"Disparaissant, tu n'as pas été mise ailleurs, tu t'es diluée dans ce minime espace, tu t'es enfouie dans ce minime espace, il t'a absorbée" écrivait
Jacques Roubaud dans
Quelque chose noir, et ce texte -
Voir de ses propres yeux, premier roman publié dans la belle collection de la Librairie du XXIe siècle - fait peu ou prou écho à ce poète. Avec ce premier roman,
Hélène Giannecchini "opère" différents voyages, sonde l'absence des proches disparus, voyage de Lausanne à Bâles et Naples en passant par Paris et Bologne, et fait une véritable fixation sur l'anatomie à travers les âges, les dissections de corps ; la façon de conserver la mort, de converser avec les morts aussi. Ce qui est formidable et très attirant dans ce roman, c'est que Giannecchini cherche à donner une histoire aux corps. Son obsession est mal comprise par ses proches, "leur réaction me donne l'impression paradoxale que je ne sais plus regarder alors que justement je voulais voir vraiment" (page 102), et, finalement, elle dit encore (Page 163) : "Je laisse les anatomistes à leurs outils et à leurs traités, à leurs cours prestigieux. Je leur tourne le dos pour me pencher sur la table de dissection, pour m'adresser à celles que les savants ont incisés, dépouillées et parfois recrées." Un beau roman, sur le deuil et la survivance de nos morts, et comment regarder des corps qui ne sont plus… "vous n'entamez pas ma solitude, vous la justifiez" dit encore la narratrice. Un beau roman, exigeant, intrigant, apaisant comme un onguent (pour la rime…).
ma petite vidéo sur le sujet :
https://animoto.com/play/yfAb8uz¤££¤11Giannecchini6¤££¤