois prétendus prophètes des grands monothéismes:Moise,Jésus et Mahomet.Leur mobile ne serait pas religieux,mais essentiellement politique.La religion n'est qu'un leurre commode pour entraîner les peuples crédules derrière eux.En faisant passer leurs législations par des commandements divins,ils ont voulu assurer la pérennité des régimes qu'ils instituaient.En fait,seul Moise et Mahomet parce qu'ils se sont comportés en tyrans brutaux et sans scrupules,sont parvenus à leurs fins.Jésus n'était qu'une faille.Il a échoué,faute d'avoir su se donner les moyens politiques et militaires de ses ambitions.
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Le mot"libertinage"apparaît au début du xviie siécle;et dès cette époque,il n'a pas une signification unique,mais se diffracte dand deux directions principales:
-il caractérise un positionnement intellectuel délibérément critique à l'égard de la religion,ses principes fondamentaux,sesdogmes,ses croyances,ses cultes ou son clergé.
-il désignedes comportements et des mœurs basés sur la recherche du plaisir,sous toutes ses formes et sans limites;depuis les divertissements courants-ceux du jeu,de la boisson,de la table,de la danse…-jusqu'aux raffinements érotiques.
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En Christine de Suède se rejoignent tous les traits du libertinage:l'incrédulité arrogante de l'aristocratie de son temps,la passion érudite pour l'irréligion des anciens,l'ouverture vers la science et la philosophie nouvelle,une grande liberté de mœurs qui ne prend même pas la peine de dissimuler.
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Tu as tort d’appeler joug
Les mystères de Vénus,
Quand il n’est rien de plus libre,
De plus délicieux ni de meilleur.

Combien leurs joies
Comportent de douceurs !
Et les larcins de vénus sont œuvre pie.

Extrait des « Carmina burana »
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Il n'y a pas de statut plus excellent que de vaquer à la philosophie,car la religion chrétienne empêchant de s'instruire,on ne sait rien de plus quand on connaît la théologie.
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Videos de Didier Foucault (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Didier Foucault
Rencontre avec Pierre C. Lile autour de Miscellanées d'histoire de la médecine paru aux éditions de L'Harmattan.
-- rencontre animée par Didier Foucault (historien/UT2J).


Pierre C. Lile est docteur en médecine, master d'histoire de l'art, président du Centre d'étude d'histoire de la médecine, membre du laboratoire Framespa de l'université Jean-Jaurès, membre de l'Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse.
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09/03/2024 - Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER
Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite (https://ausha.co/politique-de-confidentialite) pour plus d'informations.
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