Quand une amie m'a offert ce livre,
Guernica Oléron de
Thierry Guilabert, plusieurs choses m'ont interpelée…
Naturellement, à la lecture de la quatrième de couverture, je savais que j'étais un peu dans ma zone de confort : un pan d'Histoire, le bombardement de la ville basque de Guernica en avril 1937 par les aviateurs de la légion Condor, envoyés par Hitler afin de soutenir le général Franco, vu et ressenti par le prisme de la vision individuelle d'un enfant dans son exil sur l'ile d'Oléron.
Et puis, il y avait l'illusion d'optique de la couverture, avec des empreintes de pas que je voyais tantôt imprimées sur le sable et tantôt en relief, selon l'angle d'approche…
En fait, ce roman est bien plus que l'histoire des bombes qui tombent sur Guernica et de la mise à l'abri des enfants de Biscaye le temps que les évènements se calment et que la sécurité revienne.
Certes,
Thierry Guilabert nous donne à lire, à travers les yeux de son jeune personnage, l'horreur des bombes qui pleuvent sur la ville et son départ, accompagné de son frère jumeau, en train, puis en bateau jusqu'à cette ile lointaine et fantasmée, où ils seront à l'abri de la guerre, mais loin de leur famille et de leurs univers de fils de paysans.
Mais
Guernica Oléron est surtout une histoire de famille et de traditions, perturbée par la guerre. Il y a l'autorité paternelle et le silence des femmes, le droit d'ainesse encore plus difficile à vivre au quotidien pour le cadet de deux jumeaux et il y a surtout cette quête de soi-même quand ce qui est écrit dans les gênes et les us et coutumes est vécu comme une injustice.
L'exil d'Adéi devient récit d'apprentissage, quand loin des siens et au gré des rencontres, de nouveaux liens se créent tandis que les anciens se défont. La famille ancestrale apparaît bien fermée sur elle-même tandis qu'une autre se construit dans le partage et la confiance. L'avenir tout tracé du petit basque, né cinq minutes après son frère, la prospérité de la maison et de la lignée, dans le respect de la tradition basque, tout cela paraît bien dérisoire sous les bombes et la dictature de Franco ; la guerre bouscule les idées reçues et Adéi s'adapte et saisit l'opportunité de s'en affranchir.
L'écriture est belle tout en restant factuelle ;
Thierry Guilabert a su se mettre à hauteur d'enfant, tant pour les ressentis que pour les préoccupations. L'ile d'exil devient le pendant inversé de la maison paternelle ; « celui qui montre du respect » sort de sa chrysalide tandis que « le père de tous les basques » fait bien pâle figure. L'écriture, à la première personne, exprime les angoisses enfantines, la peur de la mort, le vide de la séparation et les immenses possibles de la résilience.
Les épreuves révèlent les individualités dans une montée en puissance presque à rebours. Ainsi, la scène des bombes lâchées par les avions est, en effet, très intense, à la mesure du retentissement de l'événement, tout en restant à hauteur d'enfant ; le jour du bombardement, Guernica est particulièrement peuplé : de nombreux réfugiés des environs sont venus dans l'espoir de pouvoir fuir en train, et c'est le jour du marché où Adéi a accompagné sa mère. C'est un traumatisme qu'il a vécu sans son frère et qui, sans doute, va commencer à provoquer leur séparation… À partir de là, la donne est changée et Adéi grandit et prend de l'assurance. Les épreuves continuent mais sont diluées dans l'efficacité de la prise en charge des enfants réfugiés.
La trame du roman s'articule à partir des maisons, celle que l'on quitte, celles où l'on transite et enfin celle que l'on choisit. À la fin de ma lecture, je comprenais mieux l'effet d'optique des empreintes de la couverture, passage ou ancrage…
Un roman profond et libératoire, librement inspiré de l'histoire des milliers d'enfants de républicains espagnols évacués.
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