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Denis Roche (Traducteur)4.12/5   13 notes
Résumé :
En quoi consiste le bonheur ? Est-il à notre portée ? Dans Oncle Vania (1897), les personnages s'interrogent. Aux élans d'espoir et de joie succèdent l'abattement et la détresse. Le dégoût d'être laid, vieux, malade. L'ennui d'habiter en province, où jamais rien ne se passe ; de travailler comme un forcené, sans reconnaissance aucune. La douleur d'aimer sans retour. La fadeur de ne pas aimer. Ailleurs, à une autre époque, dans d'autres circonstances, peut-être, ils ... >Voir plus
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Que lire après Oncle Vania - La CerisaieVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Si vous ne connaissez pas du tout l'oeuvre d'Anton Tchekhov, alors, peut-être est-il bon de commencer par là.
En effet, voici deux pièces maîtresses de sa production dramaturgique et, très sincèrement, ça vaut un petit détour.

Tout d'abord, ma favorite, Oncle Vania. C'est un petit bijou que signe l'auteur avec ce tonton Vania (diminutif d'Ivan, rien à voir avec un quelconque représentant en serviettes hygiéniques).
Il a l'art de créer des ambiances, dans ses pièces, où tout semble voué au capotage. Des gens contraints de vivre ensemble et qui ne peuvent pas se souffrir, certains qui en aiment d'autres sans qu'il y ait de réciprocité, des ambitions inassouvies, des attentes, des frustrations, bref, un cocktail détonnant pour planter le décor d'une bonne empoignade familiale !
Jugez plutôt : Vania déteste Sérébriakov, l'ex-mari de sa soeur défunte, mais il aime Eléna, la nouvelle épouse de celui-ci. Sonia, la fille de Sérébriakov aime le docteur Astov, qui lui aussi aime Eléna, qui elle n'aime personne, tout comme son mari Sérébriakov d'ailleurs.
Une véritable orfèvrerie de situation pourrie où les protagonistes ont ruminé de longue date leurs frustrations respectives. Ajoutez là-dessus le sel d'un tempérament bien trempé, ironique, caustique, sarcastique tel que celui de l'Oncle vania, le tout doublé d'une sérieuse tendance à démarrer au quart de tour et vous aurez une petite idée de l'ambiance de plomb qui règne dans cette maison de campagne.
Hormis ce cadre relationnel, Tchékhov peaufine aussi le background historique des personnages et l'environnement géographique rural, théâtre de cette pièce : Sérébriakov est un professeur à la retraite, surtout expert en glose, qui jouit d'une certaine célébrité et qui a toujours vécu en ville, loin des préoccupations matérielles.
Mais étant retiré, et faute de moyens suffisants, il est venu s'installer avec sa jeune et jolie nouvelle femme Eléna dans la maison appartenant à sa première épouse décédée, une grosse ferme à la campagne. le domaine fonctionne depuis des lustres grâce à l'abnégation et l'énergie de Vania et de sa nièce Sophia, fille du professeur de son premier mariage.
On apprend que depuis des années, le professeur tire ses revenus du travail de Sophia et Vania, lequel a ouvert récemment les yeux sur le talent douteux de Sérébriakov ainsi que sur Eléna, dont il est tombé follement amoureux.
À travers les yeux de Sophia et Vania, l'un et l'autre non désirés et pourtant méritants, Tchékhov nous peint un tableau touchant, tragique, bouché et sans issue, d'une existence ratée où il ne reste guère que le suicide ou l'abnégation. C'est donc un regard assez déprimant mais non dénué de vérité sur la condition humaine et son non-sens.
En outre, au-delà des frustrations et vitupérations de Vania, il me faut signaler l'autre personnage hyper intéressant de cette pièce, en la personne du docteur Astov. Si l'on se souvient que l'auteur était lui-même médecin, on comprend qu'il y a mis une certaine dose de sa propre personne.
J'en retiens surtout un étonnant discours écologiste et une vision du développement durable très en avance sur son époque. Ceci n'est probablement pas étranger au fait qu'Anton Tchékhov fit son fameux voyage à l'île de Sakhaline dans la même période où il remaniait sa pièce "le sauvage" qui allait aboutir à cette pièce, constatant au passage l'étendue de l'impact négatif de l'Homme sur la nature.
À plusieurs égards, cet Oncle vania nous donne un avant goût du "style" Tchékhov qui s'épanouira par la suite, par exemple dans "La Mouette", mais avec une légère préférence quant à moi pour cette version primitive de son style, un peu moins intellectuel ou oscarwildesque, un peu plus franchouillard dans l'acception la plus comique du terme, c'est-à-dire quelque chose qui ressemble au cinéma de Michel Audiard des années 1960-70.

