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EAN : 9782823617092
240 pages
Editions de l'Olivier (01/04/2021)
3.44/5   9 notes
Résumé :
Qui est cet homme déchu qui accepte de répondre aux questions d’un écrivain ? Un architecte jadis puissant, riche et célèbre. Les mots d’ordre qui ont régi sa vie : jouer, s’amuser, gagner. Ses jouets ? Les tours des Amoreiras, qu’il a conçues et qui surplombent Lisbonne. Mais aussi les femmes, auxquelles il impose des jeux sexuels et qu’il filme dans des positions dégradantes. La partie prend fin quand ces enregistrements lui sont dérobés. L’onde de choc se propage... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Le Brutaliste : c'est l'architecte lisboète Tomás Taveira, figure de proue du renouveau et de la modernité qui ont soufflé sur le Portugal après la révolution des oeillets. Fils spirituel de l'autre architecte, Conceição Silva décrit comme n'étant pas de gauche, mais pas salazariste non plus. Un libéral et un bourgeois s'accommodant parfaitement du régime autoritaire et surtout anticommuniste de l' « estado novo » et s'exilant après un attentat non revendiqué et non élucidé au moment de la fameuse révolution. Un petit-bourgeois, selon le titre d'un vieux livre de François Nourissier...
Curieusement, pas grand monde (moi cela ne compte pas, en architecture...) ne connaît ces noms. Pourtant les trois tours en verre et en béton de Taveira dominent un gigantesque centre commercial sur la plus haute colline de la ville. Mais l'explication de ce relatif oubli vient du fait que ce type est infréquentable, un Weinstein/Epstein/SraussKahn et autres avant l'heure (de la découverte, pour le reste, c'est une tradition, comme la corrida etc...)
Ce récit interroge constamment les marques laissée par l'architecte dans la société portugaise que la première partie du livre décrit comme un « génie autodidacte », expliquant, révélant sa pensée assez particulière en relation avec son époque.
Todo là dentro (« Tout là-dedans »), cette phrase obscène du Brutaliste à une de ses victimes marque le tournant désagréable de ce livre. A partir de là, j'ai « décroché », je n'ai pas apprécié ce côté voyeuriste des viols.
« Mais elle ne sait pas vraiment ce qui est bien pour elle, n'est-ce pas, ainsi sont les enfants. Et comme une enfant, elle pleure. Parfaitement, elle pleure. Elle pleure de douleur, ou d'autre chose. Elle sanglote. de nouveau, avec sa main, elle tente de repousser le corps dégueulasse, les coups de couteau qu'elle reçoit. »
Je suis loin de reproduire la totalité de cette scène qui court sur plus d'une page mais elle suffit à illustrer mon propos : on se demande où est la frontière entre fascination de l'auteur, qui l'a interviewé plusieurs fois et ...
Et quoi ?
Le livre est en effet entrecoupé de morceaux de dialogues entre l'auteur et le brutaliste, mêlant histoire, architecture et ... viols.
Cela donne une impression bizarre, mélange de fascination-attraction autobiographique. Très bien écrit il est vrai, et coiffé d'une deuxième partie un tout petit plus légère et fictionnelle (jusqu'à quel point ?).
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Le brutaliste, Mathieu Garrigou-Lagrange, Editions de l'Olivier

Le brutalisme est un mouvement d'architecture qui, dans les années 50, s'inspirant des blockaus battis sur nos plages durant la Seconde guerre mondiale, privilégie le matériau brut et les infrastructures apparentes. C'est généralement très laid, mais pas toujours !

Le « brutaliste » de ce livre est un architecte portugais, formé dans les années 50, mais qui prendra son envol  durant les années de la movida portugaise  qui suivra la Révolution des oeillets, concevant dans le style post-moderne les trois tours de verre noir du centre commercial de Lisbonne Les Amoreiras, dans lesquelles il installera ses bureaux et ….une caméra dans ses bureaux : il y enregistre, le con ! ses ébats avec des jeunes femmes qui y défilent, indistinctement ses employées, ses clientes ou ses conquêtes, et ce à leur insu . Las, plusieurs de ces vidéos fuiteront dans la presse, créant un scandale énorme, et signant la mort sociale de celui qui fut un «  famoso » comme on le dit en Espagne, financier plus ou moins occulte du parti socialiste, abonné des plateaux télés et des fêtes de la jet-set.

