Ces portraits de
six femmes vraiment hors normes, surtout si l'on considère l'époque où elles ont vécu, m'ont plu et me font désirer en savoir plus sur elles.
« Ces femmes qui se sont illustrées dans l'élégance et la mode, l'art, le théâtre et les lettres étaient toutes de grandes dames qui donnaient le ton… » nous dit
William GoyenWilliam Goyen rencontre « par hasard »
Frieda Lawrence (1879-1956), baronne bavaroise née von Richthofen, veuve du célèbre écrivain
D.H. Lawrence en 1946.
En effet, officier de batterie antiaérienne sur le porte-avions Casablanca durant la guerre
William Goyen est devenu ami avec Walter Bernes lui-aussi officier sur ce navire. Une fois démobilisé, tous les deux décident de se rendre à San Francisco mais séduits par la beauté du paysage, ils s'arrêtent dans la vallée de Taos au Nouveau-Mexique et décident d'y demeurer. « Un jour, à midi, au sommet d'une route que j'avais passé la matinée à gravir dans une Chevrolet 1932, la terre m'apparut d'un coup sous la forme d'une vallée bleu pastel et sépia au bas de montagnes blanches et vert-bleu : Taos. »
Auprès de Frieda et Lawrence, Mabel Dodge Luhan (1879-1962), qui les a accueilli à Taos, leur offrant « Kiowa Ranch » en échange du manuscrit de Lawrence «
Amants et Fils »
Fille riche de Buffalo qui avait tenu salon à New-York où se retrouvaient des artistes puis à Florence et enfin dans les années vingt à Taos où elle épousa un indien du pueblo Tony Luhan
« Dénuée de tout sens de l'humour, celle-ci nourrissait des prétentions dans tous les domaines et, comme on dit au Texas, elle s'y croyait vraiment : prophétesse, clairvoyante, bénéficiaire d'un don surnaturel et magique qui attirait à elle les êtres doués et célèbres (parmi lesquels DF.H.Lawrence,
Isadora Duncan,
Gertrude Stein). » p 61
« … pendant bien des années, Mabel fut pour moi une drôle d'amie, compagne de rares conversations et interlocutrice de nombreux silences, chacun de nous gardant ses distances dans une amicale réserve d'attirance cachée et de curiosité contenue ; car j'appartenais à Frida. p 66
Dorothy Brett (1883-1977) fille du vicomte Esher et soeur de la rani de Sarawak (état de Malaisie), riche héritière qui choisit de se consacrer à la peinture, elle-aussi amie de Lawrence, la seule de ses amis anglais à l'avoir suivi à Taos.
Millicent Rogers (1900-1953), grande amie de
Frieda Lawrence et Dorothy Brett,
« Comme Brett, écoeurée du monde de l'argent, de la société et des villes Millicent vint retrouver sa sensibilité ainsi que ses sentiments dans la vallée de Taos, (…) l'ancien modèle de Vogue et l'héritière de la Standard Oil collectionnait de fabuleuses parures de turquoise, de corail et d'argent; elle portait des jupes navahos et apaches associées à des créations de Schiaparelli et Mainbocher » p 71 72
Katherine Anne Porter qu'il surnomme Lady A a été sa compagne.
William Goyen rencontra celle qu'il nomme Lady A (
Katherine Anne Porter) en août 1947 à Los Angeles , il avait 32 ans et elle en avait 57
« Empêtrée de temps à autre dans l'épais sous-bois de son rire, elle finissait toujours par se dégager et se frayer un chemin à coups d'expressions bien tranchées qui lui permettaient de retrouver la lumière et l'ombre plus aérée des hautes futaies de son discours. » p 79
Enfin Margo Jones (1911-1955), originaire de Livingston au Texas, surnommée « la tornade du Texas » par
Tennessee Williams que
William Goyen a rencontré alors qu'il était encore lycéen à Houston.
« Margo Jones, créature fantastique qui gît sous les feuilles de chêne vert de Livingston depuis 1955, tu me fais signe de te rejoindre au plus vite ; mais je refuse de te suivre. » p 102
Toutes ont été profondément importantes pour Wiiliam
Goyen dans son parcours d'écrivain. Il en dresse des portraits sans complaisance parfois sarcastiques mais plein d'affection, où l'on retrouve les qualités d'écriture de l'auteur de
la maison d'haleine. Chacun de ces textes est aussi une façon de les rejoindre, de leur parler par delà la mort.
Ce livre me donnent envie d'approfondir la connaissance de cette communauté de Taos au Nouveau Mexique qui a rassemblé de nombreux artistes dans les années 20 et après. Dans leur façon de vivre et d'envisager le monde, ils peuvent faire penser au mouvement hippie.