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EAN : 9782348036057
380 pages
La Découverte Poche (01/05/2018)
4.28/5   9 notes
Résumé :
Cabotant sur les rives de l'Adriatique, de la Mer Égée et de la Mer Noire, Jean-Arnault Dérens et Laurent Geslin remontent le fil des mémoires du continent européen. Rythmé par la voile de la petite embarcation, leur récit est celui de cette errance entre les sédiments du passé, à la rencontre des habitants, nostalgiques ou visionnaires, des marges de l'Europe.
Une ville sans cimetière, une langue comprenant quatre-vingt-trois consonnes, une marina qui n'exis... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
À bord d'un voilier de dix-sept mètres, le Vetton, deux journalistes français, quittent la marina de Monastir, en Tunisie, pour gagner Crotone, à la pointe sud-est de la botte italienne, en Calabre. Leur but est de remonter l'Adriatique, redescendre en mer Ionnienne, arpenter l'Egée jusqu'aux Dardanelles pour gagner enfin Istanbul et passer de l'autre côté du Bosphore, caboter sur les rives de la Mer Noire.

Une pérégrination maritime, en fin presque.....propice à des rencontres improbables, celles,

de l'Histoire, (compliquée des Balkans fauchés par les Ottomans, le fascisme et le communisme et jalonnée des spectres de Tito et d'Enver Hodja),

de minorités oubliés ( les Arbëresh arrivés au XVI e siècle en Italie du Sud pour fuir l'avancée ottomane dans les Balkans, et leur langue l'arbëresh, la vieille langue des Albanais du sud de l'Italie / les Hamshens, une population d'origine arménienne, convertie à l'islam entre le XVI e et le XVIII e siècle, habitants du nord-est de la Turquie/ les Lipovènes du delta du Danube...),

d'écrivains de tout bord ( Boris Pahor, à Trieste, figure tutélaire des lettres slovènes, James Joyce à Pula, qui enseigna l'anglais aux officiers de la flotte austro-hogroise d'octobre 1904 à mars 1905),

de communautés cachés ( la communauté slovène de Trieste, “Les Slovènes heureux sont des slovènes cachés”),

de langues oubliées ( le dalmate),

de personnages mythiques (Sabbatai Tzvi à Ulcinj, rabbin de Smyrne qui se proclama messie en 1648, fit trembler l'empire ottoman, pour finir par se convertir à l'Islam, et prendre le nom d'Aziz Mehmet , Richelieu à Odessa....),

de villages fantômes (Murto déserté par les çams, les albanais musulmans d'Epire,au lendemain de la seconde guerre mondiale),

de républiques douteuses (la République moldave de Transnistrie, "Tiraspol reste un trou noir sur la carte du droit international")......,

“Poussières d'Empire qui s'élèvent et retombent sur la terre des Balkans, identités mouvantes en recomposition permanente, langues en mutation, confessions syncrétiques, territoires cent fois perdus et reconquis....” , Geslin et Dérens, des Balkans au Caucase nous emmènent sur les rivages de ces pays et peuples dont les histoires passées et récentes, bien que loin des yeux et du coeur, retentissent fortement sur l'histoire européenne. Des splendeurs d'antan, il n'en reste malheureusement presque rien ( "Camelote chinoise, oiseau de proie, tout est bon à vendre").
Malgré l'histoire récente qui date d'un peu (d'au moins six ans, alors que le livre a été publié cette année), un récit littéraire captivant. Une vue panoramique sur cette partie du globe qui chauffe, enrichie d'Histoire, de mythologie, du vécu et d'anecdotes croustillantes qui feront le bonheur de qui aime voyager, et surtout de toutes les curieuses et curieux de la Vie en général.

"La poésie des noms de lieux suffit à déterminer bien des voyages."