Il s'agit de l'histoire vraie, l'auteur nous en avise d'emblée, de Tomas Taveira, qui n'est jamais cité autrement que sous le qualificatif de «  brutaliste » et que Garrigou-Lagrange rencontrera à plusieurs reprises pour faire son bouquin. le projet de l'auteur ? « S'intéresser au point de vue du lynché et en particulier sur les questions des moeurs, lieux de la honte et du déshonneur ».

Le sujet était en or, puisque, à la différence de tant d'autres affaires que l'on a évidemment à l'esprit durant la lecture, dans celle-ci il y a des vidéos (quelques unes encore en ligne sur internet nous précise l'auteur!!) et il n'y eut aucune poursuite pour viol. Et ces vidéos qui scandalisent, à l'époque, tout le monde les regarde, s'en repaît, les copie pour mieux s'en émouvoir et les visionner à l'apéro entre amis, quelques adolescents peinant alors à retenir une vilaine érection en voyant un quinqua bedonnant sodomiser des jeunes filles, mal aguerries à la pratique ou peu consentantes à la chose, qui grimacent de douleur (le récit de l'apéro entre amis est, peut-être, le meilleur du livre).

Le livre est donc celui de l'ascension patiemment conquise et de la chute soudaine d'un brutal (avec les femmes), toute infrastructure dehors  (vous voyez ce que je veux dire...): un brutaliste ! Mais c'est aussi un questionnement sur l'étrange fascination collective que de tels destins suscitent.

On y apprend beaucoup sur l'histoire de l'architecture portugaise que Matthieu Garrigou-Lagrange, qui est journaliste à France-Culture et amoureux de ce pays, sait rendre passionnante : la formation du « brutaliste », dans les années 50, chez un architecte très connu localement et en Espagne, Francisco da Conceiçao, qui fit pratiquement toute sa carrière sous le dictateur Salazar, avant de quitter le Portugal, au retour de la démocratie, après avoir été victime d'une tentative d'attentat qui le fera fuir au Brésil ; les réunions de quartier durant la Révolution des Oeillets auxquelles les architectes sont convoqués pour une discussion directe sur les attentes des habitants (tous aspirent à l'esthétique, ne voulant pas se savoir condamnés au fonctionnel au motif qu'ils sont pauvres et veulent des tours comme les bourgeois de la ville) ; la rupture de tendance, l'audace et le succès du « brutaliste » dans les années 80 . On lit ce livre non loin de son smartphone pour voir des immeubles, les bâtiments, les stades, les quartiers décrits dans le récit et on y apprend beaucoup de choses.

Hélas, le projet d'écriture, si passionnant, sur un sujet aussi sulfureux, est un peu comme patate chaude entre les mains de Garrigou-Lagrange. Il a peur de s'y brûler et ne sait trop qu'en faire.

S'il suggère que le voyeurisme de la foule est tout aussi inquiétant que les pratiques sexuelles de celui qu'elle dénonce, que la question de l'emprise ou du consentement, qui peut se jouer dans des relations beaucoup plus ordinaires que celles de dominant à dominé social, est par nature rétive au jugement (la relation d'un couple de jeunes gens, Junior et Xenia, sur laquelle le livre s'achève, l'illustre avec brio), il n'ose pas l'écrire ainsi .

En faisant de son personnage un violeur – ce qui n'a pas été principalement reproché à ce dernier- et non pas « seulement » un narcissique dominateur qui se réalise en conservant trace de ses prouesses, tel le chasseur qui prend en photo son tableau de chasse, le gibier bien étalé sur un drap immaculé, le trophée plus décisif que la battue, Garrigou-Lagrange se prive de la possibilité, s'interdit nécessairement d'explorer les deux interrogations qui étaient les siennes et qui le hantent tout au long de son récit : pourquoi choisir un tel personnage ? Et pourquoi ce livre ?

