En sortant de l'immeuble où il vient d'emménager, Tom aperçoit
l'ombre d'une jeune fille, une ombre sans corps. Jour après jour, elle l'attend, le suit, l'accompagne. D'abord effrayé, il s'accoutume peu à peu à sa présence mais sans pouvoir comprendre pourquoi elle s'attache ainsi à ses pas. Dans le même temps, il découvre des souvenirs ayant appartenu à une famille juive qui vivait dans le même appartement jusqu'en 1942. Que leur est-il arrivé ?
Ce court roman à la mise en page aérée est d'autant plus facile à lire qu'il alterne le point de vue de Tom et celui de
l'ombre (quelques pages à chaque fois). Il est d'ailleurs souvent amusant de voir comment les mêmes faits n'ont pas du tout la même signification pour l'un et l'autre des deux protagonistes.
J'ai beaucoup aimé cette manière de relier le drame de la Shoah à notre époque. Au fil de l'histoire, le lecteur découvre en effet que
l'ombre est celle d'une jeune fille juive déportée avec sa famille. le récit donne très peu de détails sur les conditions de la déportation, les camps, les chambres à gaz... C'est plutôt évoqué que décrit. Les auteures montrent davantage l'injustice du traitement réservé aux Juifs avant leur arrestation : leur exclusion des lieux publics, les diverses atteintes à leur liberté... Elles font ressentir avec beaucoup de force toute l'horreur de la déportation des enfants juifs. Elles soulignent que ces enfants et adolescents qui furent fauchés avant même que leur vie ait pris son envol étaient semblables aux adolescents d'aujourd'hui, aux lecteurs visés par ce livre. C'est très habile et je pense que cela peut interpeller les jeunes lecteurs.
Tout cela est traité avec une grande délicatesse et une grande pudeur. Je connaissais peu
Yaël Hassan et
Rachel Hausfater mais je sais que ce sont deux grands noms de la littérature jeunesse. À juste titre.
Leur style d'écriture, parfaitement accessible dès le collège, est de très bonne qualité, au point qu'on peut l'apprécier même comme lecteur adulte. La manière toute en subtilité dont elles traitent leur sujet autorise différents niveaux de lecture, ce qui fait que, même adulte, on peut être touchés et interpellés par ce roman. le choix de représenter la jeune fille par une ombre, en particulier, est lourd de sens.
En résumé : un roman jeunesse de grande qualité, accessible dès 13 ans mais qui peut être particulièrement recommandé en appui de l'étude de la Shoah, en collège et lycée professionnel.
Challenge Romans Jeunesse 2021/2022