« La plus belle des mers est celle où l'on n'est pas encore allé. »
Nazim Hikmet
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Si vous attendez de ce récit de voyages au titre poétique une inspiration pour de futures escapades touristiques vous risquez d'être fort déconcertés.
Deux journalistes, fins connaisseurs de la région, décident de parcourir à bord d'un voilier, le sud de l'Europe, de l'Adriatique à Istanbul puis d'arpenter par les moyens locaux les rives sud et nord de la mer Noire en évitant soigneusement les hot spots touristiques. Ni Dubrovnik, ni Mykonos, ni Sotchi ne sont inscrits à l'ordre du jour.
Leur credo "la mer lavera nos yeux, nous donnera le regard neuf qui permet de raconter de nouvelles histoires".
Des histoires, grandes ou petites, force est de constater que ce livre en est une mine passionnante.. Des Balkans à l'Asie Mineure ou au Caucase ces régions ont bien justifié elles-aussi de la caractéristique de " trop plein d'histoire " attribuée aux seuls Balkans.
La Grèce antique et les Romains les ont conquis, plus tard des comptoirs vénitiens ou génois s'installeront jusqu'en Crimée, plus tard encore d'autres empires convoiteront ces régions, la Sublime Porte, l'Empire habsbourgeois, l'Empire russe ou soviétique, aujourd'hui l'Europe ont imprimé leurs marques en laissant trop souvent des territoires exsangues.
Les cultures, les peuples, les langues, les religions, les politiques, les mafias s'y côtoient plus ou moins paisiblement.
Nos deux journalistes, historiens ou géographes, vont traverser les lieux qui portent encore les stigmates de bouleversements récents. de l'ex- Yougoslavie, aux guerres d'indépendance de l'Abkhazie ou de la Transnistrie, de l'annexion de la Crimée en 2014 par la Russie à la crise des migrants abordant les Îles de la mer Égée puis la traversée des Balkans, de la crise économique grecque à la montée sourde et organisée des intégristes dans le Caucase ou en Turquie, on est au coeur d'une actualité qui a fait un jour ou l'autre nos grands titres. Parfois l'histoire effectue des retours en arrière. Des Tcherkesses du Kosovo ont retrouvé leur terre russe il y a 20 ans, des Tatars exilés en Ouzbékistan sont revenus s'établir en Crimée. D'autres peuples sont partis indésirables, les " turcs " du Sandjak yougoslave - les bochniaques - ont fait souche dans un faubourg proche d' Istanbul.
L'histoire est prodigieusement riche et on ressort ivre de tant de complexité.
L'Europe aujourd'hui constitue pour ces régions une source de difficultés supplémentaires au quotidien. Cocasse le voyage de près de 2 jours des travailleurs arméniens d'Istanbul devant justifier d'un tampon de sortie à la frontière géorgienne plus entrouverte que les proches frontières de la Grèce ou de la Bulgarie. Décourageant le partage des eaux de l'inextricable delta du Danube entre l'Ukraine et la Roumanie européenne.
Victimes de conflits locaux ou otages de grands enjeux internationaux les peuples ont souvent été oubliés ou sacrifiés.
Les haltes se font dans des villes côtières chargées de passé. Les premières impressions sont souvent teintées de déception. Bétonnés à tout-va, livrés à la spéculation, en proie à des projets souvent irréalistes ou décalés, mutilés, abandonnés, voire défigurés, sales, la plupart des lieux traversés ont perdu de leur splendeur d'antan, des jardins de Crimée, des lieux chantés par des poètes aux prospères rivages du Pontique.
Balkans Transit racontait le voyage il y a 20 ans au coeur des terres balkaniques. On ressent avec cet ouvrage bien écrit le même accablement devant tant de violence, de gâchis, de misère et le spectacle d'une économie de pacotille et de survie.



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Le récit d'une odyssée qui nous mène de l'Adriatique au delta du Danube, là où se mêlent les eaux - celles de l'Europe et de la mer Noire.

Chaque escale est l'occasion d'évoquer un fragment de l'histoire tourmentée des peuples des Balkans à travers le temps et l'espace. Il faut dire que Jean-Arnault Dérens, historien, et Laurent Geslin, géographe, tous deux journalistes au Courrier des Balkans, maîtrisent parfaitement leur sujet.

Par petites touches, ils nous amènent à réfléchir à la notion de peuple, de culture, de territoire, de pays et de frontière surtout… apparait alors par pointillisme une vision nouvelle de cette Europe des confins, des Balkans au Caucase.