Quelques pages, supérieures, sur l'enfance de l'auteur, condamné au purgatoire dans la cour de récréation, donnent sans doute la clé : «  une sympathie pour les sorcières injustement chassées ». C'est la première. La seconde clé est l'émouvant aveu de l'auteur qu'il est, socialement, un « petit bourgeois » : «  Cela sonnait un peu mesquin, mais voilà, j'étais cela. On pourrait croire qu'on le sait depuis l'enfance, mais non il faut quand même le réaliser ».

Quand on s'attaque à un aussi puissant sujet qu'est le personnage moralement déplorable on ne peut le faire que comme Javier Cercas dans « L'imposteur » -l'histoire d'un syndicaliste espagnol, président d'une puissante association de déportés, dont il sera révélé des années plus tard, alors qu'il est au faîte de la gloire, qu'il avait été en réalité travailleur « volontaire » de l'Allemagne et qu'il n'avait jamais connu les camps nazis. Avec audace, sans peur ni reproche. Sans scrupule. le personnage est un révélateur d'époque. C'est tout .

Mathieu Garrigou-Lagrange, qui ne manque ni d'intelligence ni de sensibilité, a manqué du courage d'aller jusqu'au bout de ce qu'il voulait nous dire : la sex-tape, entre celui qui la fait, celle qui en est l'objet, et le tiers qui la regarde, c'est ce dernier qui est le plus méprisable. Cette vérité, l'auteur, trop soucieux d'éviter les méprises d'époque, ne l'a pas osée. Dommage ! Reste l'intérêt du prudent récit d'un journaliste cultivé et amoureux du Portugal, qui n'a pas franchi le pas qu'appelait son ambitieux projet littéraire.
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Le brutaliste, entre roman et récit, narre la vie d'un célèbre architecte portugais et des conséquences de ses oeuvres sur Lisbonne et les Lisboètes.
Matthieu Garrigou-Lagrange (qui s'affirme, dans le roman, Lisboète d'adoption) se mêle à ces derniers en livrant aux lecteurs les impressions provoquées sur lui tant par les bâtiments que par les frasques sexuelles dudit architecte. En effet, si le brutaliste (sobriquet par lequel l'architecte est désigné, à l'exception d'une scène rapportant son prénom) doit son ascension à ses créations architecturales (notamment au complexe immobilier formé par les trois tours des Amoreiras, qui occupent une place centrale dans le texte), sa chute est provoquée par la fuite dans la presse à scandale d'extraits des vidéos pornographiques le mettant en scène (avec des femmes plus ou moins consentantes), qu'il tournait dans lesdites tours.
Malgré le statut de Matthieu Garrigou-Lagrange (journaliste à France Culture), il ne faut pas s'attendre à une pure enquête journalistique : le livre ne se contente pas de revenir sur la vie de l'architecte, mais comporte également une partie fictionnelle. Elle permet à l'auteur d'entrer dans toute la complexité des scandales sexuels qui, s'ils n'ont rien de nouveau, sont désormais, grâce à la libération de la parole, au coeur de l'actualité.
Loin de verser dans le manichéisme, le livre conduit à s'interroger sur ce que la domination masculine fait aux femmes, aux hommes et la ville. C'est d'ailleurs la ville qui fait ici pleinement vivre le texte, à tel point que l'on peut se demander si la pulsion auctoriale de Matthieu Garrigou-Lagrange n'était pas avant tout de parler de Lisbonne.
Qu'importe, il en résulte un texte subtil et maîtrisé qui se lit non simplement pour regarder un homme tomber, mais pour comprendre à travers celui-ci l'évolution d'une société.
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Issu d'un milieu populaire, d'abord mécanicien, le très ambitieux Tomas Taveira devient, dans les années quatre-vingt, l'un des architectes portugais les plus en vue. Ayant reconstruit plusieurs quartiers lisboètes, et transformé le bâtiment où il réparait des autobus, l'homme semble au faîte de sa gloire quand un groupe d'adolescents diffuse une série de vidéos compromettantes. Filmées au camescope par Taveira lui-même, les sextapes le montrent en train d'humilier des secrétaires au cours de rapports plus ou moins consentis. le scandale se répand vite. Taveira fait la une de la presse, devient indésirable et, doublé par ses concurrents, n'honore plus que de modestes contrats. Sa femme le conspue, et ses enfants sont harcelés à l'école. Dans la rue, jeunes et vieux l'injurient, citant les mots prononcés lors d'un ébat : "Todo la dentro" (soit fourre moi tout ça).

