Mais les Français n'écoutaient plus, ou du moins n'entendaient plus. Leurs oreilles étaient fermées. Cela restera comme la singularité de cette période. La France était entrée dans un psychodrame depuis l'automne de 1980, jalonné par des événements apparemment divers, et qui avaient déclenché des réactions en vagues sourdes et prolongées.
J'en citerai quelques exemples : les suites de l'odieux attentat contre la synagogue de la rue Copernic ; l'importance donnée par la presse d'opposition et les instituts de sondage à la candidature du fantaisiste Coluche ; l'échec du président Carter et l'élection du président Reagan, l'un ébranlant le mythe de l'invincibilité du président sortant, l'autre créant dans certains milieux l'espoir d'une poussée vers la droite ; les campagnes de calomnie ou de dénigrement souvent contredites par la seule évidence, et auxquelles j'avais décidé, sans doute à tort, de ne pas répondre ; des incidents aussi minimes, mais décodés en termes symboliques, que la panne d'un moteur de l'avion de ligne que nous empruntions pour aller passer la soirée de Noël avec nos compatriotes antillais ; les fluctuations brusques et, en ce qui me concerne, descendantes des sondages
d'opinion.
Ce psychodrame avait déplacé la faculté de perception
des Français de la partie consciente du raisonnement vers des réactions ou des aspirations de caractère intuitif ou affectif. Rarement l'argument a pesé d'un moindre poids ; il irritait au lieu de convaincre.
19 mai 1981
Battu par François MITTERRAND à l'élection présidentielle, Valéry GISCARD D'ESTAING fait des adieux solennels aux Français puis se lève et quitte la pièce, avec un certain goût pour le théâtral et la dramaturgie. Après un mémorable "Au revoir", il ne reste alors plus à l'écran que sa chaise vide !