François d'Assise

“Rappelez-vous que lorsque vous quittez cette terre, vous n'emportez rien de ce que vous avez reçu - uniquement ce que vous avez donné.” (Saint François d'Assise)

Ecrire une biographie est toujours un sujet d'équilibriste , surtout si le sujet n'est pas un homme simple, mais même l'un des saints les plus célèbres de l'église occidentale. Une figure forte et controversée, le saint patron de l'Italie : saint François d'Assise , fondateur de l'ordre franciscain et auteur du "Cantique des Créatures"

Et c'est le défi relevé par Chiara Frugoni, qui compte parmi les plus grands médiévistes italiens contemporains et auteure de nombreux ouvrages sur le Moyen-âge et notamment "François, le message caché dans les fresques d'Assise 2020. Autant que cette biographie à tout pour séduire le plu grand nombre. Son texte traitant de cette difficile « icône » s'adresse à tous utilisant un langage précis et franc ; aucune information n'est tenue pour acquise, aucun passage crucial de la vie de François - qui, comme le titre le rappelle, est un homme avant un saint - n'est valorisé plus qu'un autre.

Voilà donc que la figure de François se façonne depuis l'enfance, dans une riche famille marchande, empreinte de lectures chevaleresques ; on découvre un enfant qui aimait le français (sa mère, la noble Pica Bourlemont, était originaire d'au-delà des Alpes) et la vie aventureuse des braves champions dont il rêvait d'imiter les exploits. En grandissant, le garçon intelligent et vif devient un adolescent agité et ambitieux : en 1154, pendant la guerre entre Assise et Pérouse, le jeune homme est capturé et emprisonné. C'est précisément cette période d'enfermement forcé qui l'a conduit à de profondes réflexions sur la façon dont il menait sa vie, une vie qui allait bientôt être bouleversée par une conversion aussi profonde que soudaine.

Le dernier acte de ce voyage intérieur conflictuel et puissant s'est déroulé devant le crucifix en bois de San Damiano où, en priant, en prononçant la fameuse formule « Dieu Haut et Glorieux, illumine les ténèbres de mon coeur » , il a dit avoir reçu un ordre très précis du crucifix, parlant par miracle ; en fait, il aurait répété trois fois : « Francesco, va réparer ma maison qui, comme tu peux le voir, est en ruines… » .

Une phrase qui se préfigure comme un jalon dans tout le cheminement religieux de François, d'abord solitaire, puis de plus en plus entouré de nouveaux « disciples ». En effet sa prédication, rassemblera rapidement bon nombre de disciples. Les tentatives de son père pour entraver cette vocation inexplicable étaient inutiles, les insultes et les blagues de vieux amis étaient inutiles.

François, avec une rupture que l'on imagine douloureuse, a fermé les portes du riche monde marchand pour entrer dans celui de la misère et de la souffrance physique, du ridicule et de la disette, soutenu pourtant par cette "fièvre d'amour" envers le prochain qu'il avait déjà poussé d'échanger ses vêtements contre ceux d'un mendiant.

La prière, le service aux lépreux, le travail manuel et l'aumône caractérisent l'oeuvre de François, en contraste total avec la moralité du confort facile de la société du XIIIe siècle ; loin des attraits mondains, éloignant l'ambition et l'orgueil, le « pauvre homme d'Assise » a su créer une conscience alternative empreinte de joie : un bonheur si fort qu'il était considéré, pour l'époque, même subversif

L'approbation papale de cet « ordo fratum minorum » intervient en 1209 , après pas mal d'hésitations ; Innocent III , cependant, a habilement choisi d'intégrer ces frères totalement étrangers à la logique romaine du pouvoir, plutôt que de les marquer d'hérésie : il a reconnu la grande capacité du groupe à ramener les gens du commun à la foi, à éviter une déconnexion, entre les gens et de hautes hiérarchies ecclésiastiques, de plus en plus claire et irrémédiable.

La narration captivante de Chiara Frugoni se fait encore plus captivante et érudite avec la rencontre avec le loup de Gubbio (animal ou voleur ?), la mise en place de la première crèche vivante de l'histoire, celle de Greccio, les vives disputes théologiques au sujet des stigmates, en effet le corps meurtri de François se transforme peu à peu en imitation du Christ, en saint.

Le voyage à travers l'Italie du XIIIe siècle se termine par sa mort, également pleine d'anecdotes délicieuses ; en effet, il semble que le mourant n'ait pas eu d'élan épique au moment de sa disparition, aucune intention de laisser de belles phrases à la postérité. Francesco se contenta de se réjouir à la vue de ses mostaccioli bien-aimés (« i mostaccioli, a base di mandorle, farina e miele »), ces bonbons typiques, et, appréciant leur saveur rustique, il prit congé de la vie terrestre.

On a beaucoup écrit sur Saint François d'Assise mais ce texte de Chiara Frugoni se présente cependant comme un petit bijou éditorial. le meilleur compliment à « Vie d'homme : François d'Assise » a été prononcé par Jacques le Goff , l'un des plus grands médiévistes du monde ; en effet, dans l'introduction, il explique que s'il devait choisir un seul livre sur la figure du saint à emporter avec lui sur une île déserte, il emporterait celui de l'auteur. Et l'écrivain français que l'on ne présente plus est digne de confiance.