C'est cet homme fatigué, usé, qu'est allé rencontrer Matthieu Garrigou-Lagrange, des années après les faits. Animateur de la compagnie des oeuvres[1] sur France Culture, le journaliste-biographe a ainsi interrogé sans complaisance, plusieurs heures durant, le vieux lion blessé, en essayant de comprendre. le résultat est étonnant. le livre pourrait ainsi s'appeler grandeur et décadence d'un arriviste, tant l'ascension de Taveira semble étonnamment rapide, et tant, parallèlement, sa chute semble dure, fulgurante. Brutaliste, l'homme l'est à deux titres : avec les femmes, qu'il traite comme du bétail, et avec la pierre, qu'il manie avec audace, créant de nouveaux quartiers en rupture totale avec la vieille ville. Sans être un traité d'architecture, le roman demeure, à cet égard, fort instructif, éclairant le novice sur les différentes tendances d'alors. Nous découvrons ainsi ce qu'est le brutalisme des années 70-80, soit ce goût pour le béton décliné en formes géométriques abruptes. Pour autant, le livre, écrit dans un style sobre et poétique, n'a rien d'austère mais semble vivant, coloré, à l'instar du Portugal. Car c'est bien du Portugal que parle "Le brutaliste", de ses contradictions, des tensions propres à une société alors en pleine transition, passant du salazarisme à la modernité. Incarnant, par son destin même, par sa personnalité, une forme de renouveau esthétique, Tomas Taveira ne s'en comporte pas moins en réactionnaire misogyne, au rebours de ses idées de gauche. Autofictionnel, le récit revient également sur la jeunesse même d'un auteur fasciné par les proscrits, les indésirables, les condamnés. Décrivant son propre coming out, sur le bouleversement induit, Matthieu Garrigou-Lagrange s'interroge sur sa fascination pour Taveira, qui n'est d'ailleurs jamais réellement nommé. Curiosité morbide ? Attirance irrationnelle ? Plusieurs pistes apparaissent, faisant du "Brutaliste" un récit ouvert.

[1] D'abord nommée « La compagnie des auteurs », l'émission existe depuis 2016.
Lien : https://pagepaysage.wordpres..
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critiques presse (1)
Culturebox
03 mai 2021
Un roman basé sur l'histoire vraie de l'ascension fulgurante et de la chute d'un architecte portugais.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Depuis longtemps, il ne prêtait plus attention à ce paysage, si tant est qu’il l’eût jamais vraiment regardé, ayant toujours vécu là. Il y avait plus de huit mille jours que le soleil patinait le parquet à motifs au pied de sa fenêtre et on sentait, d’ailleurs, en pénétrant dans cet appartement, que les matériaux qui le composaient avaient cuit de nombreuses années à petit feu, car ils dégageaient un fumet de bois, de plâtre et de poussière, très léger, qu’on percevait en entrant, mais que l’on oubliait ensuite. C’était l’odeur de chez eux.
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Vidéo de Matthieu Garrigou-Lagrange
Rencontre avec Matthieu Garrigou-Lagrange, “Le brutaliste” (L'Olivier) Rencontre présentée par : Pierre Mazet
Qui est cet homme déchu qui accepte de répondre aux questions d'un écrivain ? Un architecte jadis puissant, riche et célèbre. Ses mots d'ordre: jouer, s'amuser, gagner. Ses jouets ? Les tours des Amoreiras, mais aussi les femmes, auxquelles il impose des jeux sexuels qu'il filme dans des positions dégradantes. La partie prend fin quand ces enregistrements lui sont dérobés. Le Brutaliste est le récit de l'ascension d'un homme, puis de sa chute spectaculaire.
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