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EAN : 9782363390226
160 pages
Finitude (14/03/2013)
4.67/5   3 notes
Résumé :
Jossot n’aime pas les tièdes, pas plus qu’il ne supporte la bêtise, l’ignorance ou les préjugés qu’il fustige dans ses caricatures. Lorsqu’en 1911, en pleine gloire, il abandonne ses pinceaux et quitte la France pour s’installer en Tunisie, il est à la recherche d’un monde nouveau.
Mais de l’autre côté de la Méditerranée, il se montre tout aussi horrifié par l’attitude des Européens, les «sauvages blancs», que par celle des musulmans avides de singer la cultu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
La question de l'honneur de l'Occident est liée à celle du colonialisme ou de l'impérialisme, et Gustave Jossot ne l'ignorait pas en rédigeant cette collection d'anathèmes vibrants.

Quelle que soit l'étiquette: chrétienne au XVIIe et au XVIIIe siècles, républicaine aux XIXe et XXe siècles, démocratique et anti-islamiste aujourd'hui, le colonialisme se renforce toujours de la démonstration d'une éthique supérieure.

On a donc affaire ici à un pamphlet anarchiste, et non à un de ces ouvrages sous le coup de la dépression ou de la mélancolie, déplorant la décadence de l'Occident, dont la littérature française en regorge dans toutes les domaines censés servir de pilier à la civilisation.

Ce pamphlet méritait d'être réédité, puisqu'on vient d'assister en Egypte à un coup d'Etat téléguidé par des «sauvages blancs», sous couvert des meilleures intentions. J'en profite ici pour rappeler que le droit-d'ingérence-afin-d'aider-les-peuples-opprimés-à-disposer-d'eux-mêmes n'est pas une invention de Bernard Kouchner, comme on le pense parfois, mais de saint Thomas d'Aquin au moyen âge. Comme quoi la sainteté ne date pas d'aujourd'hui.

Il est vrai cependant que Jossot partage avec de nombreux poètes ou philosophes inquiets du déclin de l'art, l'admiration de l'Orient, dont il oppose l'immobilisme majestueux et confiant dans lui-même à l'agitation permanente et vaine de l'Occident. Moitié par conviction, moitié pour faire la nique à ses confrères imbus des valeurs républicaines, Jossot ira même jusqu'à se convertir à l'islam. Humoriste d'abord, il ajoute toujours à ses pamphlets une bonne dose d'ironie mordante, comme témoigne le titre de ce chapitre : "Les parents sont des scorpions" - proverbe arabe.

De façon surprenante, c'est Frédéric Nietzsche que Jossot cite en référence, à qui un petit chapitre du bouquin est consacré. Jossot partage avec le poète réactionnaire le dégoût de la moraline républicaine, du clergé laïc ou confessionnel, de la démocratie et du libéralisme, du socialisme, voire la misogynie ; en revanche Jossot ne justifie nulle part l'oppression des faibles par les forts, ni le culte de la puissance, qui est le fondement de la morale instinctive «par-delà bien et mal» selon Nietzsche*.

L'attrait de Jossot pour Nietzsche vient sans doute principalement de la détestation du peuple allemand, qui fut un des leitmotivs de F.N. au point de s'inventer des origines polonaises, ou de se croire plus Français ou Italien qu'Allemand. Il faut replacer la détestation de Jossot dans son contexte industriel. L'Allemagne rime pour lui avec le progrès technique, qu'il prend pour cible et dans lequel il voit la cause des pires maux: dégradation de l'art, culte du profit intensif, abrutissement des masses populaires, exaltation de la concurrence comme cause du progrès, etc. de sorte que l'uniformisation de l'Occident, qu'il vitupère, est un phénomène allemand à ses yeux. Et on ne peut pas dire que l'avenir lui ait donné tort, ne serait-ce que sur le plan de la mainmise industrielle.

*Note : «Pour peu que l'on mesure la compassion à la valeur des réactions qu'elle suscite habituellement, le danger qu'elle fait courir à la vie apparaît sous un jour encore plus cru. La compassion contrarie en tout la grande loi de l'évolution, qui est la loi de la sélection. Elle préserve ce qui est mûr pour périr, elle s'arme pour la défense des déshérités et des comdamnés de la vie, et, par la multitude des ratés de tout genre qu'elle maintient en vie, elle donne à la vie même un aspect sinistre et équivoque. On a osé appelé la compassion une vertu (dans toute la morale aristocratique, elle passe pour une faiblesse).»