Passons maintenant à La Cerisaie, oeuvre beaucoup plus tardive, plus nostalgique et plus symbolique. Les cerisiers en fleur (n'oublions pas la vogue japonaise qui avait frappé l'occident durant le XIXème siècle) symbolisent le raffinement, l'esthétique, l'éphémère, l'art, le faste, le tape-à-l'oeil, la frivolité, en un mot l'aristocratie.
Ceci s'oppose bien évidemment au matérialisme, au pragmatisme, à la terre, au sol, en tant que quantité de mètres carrés sur lesquels poussent ces arbres.
C'est donc tout un symbole que la cession de la Cerisaie (demeure et domaine de la noblesse russe) par l'aristocratie à la bourgeoisie et c'est ce symbole que choisit Anton Tchékhov pour nous montrer la fin d'une époque, la prise de pouvoir par les financiers au tournant du XXème siècle, notamment suit à l'abolition du servage en Russie en 1861.
Cette pièce est donc tout-à-fait dans la droite lignée des Démons (Les Possédés) de Dostoïevski. Tchékhov sent aussi parfaitement monter les ferments de ce qui sera la révolution de 1917.
Pour nous montrer cette décadence, cette perte de contrôle de l'aristocratie, ce manque de lucidité, au début de la pièce, chaque personnage est dans sa propre bulle, chacun répond à côté de la plaque, sauf l'homme d'affaire, descendant de paysan, Lopakhine, qui, lui, a bien perçu que le vent a tourné et qu'il apporte des odeurs de roussi.
Tous les autres sont dans les mirages d'un monde et d'une époque qui a disparu, révolue, qui s'est évanouie pour laisser place à une autre, mais que leurs yeux sont incapables de déceler, sauf peut-être l'étudiant utopique Trofimov, ancien précepteur d'un enfant qui est mort (encore un symbole !) et qui attend béatement l'heure du changement en s'imaginant que tout sera bonheur, liberté et égalité si une révolution survient.
En ce sens, c'est-à-dire, la poursuite des chimères, la non perception de la réalité, cette pièce se rapproche de la Mouette. C'est probablement la pièce la plus célèbre de Tchékhov, mais, définitivement, ce n'est pas ma préférée, car Oncle vania m'a beaucoup plus séduite.
Évidemment, le ton Tchékhov, la facture Tchékhov, les ingrédients Tchékhov sont tous là, et comme ses trois soeurs (excusez-moi le calembour, il s'agit évidemment de la Mouette, Oncle vania et Les Trois Soeurs) c'est une tragi-comédie grinçante et très typique de l'auteur.
On peut juste préciser que certaines mentions, notamment aux vacanciers, à la révolution latente, aux changements économiques annoncent ou font écho à l'oeuvre de Gorki.
Voilà, si je dois conclure, je dirais que cette pièce, très caractéristique du style Tchékhov est un trait d'union entre Dostoïevski et Gorki, le témoin d'un pan de l'histoire russe qui s'effondre et d'un autre, à créer.
Ce n'est pourtant pas celle que je porte le plus dans mon coeur, excusez-m'en, et je place largement devant dans mon coeur Oncle Vania.
En outre rassurez-vous, ce n'est là que mon avis, c'est-à-dire, une floraison aussi futile et éphémère que celle d'une branche de cerisier, autant dire, pas grand-chose.
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Tchekhov est extrêmement moderne dans son écriture et les personnages de ces deux pièces sont savamment ciselés. Dans l'Oncle Vania l'introspection est de mise alors que dans la cerisaie l'auteur entreprend en autre un croquis de la société russe à la fin du XIX ayant déjà vent, et se faisant presque prophète, des changements qui interviendront à révolutionner l'ordre de la Russie. Il s'agit toujours de personnages enfermés dans leurs bulles, dans leurs mondes, destinés à vivre ensemble situation particulières où immanquablement l'on se retrouve seuls. Une belle fresque de l'être humain dans lequel on retrouve des vagues échos de Dostoievski et de son analyse de la psychologie des personnages.


