Trois critiques de lecteurs. C'est bien peu pour mesure le mérite de ces deux auteurs, bien oubliés, qui ont renouvelé le témoignage des écrivains marchands vers Compostelle. La première partie du livre nous emmène donc sur ces très risqués chemins qui depuis le moyen âge ont poussé sur les routes des nuées de pèlerins, au péril de leur vie, tant les coupe gorges étaient nombreux naguère. La dimension religieuse est très forte, liée au salut de l'âme, que le pèlerinage de Jérusalem, traité par ailleurs dans d'autres ouvrages par ces deux auteurs érudits et attachants. La dernière partie du livre parle de la propre pérégrination des deux auteurs, en 77. Les chemins sont quasiment alors désertés, contrairement à maintenant, et il n'y a plus l'infrastructure d'accueil qui existait auparavant. Il est dit que ce livre fit beaucoup à l'époque pour ce retour d'intérêt, et je veux bien le croire. le récit de voyage est vivant, montrant bien la difficulté de la démarche, la douleur du corps, les ampoules aux pieds, et surtout cette méfiance que suscite ces vagabonds dont la population se méfie, voir escroque, quand elle n'appelle pas les gendarmes. Les deux hommes font là une expérience inédite, celle du déclassement et de l'anonymat. Eux qui étaient tout de même des personnalités eu monde littéraire doivent plonger dans leurs ressources pour aller au bout. Ils en sortent éminemment grandis. J'ai eu envie d'en savoir plus sur ces deux hommes, qui ont tant écrit dans les années 70 et 80 pour mourir bien trop jeunes, la même année. Néanmoins ils laissent une oeuvre derrière eux, que je lis, actuellement avec beaucoup d'intérêt
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Aux premiers temps du pèlerinage, la démarche était différente de celle d'aujourd'hui. Au cours des 14e et 15e siècle le pèlerinage par procuration avait la cote. Si on n'était pas capable ou si on n'avait pas le temps, on payait un pèlerin pour le faire à notre place. Les pèlerins qui prenaient la route avaient aussi l'habitude d'écrire leur testament pour que leur corps soit enterré sur place ou rapatrié. Entre hier et aujourd'hui l'équipement, les chemins, la signalisation, les hébergements, tout ce qui fait le chemin à bien changé. Mais qu'il quitte le confort du XVIIe ou du XXIe siècle le marcheur reste confronté aux journées de marche, à la fatigue, aux intempéries et aux aléas des hébergements. Je ne suis pas sûre que le pèlerinage soit plus facile à notre époque qu'au Moyen-Age, car actuellement nous n'avons plus l'habitude de "vivre dehors" en pleine nature, pour cela nos ancêtres étaient mieux préparés. Ce livre nous fait côtoyer des pèlerins de diverses époques et nous confronte à leur parcours, il était semé d'embûches, mais avec sa foi inébranlable le marcheur remettait son âme à Dieu et remerciait la providence s'il arrivait à retourner chez lui. Aujourd'hui nous faisons certainement moins confiance au ciel pour nous guider.
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Un superbe ouvrage de recherche, très documenté, qui parvient à faire vivre au jour le jour la vie de ces milliers de pèlerins qui prirent le chemin de Compostelle. Depuis des années, un appel à prendre cette route... Peut-être qu'un jour je me lancerai !
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En chemin, le marcheur est à la merci de l'indigène pour une quantité de renseignements pratiques parfois vitaux : l'eau, par exemple. Aussi pluie, poussière, sueurs, boue, étables puantes, auberges malpropres : ses vêtements sont lourds de crasse et de vermine. (...) A Roncevaux, les malades peuvent se laver à l'eau courante et ceux qui le désirent prendre un bain ; un barbier taille barbes et cheveux où pullulent les parasites. A l'hôpital d'Aubrac, on secoue les manteaux des pèlerins au feu de la grande cheminée pour en faire tomber la vermine.
La crasse, comme la fatigue et la solitude, est une des composantes de l'humilité nécessaire au pèlerin. La vulnérabilité aussi, et la peur. Etre nu au regard de Dieu, affolé et résigné à la fois devant tous les dangers en embuscade. (...)
