Arpenté

Il y a des livres que l'on dévore et ceux que l'on picore.
Celui-ci explore un pays et un temps, celui de l'enfance.
C'est une monographie géographique« un autre lieu animalier dans cette zone confuse du village, faite d'interstices et d'intersections détachés du reste de ma géographie enfantine, est l'abri à cochons » , historique « cette façon de garder des émotions musicales fortes à l'intérieur de soi a marqué cette mi-enfance, je faisais l'expérience de l'émotion comme déflagration » et même photographique « mais parmi toutes ces physionomies, l'une concentre les lignes de forces, celle du banc devant la maison ».
J'aime beaucoup ces récits où parle l'enfance (je vous conseille mes derniers lus : L'homme des vallèes perdues de Jack Schaefer et le train des enfants de Viola Ardone). Et toujours j'admire comment les mots peuvent transcrire une vision enfantine du monde, avec la grande question de comment l'écrivain adulte peut s'y plonger et nous y plonger que ce soit par le souvenir ou l'observation.
Celui-ci est singulier. Il donne le sentiment de l'adulte observant aujourd'hui son pays d'enfance et le regardant avec le filtre de sa mémoire d'enfant. S'il y parvient avec tant d'acuité, c'est peut-être qu'une petite génération nous sépare ou que ma mémoire est plus défaillante. le livre est une successions de courts et nombreux passages, qui offrent un panorama (vision large et exhaustive) pointilliste (petits points de couleur qui font une peinture) contrasté (des souvenirs très net et des impressions floues). C'est le témoignage d'un lieu et d'une époque qui comporte sa part d'universel « Car avec les adultes, il y a tout un écart […]je ne les vois pas vraiment, voire pas du tout, parce que je suis pris dans mes histoires, [] ils sont simplement là comme partie prenante du décor ».
Petit clin d'oeil à son titre, ce livre se prêterait fort bien à l'arpentage, pratique collective qui consiste à partager les ressentis individuels à la lecture de parties distribuées d'un même livre.
Picorez et l'enfance sera bien gardée.

Parfums d'enfance
« arpenté »
est le récit de découvertes, d'apprentissages, de sensations vécus par Alain Freudiger entre 4 et 7 ans.
Il vit alors avec sa famille dans un village du Pays Gris-de-Vaud en Suisse.
Nous sommes dans les années 80 et les enfants circulent plutôt librement dans le village et la campagne environnante, et chaque nouvelle expérience est une aventure, un moment qui marque et reste pour toujours à l'esprit.
Jouer avec les tiges des pissenlits, effeuiller les pâquerettes, observer les petits cailloux logés dans une plaie du genou, ne pas toucher la poudre sur les ailes d'un papillon, faire de la petite bordure des routes un monde à part entière, autant de souvenirs qui ont marqué l'enfant devenu adulte.
Le monde d'Alain Freudiger c'est aussi sa maison dont il nous propose la visite avec ses yeux d'enfant. Sa famille, ses copains, les lieux hors de la maison qui font un peu peur, ceux qui attirent.
L'auteur donne à voir mais surtout à ressentir, ce livre met tous les sens en éveil et fait forcément renaître quelques uns de nos propres souvenirs d'enfance.
C'est un beau récit, simple et juste, très bien écrit et que j'ai lu avec grand plaisir.

Je ne connaissais pas cet auteur... auteur à suivre !
Ce que j'ai apprécié dans ce roman c'est ce regard particulier sur les détails à hauteur d'enfant. Je me suis dis par moment que c'était exactement ça, qu'il a su trouver les mots pour sur des choses vues, vécues. Un exemple, il raconte comment les enfants se créent un "réseaux" physique avec des lieux précis où se déroulent des actions avec certaines personnes... et là ont voit nettement nos réseaux adultes tant avec les personnes que les activités que l'on peut aujourd'hui prolonger avec les forums, et les réseaux sociaux, comme si on transposait la vie réelle et virtuelle.Je n'avais pas fait le lien avant de lire ce passage.

On voit comment l'enfant prend conscience des différentes "frontières" de son univers : l'entrée de la maison, la haie, la route, les portes... La famille, l'école, les copains, les cercles s'agrandissent... ici on a la nature qui s'invite dans cette élargissement des champs des possibles.

L'espace restreint au fur et à mesure. On ressent bien les sensations physiques dans les différents franchissement qui l'amènent à aller de l'avant. L'ouverture au monde et aux autres. C'était intéressant de voir comment les gens s'insèrent dans les lieux et jouent un rôle dans cette construction mentale.

Depuis quelques temps je me rend compte que lors de mes lectures, mon esprit beaucoup est attiré par l'importance de la géographie, au sens large, dans les romans. C'est en partie ce qui m'a attiré vers ce roman.

C'est un récit qui donne envie de marcher, d'arpenter son enfance, sa mémoire et son environnement.
Je remercie les éditions de la Baconnière et Balelio.
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