F. Nietzsche, in : L'Antéchrist
Lien : http://fanzine.hautetfort.co..
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Jossot (1866-1951), je ne le connaissais pas avant l'exposition de ses dessins, caricatures et peintures, à Paris en 2011.
Je le retrouve avec bonheur en pamphlétaire grâce au formidable travail d'édition animé par Henri Viltard qui en signe la préface.

En mains, l'ouvrage est beau, depuis la couverture garance-noir-blanc (couleurs anar !), jusqu'à l'achevé d'imprimer illustré (le célèbre "Mort aux vaches", comme un ex-libris de Jossot), en passant par les typographies, le papier ivoire, les intertitres, et bien sûr les reproductions de dessins, peu nombreuses mais précieuses.

En 1911, Jossot s'installe en Tunisie ; définitivement puisqu'il meurt en 1951 à Sidi bou Saïd sans être jamais rentré en France. En 1913 il s'est converti à l'Islam. Il ne fait plus de dessins satiriques, mais son écriture est de la même veine caustique que ses caricatures, et ses observations de la société et des mœurs, données sous forme de chroniques dans la presse tunisienne, frappent fort, et tous azimuts... Voici quelques uns des titres des articles rassemblés :
Les Néo-civilisés — Pitié pour elles — La question du voile — Les méfaits de l'instruction — Les déformateurs du cerveau — Les parents sont des scorpions — L’Homme est fait pour vivre seul — ...

Alors, daté ? Évidemment. Heureusement.
Et mauvais esprit ? Evidemment. Heureusement.
Seulement, comme le remarque Henri Viltard dans la préface :

“ [...] l'artiste affiche des positions conservatrices, mais son combat contre les injustices coloniales le rapproche des indépendantistes tunisiens. En se faisant ouvertement l'avocat des sans-voix, le porte-parole des faibles et des vaincus, Jossot reste guidé par une philosophie individualiste et humaniste. C'est la raison pour laquelle, malgré ses positions traditionalistes, il provoque un débat sur la claustration des femmes, pointant, comme il le faisait dans ses caricatures, les pressions sociales, les contradictions et les couardises qui maintiennent un ordre social inique et cruel. ”
In: La Dépêche tunisienne, 8 février 1913
Lien : http://tillybayardrichard.ty..
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
[...Je pourrais encore vous dire que je suis infiniment plus révoltés que vous sans être révolutionnaire ; j'estime que les chambardements sociaux n'ont jamais modifié que les mots sans supprimer les maux. C'est l'individu qui doit opérer la révolution en lui-même ; en portant la torche dans ses ténèbres, il s'apercevra que les écuries d'Augias sont encore encombrés d'ordures mentales, d'opinions fausses, de préjugés, et qu'elles ont besoin d'un rude coup de balai...]
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La phallus monstrueux qu'est la cheminée d'usine, toujours en érection, éjacule de la suie sur les plus beaux paysages.
Non contents d'empoisonner chimiquement les corps par des boissons et des aliments frelatés, vous avez sophistiqué les âmes : en inventant le travail forcé, en vous plongeant dans l'incessante activité, en ne vous accordant plus aucun répit pour admirer les chefs-d'œuvre de l'univers...]
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Notre époque produit rarement des idéalistes : maintenant tous les hommes savent lire et la lecture tue la pensée ; moyennant quelques sous le journal fournit, dès le matin, les idées quotidiennes ; on les ingurgites en même temps que le café au lait.
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Quand, sur toute la terre, tout le monde sera vêtu de la même façon; quand, en tous pays, les humains circuleront en des rues rectilignes, où s’élèveront des habitations construites
sur un modèle unique ; quand toutes les coutumes anciennes seront abolies, quand tout sera nivelé, quand rien ne dépassera plus, ce sera peut-être, enfin, l’âge d’or ?
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[...] vous allez insinuer que mes opinions ne sont pas opiniâtres, qu'elles varient comme les femmes et la plume sous le vent...
Oh, vous savez... les opinions... c'est un peu comme les caleçons, les chemises et les chaussettes : il faut en changer le plus souvent possible... pour être propre.
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