Pour ces errants, le péril est partout ; aux gués et aux bacs ; au coin des bois, où attendent les détrousseurs ; dans la troupe même des pèlerins à laquelle se mêlent tous les pieds poudreux, musiciens, marchands, chanteurs, frères prêcheurs et mendiants, ou, comme énumère un règlement de 1635, des "ouvriers et garçons barbiers, tailleurs, femmes de débauche, arracheurs de dents, vendeurs de thériaque (électuaire opiacé employé contre la morsure des serpents), joueurs de tourniquet, montreurs de marionnettes..." Parmi eux se dissimulent les coquillards, les faux moines, les faux prêtres et même les hérétiques.
On appelle coquillards ceux qui se déguisent en pèlerins, arborant la coquille de Saint-Jacques, pour mendier ou capter la confiance de leurs victimes. Certains suivent les jacquets pendant plusieurs étapes s'il le faut avant de passer à l'action. Au XIVe siècle, en Bourgogne, une forte bande organisée est connue comme la bande des Coquillards, ou Compagnons de la Coquille, formant un monde à part "avec sa solidarité particulière, ses lois, ses chefs et son langage (...). Ils sont au moins cinq cents et mènent la belle vie dans les tripots et les maisons mal famées de Dijon. Une véritable hiérarchie se dessine : les néophytes sont des "apprentis", ensuite ils passent "maîtres" et deviennent "longs" tandis que l'un d'entre eux est le "roi de la coquille". Chacun a sa spécialité : le "vendangeur" coupe les bourses, le "beffleur" triche aux jeux de hasard, le "blanc coulon" détrousse les marchands dans les hôtelleries, l'"envoyeur" est un tueur. Dans leur langue, la potence est "la veuve" qui étrangle les époux successifs que lui amène le "marieur", c'est-à dire le bourreau. Ils exercèrent six ans leur activité avant d'être dénoncés par des filles et jugés à Dijon le 30 octobre 1455 ; certains furent condamnés à la marmite d'eau ou d'huile bouillante. ; d'autres, du haut des gibets, "bénirent le monde avec les pieds" : c'en était fait des Compagnons de la coquille, mais leur organisation et leur esprit se retrouveront bientôt dans la Cour des Miracles. C'est aussi pour se distinguer des coquillards et de tous les faux pèlerins que les jacquets se munissaient d'attestations et faisaient viser leurs passeports.
Ce qui ne les mettait pas à l'abri des voleurs de grand ou de petit chemin. Les archives de la Gironde, par exemple, abondent, au XVIIe siècle, en témoignages de pèlerins détroussés sollicitant l'aumône à Bordeaux.
(...) L'Aubrac est, avec les Pyrénées, les landes et les hauts plateaux d'Espagne, une des régions redoutées des pèlerins. Dans "ces lieux d'horreur et de désolation", combien de pèlerins ont dû s'égarer ou mourir de froid et de faim ! S'il faut en croire la charte de fondation de l'hospice de Roncevaux, "plusieurs milliers de pèlerins étaient morts , les uns perdus dans les tourmentes de neige, d'autres, plus nombreux encore, dévorés par la férocité des loups."
Un jeune homme, raconte Manier, allant à Saint-Jacques avec son père et sa mère, arrivant à cette ville (Santo Domingo), furent logés dans une auberge dont la servante est devenue amoureuse du garçon. Lui ayant proposé la lure, ce qu'il ne voulut accepter, et pour se venger de cela, le soir lui mit une tasse d'argent dans sa besace sans rien dire. Et le lendemain part sans savoir. La servante dit qu'il y avait une tasse de perdue. On fait courir après ces gens et l'on trouve la tasse sur le garçon qui n'en savait rein. La justice s'en est emparée, si bien qu'il fut condamné d'être pendu et l'exécution s'en est faite. Le père et la mère poursuivirent leur voyage où, au bout de quinze jours, furent de retour dans cette ville ; ont trouvé leur enfant qui n'était pas mort par permission divine."
