Comment j'ai raté ma vie

Avec une économie de moyens, 17 fois un texte court et un dessin, les deux talentueux Bertrand nous livrent dans ce Comment j'ai raté ma vie un roman graphique brillant et fin, qui devrait résonner drôlement en chacun de nous.
Comment ne pas rater la sienne en effet ?
Ne pas profiter du présent. Garder son âme d'enfant et arrêter de courir après le profit, les choses matérielles. Entourer de joliesse les souvenirs de son enfance, les sublimer par résilience ou tout simplement parce que c'est humain. Ne pas voir en soi le meilleur, s'aimer tout simplement sans regrets.
Chacun peut trouver dans ce livre ce qu'il pourra ou voudra bien voir. On peut même en le refermant y trouver de l'espoir ou du désespoir.
Que ce petit bijou soit dans la collection Jeunesse m'étonne car mieux vaut, pour l'apprécier, "avoir de la bouteille" , connu quelques désillusions, être à l'âge des bilans. Avoir 50 ans tiens ! Les auteurs citent d'ailleurs en préambule la phrase, devenue célèbre, de Jacques Séguéla : Si à cinquante ans, on n'a pas une Rolex, on a raté sa vie.... Quelle misère ! Quelle vision stupide de la vie ! Tout le contraire de cette petite merveille !
Merci à la Masse Critique de Babelio et aux éditions Grasset de m'avoir offert cet ouvrage maintenant bien en place dans ma bibliothèque.

Avec une économie de moyens incroyable, les 2 auteurs de cet album nous font traverser la vie en quelques pages et nous mettent le soufflet. L'idée géniale : le décalage systématique entre les mots et les images, tout est inversé et fait apparaître le cru des sentiments derrière les apparences, à travers le regard d'un vieil homme qui revoit sa vie avec une honnêteté cash.

Enfance : le petit garçon vit dans une bicoque lézardée, mais pour lui c'est un château à nul autre pareil. Son imagination paillette toutes choses. C'est d'autant plus attendrissant qu'il n'a rien, pas très riche, pas très beau, pas très populaire. le silence sur une éventuelle famille nous fait comprendre pudiquement que de ce côté -là non plus ça ne devait pas être la folie. Et pourtant, tout était trésor pour lui.

Puis il a grandi, et chaque illustration d'un « succès », au sens où on l'entend couramment, est associée à son démenti cinglant dans une formule lapidaire. le texte de Santini, dégraissé jusqu'à l'os, fait merveille avec le dessin de Gatignol (« série Bd « les Ogres-dieux ») où chaque trait est pensé.
C'est radical, ça latte vraiment dur, pas la plus petite concession ne sera lâchée jusqu'à la fin. Un album pour tous les âges, plutôt pour les adultes d'ailleurs, un mini-uppercut qui a fait réagir un peu pareil ceux auxquels je l'ai fait lire: d'abord un sourire d ‘attendrissement, suivi de peu par la surprise puis par un petit vide…et un « ouahh … »songeur. A déconseiller aux dépressifs toutefois, parce que, mine de rien, ça déstabilise bien son bonhomme!
En exergue, les auteurs ont placé la petite phrase de Séguéla sur la Rolex. On sent que ça les a bien énervés…

Un album qui rejoint pour moi le podium des albums qui m'ont marquée.
Un grand merci à babelio et aux éditions Grasset.

Ah, l'humour (noir ?) de Bertrand Santini... Quand il est en parallèle avec des dessins totalement à contre-pied, ça donne un album très réussi et complètement atypique.

Un petit format à l'italienne, un illustration sur chaque page de droite, en niveau de gris avec comme seule touche de couleur, parfois, un minuscule lapin en peluche.
Sur la page de gauche, un texte minimal, une seule phrase, parfois un seul mot.
Et chaque fois, un décalage complet entre les deux.
D'abord l'enfant, qui trouve tout merveilleux alors que les dessins montrent combien ça ne l'est pas.
Et puis le passage à l'âge adulte, tout semble bien meilleur, et pourtant, plus rien ne lui convient.