L'humain est au coeur de ce livre que je range sans hésiter aux côtés de l'excellent Balkans-Transit de François Maspero.
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critiques presse (1)
LeDevoir
07 août 2018
Dans ce récit vivant et bien documenté — même s’il n’est peut-être pas de la plus grande fraîcheur —, les deux auteurs nous livrent un état des lieux en forme de regard panoramique.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Le pire est encore à venir. Aristote Bita, adjoint au tourisme et distingué francophone, récite comme un psaume la liste des projets de la mairie. Si tout se déroule selon les plans, Saranda* disposera bientôt : primo ) d’un téléphérique reliant le front de mer à une église médiévale perdue dans les hauteurs ; secundo ) d’un immense centre commercial construit sur des pontons au milieu de la baie ; tertio ) d’un casino également établi sur ces mêmes pontons ; quarto ) de nouvelles discothèques, d’un terrain de golf, d’un boulodrome et d’un circuit de formule 1 ; quinto ) d’un éclairage urbain zébrant chaque soir le ciel de la baie d’éclairs jaunes, vers et bleus ; sexto ) d’un front de mer entièrement bétonné et transformé en promenade paysagère « naturelle » ; septimo ) de vastes parkings permettant de garer sans souci les hummers et les 4x4 Mercedes ; octavo ) d’un palais des congrès et d’un auditorium qui accueillera les plus grandes étoiles de la musique internationale. La ville nouvelle fera pâlir d’envie Dubaï, et disposera même, nono) de son propre aéroport.
* petite ville côtière albanaise.
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En 1867, l’ingénieur français Eugène-Henri Gavand conçut un funiculaire reliant le haut et le bas de la colline. The Metropolitan Railway of Constantinople from Galata to Pera, une société aux capitaux anglais, fut fondée en 1871. Les travaux commencèrent aussitôt : le second chemin de fer souterrain d’Europe, après celui de Londres, dévalait la colline sans sortir à l’air libre. Le poids du wagon descendant entraînait celui qui montait sur la moitié du parcours avant que le moteur à vapeur ne prenne le relais : le trajet durait exactement quatre-vingts secondes. Le « Tünel » fut achevé le 5 mai 1874, mais durant plusieurs mois, on ne fit voyager que du bétail, afin de s’assurer que la voûte maçonnée tenait bon. Les vaches furent les premières à prendre le métro.
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.......dans la zone frontalière avec la Bulgarie...... vivent les Pomaks de Grèce, des Slaves musulmans parlant une langue proche du bulgare. Les Pomaks appartiennent à la minorité musulmane et se désignent souvent eux-mêmes comme « Turcs ». « L’identité, c’est un jeu », lâche Sinan en rallumant une clope, « elle évolue sans cesse et se définit toujours en fonction du contexte. Pour les Grecs, nous sommes des “musulmans”. Mais nous refusons cette définition confessionnelle, nous voulons être reconnus comme des Pomaks, faisant partie de la minorité turque ».
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Nous avons tardé dans la salle commune, à l’arrière du vieux rafiot battant pavillon moldave, immatriculé dans le port de Giurgiuleşti, sur le Danube. La Moldavie n’a pas de côte, mais c’est un grand pays des immatriculations maritimes de complaisance, du moins à l’échelle de la mer Noire.
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Les explorateurs russes avaient la chance de pouvoir repousser toujours plus loin leur connaissance des confins de l’Empire sans avoir besoin de franchir les mers. Le professeur étudia les zones semi-désertiques des bords de la Caspienne, il arpenta les steppes kalmoukes du gouvernement d’Astrakhan, monta des expéditions en Svanétie et jusqu’aux lointains monts du Tian-Shan. Le gouvernement l’envoya en Inde et à Ceylan étudier le thé pour permettre son acclimatation en Adjarie. Krasnov était un esprit moderne, il avait compris que la grandeur de la Russie ne devait plus seulement s’imposer par la force et le knout mais par la science et l’éducation. Le monde, mis en forme rationnelle, devait devenir intelligible à tous. Il ouvrit, avant celui de Batoumi, un jardin botanique à Kharkov, il donnait des cours de géographie aux ouvriers. Peu à peu, il forma un système, reliant climats, botanique et géographie physique. Il distinguait sur la surface du globe dix zones climatiques et cinq grandes régions géologiques. Le jardin de Batoumi, ouvert au public en 1906, est l’illustration du système, l’oeuvre de sa vie.
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Videos de Laurent Geslin (4) Voir plusAjouter une vidéo
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