"Allèrent au gibet pour voir leur enfant, dit à son tour Nompart de Caumont, pour prier Dieu pour son âme, et quand ils furent bien près se mirent à pleurer, et l'enfant leur dit de ne pas s'affliger car il était vivant, tout sain, car depuis qu'ils partirent, un prudhomme l'avait soutenu par les pieds, et qu'il n'avait eu nul mal. Incontinent ils s'en allèrent au juge, lui demandant de faire descendre du gibet leur enfant qui était vivant, et le juge ne le voulait pas croire pour ce que c'était impossible. Le juge avait fait apprêter son dîner où il y avait au feu un coq et une poule qui étaient rôtis, il dit qu'il croirait que l'enfant était vivant quand sa poulaille, presque cuite dans l'âtre, se mettrait à chanter...
Ce que Dieu a permis, enchaîne Manier. Le coq s'ôta de la broche, sauta sur la table et chanta trois fois au grand étonnement du juge, ce qui fit connaître la vérité du fait.
Le juge fut moult mervillé, reprend Nompart de Caumont, et assembla gens pour aller au gibet et mirent le pendu à bas sain et vif. La chambrière fut prise et confessa la vérité (...) et fut pendue. Il y a encore dans l'église un coq et une poule de la nature de ceux qui chantèrent dans l'âtre, et je les ai vus, ils sont tout blancs."
La légende du pendu dépendu est une des fables les plus célèbres du Moyen Age, antérieure au pèlerinage de Saint-Jacques, revendiquée aussi bien par Aix-la-Chapelle que par Toulouse. (...) Mais la constante est qu'elle se passe dans une auberge : autant on peut faire confiance à la justice divine, autant il faut se méfier des aubergistes - ces gens pour qui les pèlerins du Bon Dieu ne sont que des clients comme les autres.
Au débouché des gorges de l'Hérault, il fallait passer un gué dangereux pour gagner Saint-Guilhem-le-Désert. Personne n'était capable de jeter un pont par-dessus ces flots impétueux - personne, que le diable. C'est donc avec lui qu'entreprend de négocier Guillaume de Gellone, futur saint Guilhem, baron compagnon de Charlemagne, fondant là une abbaye. Tractations difficiles. L'accord enfin se fait : Guillaume promet d'abandonner à Satan l'âme du premier qui franchira le pont. Le diable alors construit un superbe ouvrage de pierre, et guette sa victime. Mais Guillaume lance un chien : c'est lui qui le premier passe le pont infernal. Quand il voit qu'il a été joué, Satan essaie de toutes les façons possibles, mais en vain, de détruire son oeuvre. Aujourd'hui encore ce pont s'appelle le Pont du Diable.
Vous quittez le parvis de l'église, longez le muret du cimetière...
En tête, déjà, quelqu'un lance le cri de ralliement et d'encouragement des marcheurs de Dieu : "E ultreai ! Et sus eia ! Deux aïa nos ! (Et outre ! Et sus ! Dieu nous aide !)
L'état des routes sous l'Ancien Régime :
Certains riverains en profitent, - surtout dans les endroits où les terres sont bonnes -, pour rogner un peu à chaque passage de l'araire, gagnant quelques pieds carrés de terre au détriment des chemins. Ailleurs, les laboureurs y jettent les cailloux et les racines de leurs champs : ils "débarrassent" leur héritage. Bref, les voies ordinaires sont rarement aisées, d'autant que les marcheurs doivent laisser la place aux charrois et que les chevaucheurs à bannière les poussent sans considération dans les labours et les épines des haies.
A la recherche du temps perdu
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Jacques LACARRIERE, auteur de "
Promenades dans la Grèce antique", dit s'être inspiré, pour écrire cet ouvrage, des
récits de Pausanias, géographe et historien
grec du deuxième siècle. -
Jean Noël GURGAND et
Pierre BARRET, auteurs de "Priez pour nous a Compostelle" racontent leur
voyage à pied de Paris à Compostelle sur la trace des pèlerins du
moyen âge. -
Claude VILLERS, auteur...