En quelques phrases, et quelques dessins, les deux Bertrand ont saisi l'essentiel de la tristesse de la plupart de nos vies. Passer d'un enfant que tout réjouit à un adulte que plus rien ne satisfait.
Une merveille de conte philosophique en moins de dix phrases.

Mais, car forcément il y a un mais, sans doute celui de la bibliothécaire en moi, qui a besoin de mettre les livres dans des "cases", de choisir le rayon où ils iront.
Pour qui cet album ? Où le mettre, à qui le proposer ?
Car sous un aspect d'album pour tout-petits, ce sont les adultes qui vont l'apprécier.
La bibliothèque où je l'ai emprunté (la BDP) l'a classé en album enfants, même pas en junior, dans le rayon des livres pour les maternelles !! Il n'y a certes pas sa place.
Je serais curieuse de voir la tête des parents qui vont lire ceci à leurs petits bambins !
Par contre, on a très envie de le partager avec les enfants un peu plus grands, c'est une si belle leçon de vie.

P.S. : Je l'ai en effet partagé avec certains de mes petits-enfants. Voici leurs brefs commentaires sitôt après la lecture :
- La presque lycéenne : "Ce livre me fait trop réfléchir."
- Celle qui va entrer en 4e : "Il y a clairement 2 sens"
- le petit-frère de neuf ans : "Je pense que je ne sais pas que penser"
Lien : https://livresjeunessejangel..

A travers des pages en noir et blanc, on suit la vie d'un petit garçon, puis jeune homme, puis vieillard, qui évolue. Tout d'abord dans un monde merveilleux, dans un immense château, au milieu d'une forêt magique, avec plein d'amis. Seulement, en grandissant, il perd tout ça. Il se retrouve avec d'autres attributs, plus adulte, mais a-t-il vraiment gagné au change ?

Un vrai petit bijou d'ironie, que l'on peut lire en à peine 2 minutes, mais je vous conseille vivement de vous y attarder plus que ça. En effet, toute la beauté de ce court récit est dans le rapport texte/image qui siège tout au long de l'album. Les enfants saisiront facilement toute l'ambiguïté qui se dégage de l'histoire, tandis que les adultes riront peut-être jaune, mais cela leur fera sûrement remettre en perspective quelques éléments de leur vie. Un album intergénérationnel qui permettra de s'interroger ensemble sur ce qui fait la richesse d'une vie.

Or de question de vous gâcher cette histoire poignante et drôle, je ne vous montre donc aucune image où le rapport texte/image pourrait vous faire comprendre le principe du livre, je peux seulement vous montrer la double page intermédiaire qui fait passer le petit garçon insouciant et optimiste, à un homme plus dubitatif.

Mais pour vous motiver à lire ce récit, reposez-vous sur leurs créateurs. On a affaire à deux pointures : Bertrand Santini a écrit Miss Pook et les enfants de la lune, ainsi que Hugo de la nuit, tandis que Bertrand Gatignol n'est autre que le merveilleux dessinateur de la saga des Ogres-Dieux et du récit le voleur de souhaits. Un duo détonant pour quelques pages grinçantes à partager sans modération !

Un grand merci à Babelio avec sa masse critique qui m'a permis d'être sélectionnée pour recevoir ce livre et à Grasset pour sa publication et son envoi !
Lien : http://lebazarlitteraire.fr/..

Un lire comme une pensée, bref, sans broderie, sans chichi.
Un petit livre de quelques minutes : quelques mots sur la gauche, accompagnés d'une image sur la droite.
Et il prend tout son sens au milieu, jusqu'à la fin, obligatoire, dont l'on se doutait dès le début.
L'auteur retourne les normes de la vie, assimile le diplôme à la bêtise, à la réussite sociale et monétaire, une vie ratée. Tout ça pour quoi ? En revenir aux sentiments simples de la jeunesse, que l'on cherche à retrouver à la fin de sa vie.
Et tout ça en deux minutes ? Chapeau !
À lire sur un banc public, avec le chant des oiseaux et la sérénité au coeur.