Il m’a fallu presque toute une vie pour arracher Zacharie et Napthali à l’anonymat des six millions, pour en refaire des individus, toute une vie d’humour scabreux pour pouvoir pleurer enfin mon père et son père. [...]
Nous n’avions rien voulu voir à Terezi, mais là nous étions mûrs pour que l’histoire, notre histoire désormais, nous prenne à la gorge et ne nous lâche plus. [...]
Que dire ? On nous montra tout. Le quartier résidentiel au bord du lac, si romantique, là où les femmes et les enfants des SS séjournaient en famille dans de coquettes maisons. […] On nous précisa qu’elle [la piscine] fut creusée par des déportées et que les corps de celles qui succombèrent durant les travaux furent coulés dans le béton. [...]
Nous, nous suivions le guide, vidés. Pleurnichard ne pleurait pas, personne ne pleurait. Il aurait fallu pour être à la hauteur s’arracher la tête et la laisser là. [...]
Je ne savais pas, pas encore, combien on peut se sentir coupable, de la mort de sa mère, de son abandon, combien peut nous faire hurler ce qu’on appelle pudiquement un sentiment de culpabilité, et combien cette culpabilité peut être partagée. [...]
Comment voulez-vous que ça s’arrange entre les Juifs et les Arabes sans passer par une très longue et très coûteuse psychothérapie ? Encore faudrait-il qu’ils s’entendent sur l’identité de celui qui doit s’aliter et parler sur le divan. [...]
Nous voici donc face non pas à deux peuples pour une seule terre, comme le croit le vulgaire, mais à une même œuvre déposée trois fois par le même auteur avec trois copyright différents. [...]
Ensuite il [Pleurnichard] ne cessa plus jamais de lire, tout ce qui lui tomba sous la maison. Ce sont les livres qui lui ont donné le peu d’humanité qu’il possède. S’il écrit aujourd’hui, c’est pour tenter de rendre tant bien que mal tout ce qu’il a reçu des livres. [...]
Faut-il pleurer, s’arracher la tête et la piétiner, ou rire à en crever ? Désormais, pour être sûr d’être tout à fait humain, je m’efforce et m’efforcerai de faire les trois ensemble. [...]
Réflexion faite, j'aurais pu lui dire que la mort d'un père en déportation aide moyennement l'auteur, même juif, qui se veut comique. Mais ne soyons pas mesquin, n'insultons pas le destin, sachons reconnaître quand on a de la chance, et quand on n'en a pas.
Dans ce pays, (...) on traque, on arrête, on juge les profanateurs de cimetières. Mais on peut ridiculiser impunément, sous les ricanements et les bravis-bravos, le pyjama et l'étoile jaune, linceul symbolique de millions d'êtres humains, dont le père de pleurnichard.(...) Et la liberté d'expression de la'artiste enfin? Il s'agissait d'un happening, d'art moderne, la déconne quoi!Seriez vous pour la censure?
C'est avec un plaisir non dissimulé que je vous invite à rencontrer Jean-Claude Grumberg ce samedi 1er juillet dès 14h30.
Il assistera la veille à la dernière représentation de sa pièce La plus précieuse des marchandises, réalisée avec brio et justesse par le Théâtre le Public, et y rencontrera son public.
Jean-Claude Grumberg est le lauréat du Prix d'honneur Filigranes 2019 pour ce conte aujourd'hui joué dans le monde entier et prescrit dans les écoles. Il sévit avec succès dans le monde du théâtre depuis plus de 50 ans.
Scénariste et écrivain. J'ai eu la chance et le plaisir de le rencontrer en 2013 pour faire la promotion de son ouvrage hilarant et truculent Pour en finir avec la question juive. Depuis, nous ne nous sommes plus quittés.
De Pitchik à Pitchouk est une petite merveille, un bijou.
Voilà ce que j'écrivais en avril pour annoncer la sortie de ce conte pour vieux enfants :
« Tu es une source intarissable, tellement indispensable dans ce travail de mémoire que tu poursuis inlassablement , tellement et encore plus d'actualité aujourd'hui.
Tes écrits enjolivent notre quotidien et sont source de réflexion et de sagesse
Je sais combien te manquent Jacqueline et Maurice et tu l'écris avec beaucoup d'amour et de pudeur.
Tu es devenu un incontournable dans nos bibliothèques et je vous invite, TOUS, malgré la profusion de romans formidables parus ou à paraître, à lire et partager ce petit trésor disponible en librairie ce vendredi 7 avril. »
À samedi,
Marc Filipson
+ Lire la suite