À bord d'un voilier de dix-sept mètres, le Vetton, deux journalistes français, quittent la marina de Monastir, en Tunisie, pour gagner Crotone, à la pointe sud-est de la botte italienne, en Calabre. Leur but est de remonter l'Adriatique, redescendre en mer Ionnienne, arpenter l'Egée jusqu'aux Dardanelles pour gagner enfin Istanbul et passer de l'autre côté du Bosphore, caboter sur les rives de la Mer Noire.
Une pérégrination maritime, en fin presque.....propice à des rencontres improbables, celles,
de l'Histoire, (compliquée des Balkans fauchés par les Ottomans, le fascisme et le communisme et jalonnée des spectres de Tito et d'Enver Hodja),
de minorités oubliés ( les Arbëresh arrivés au XVI e siècle en Italie du Sud pour fuir l'avancée ottomane dans les Balkans, et leur langue l'arbëresh, la vieille langue des Albanais du sud de l'Italie / les Hamshens, une population d'origine arménienne, convertie à l'islam entre le XVI e et le XVIII e siècle, habitants du nord-est de la Turquie/ les Lipovènes du delta du Danube...),
d'écrivains de tout bord (
Boris Pahor, à Trieste, figure tutélaire des lettres slovènes,
James Joyce à Pula, qui enseigna l'anglais aux officiers de la flotte austro-hogroise d'octobre 1904 à mars 1905),
de communautés cachés ( la communauté slovène de Trieste, “Les Slovènes heureux sont des slovènes cachés”),
de langues oubliées ( le dalmate),
de personnages mythiques (Sabbatai Tzvi à Ulcinj, rabbin de Smyrne qui se proclama messie en 1648, fit trembler l'empire ottoman, pour finir par se convertir à l'Islam, et prendre le nom d'Aziz Mehmet , Richelieu à Odessa....),
de villages fantômes (Murto déserté par les çams, les albanais musulmans d'Epire,au lendemain de la seconde guerre mondiale),
de républiques douteuses (la République moldave de Transnistrie, "Tiraspol reste un trou noir sur la carte du droit international")......,
“Poussières d'Empire qui s'élèvent et retombent sur la terre des Balkans, identités mouvantes en recomposition permanente, langues en mutation, confessions syncrétiques, territoires cent fois perdus et reconquis....” , Geslin et Dérens, des Balkans au Caucase nous emmènent sur les rivages de ces pays et peuples dont les histoires passées et récentes, bien que loin des yeux et du coeur, retentissent fortement sur l'histoire européenne. Des splendeurs d'antan, il n'en reste malheureusement presque rien ( "Camelote chinoise, oiseau de proie, tout est bon à vendre").
Malgré l'histoire récente qui date d'un peu (d'au moins six ans, alors que le livre a été publié cette année), un récit littéraire captivant. Une vue panoramique sur cette partie du globe qui chauffe, enrichie d'Histoire, de mythologie, du vécu et d'anecdotes croustillantes qui feront le bonheur de qui aime voyager, et surtout de toutes les curieuses et curieux de la Vie en général.
"La poésie des noms de lieux suffit à déterminer bien des voyages."
« La plus belle des mers est celle où l'on n'est pas encore allé. »
Nazim Hikmet