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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Trofimov : Votre grand-père, votre arrière-grand-père, et tous vos ancêtres avaient des serfs, ils disposaient des âmes vivantes. N'entendez-vous donc pas derrière chaque cerisier, derrière chaque feuille, derrière chaque tronc des êtres vivants qui vous regardent, n'entendez-vous donc vraiment pas leur voix...Disposer d'âmes vivantes, cela vous a tous dénaturés, vous tous qui viviez ici autrefois et qui vivez ici maintenant, de sorte que votre mère, vous même, votre oncle, vous ne vous rendez pas compte que vous vivez à crédit, de l'argent des autres, aux dépens de ceux à qui vous ne permettez pas de franchir plus que le seuil de votre vestibule...
- La Cerisaie -
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Autrefois, je considérais que chaque original était un malade, et un anormal. Mais à présent, je considère que l'état normal d'un homme est d'être un original.
- Oncle Vania -

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La paresse et l'oisiveté, c'est contagieux!
- (Oncle Vania) -
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Videos de Anton Tchekhov (48) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Anton Tchekhov
Benoît Jacquot avait réuni Isabelle Huppert et Fabrice Luchini pour un long métrage de fiction, Pas de scandale, en 1998. le cinéaste les a retrouvés au Festival d'Avignon, en juillet 2021, mais séparément cette fois, pour les besoins de son nouveau film, Par coeurs. Un documentaire passionnant sur le travail d'une comédienne et d'un comédien tous deux hors normes, suivis la veille et le jour de la première représentation de leur spectacle respectif : La Cerisaie, de Tchekhov, monté par Tiago Rodrigues dans la vaste cour d'honneur du palais des Papes, pour elle ; un seul-en-scène autour de Nietzsche dans le cadre plus intimiste de l'Hôtel Calvet, pour lui . Avec un scoop : Isabelle Huppert, la perfection faite actrice, est capable de « bugs » comme tout le monde - à savoir, buter inexorablement sur une longue réplique de sa pièce il est vrai assez complexe à mémoriser !
Par coeurs sortira en salles le 28 décembre 2022. En attendant, découvrez sa bande-annonce en exclusivité sur Telerama.fr. le film sera par ailleurs présenté en avant-première à Paris au cinéma L'Arlequin lors d'une séance spéciale le lundi 12 décembre à 20h15. La projection sera suivie d'une rencontre avec Isabelle Huppert, Fabrice Luchini et Benoît Jacquot animée par Fabienne Pascaud, directrice de la rédaction de Télérama - les places sont en vente ici : http://dulaccinemas.com/cinema/2625/l-arlequin/article/138713/avant-premiere-par-coeurs-en-presence-de-benoit-jacquot-isabelle-huppert-et-fabrice-luchini
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Le clafoutis de Tchekhov

Je m'appelle .............?..........." je suis un jeune homme de dix-sept ans, laid, maladif et timide", je passe mes étés dans la "maison de campagne des Choumikhine", et je m'y ennuie.

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