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EAN : 9782729840501
256 pages
Ellipses (20/10/2008)
3/5   1 notes
Résumé :

Existe-t-il une philosophie juive, comme il existe une philosophie grecque ou une philosophie allemande ? Pas vraiment, mais il existe, à n’en pas douter, différents systèmes qui ont tenté, au cours des âges, de fournir du judaïsme une description philosophique.
De Maimonide (ob. 1204) à Hermann Cohen (ob. 1918), les penseurs qui ont donné un système presque complet du judaïsme ont plus interprété cette religion qu’ils ne l’ont décrite telle qu’elle é... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Pas d'antinomie à faire de la philosophie "juive", comme on parle de philosophie chrétienne ou musulmane, car la révélation est une chose, mais sa compréhension par les humains, qui diffèrent entre eux, en est une autre ; Hayoun ne retient que les auteurs croyants se déclarant du judaïsme, même s'ils s'en éloignent au gré de la mise par écrit de leurs réflexions.

La reprise des textes grecs contre la poussée musulmane, moins affutée car plus jeune, fait naître la philosophie juive médiévale, dont Maimonide est le plus grand représentant. Les questions concernent l'éthique, sa séparation d'avec le religieux, et valorise l'état d'un sujet libre, bien que soumis à Dieu. Puis, profitant de l'imprimerie, Rachi, par ses connaissances encyclopédiques, synthétise les gloses et se fait éducateur du judaïsme pour les siècles suivants.
Au IXème siècles, les karaïtes nient la tradition rabbinique comme autorité de la tradition orale au profit de la tradition écrite biblique. Les juifs s'opposent aux mu'tazilites et aux ash'arites musulmans. Maïmonide dans son « Guide des égarés » critique le mu'tazilisme. Mais comme les musulmans, les penseurs juifs différencient le sens obvie et le sens profond des écritures, entre lesquels le Talmud établit une solidarité. Saadia entend restreindre les possibilités d'acception du sens allégorique (derrière le sens littéral, inévitable). Ce faisant, il autorise une entente entre les pensées juive et arabe. Pendant ce temps, les penseurs arabes s'inspirent de plus en plus d'Aristote et de Platon (néoplatonisme arabe et juif de France et d'Espagne). Gabirol de Malaga est un penseur juif néoplatonicien du XIème siècle qui rédige et parle en arabe. Son oeuvre se réfère à un dieu philosophique, ni singulièrement juif ni musulman.
Juda ha-Lévi, contemporain d'un autre contempteur de la philosophie du côté musulman, el-Ghazali, propose une philosophie très religieuse qui ne sera pas suivie où le don de la Torah, la sortie d'Egypte, les prodiges conséquents, etc sont miraculeux.

Vient le XIIème siècle et l'Espagne de Maimonide (ensuite exilé à Fès au Maroc puis au Caire à l'arrivée des Almohades), qui tente à son tour de réunir révélation et raison. Il le fait en reprenant les syllogismes aux Grecs et la méthode d'interprétation allégorique de la Bible par les Arabes, ainsi qu'à Averroès la séparation nette de l'humanité entre une masse inculte et une élite éclairée. Un mélange qui implique une distanciation des spécificités religieuses des trois monothéismes. Treize articles de foi de Maimonide : « existence d'un créateur, son unité, son incorporéité, son éternité, laprière lui est adressée exclusivement, croyance en la prophétie, Moïse, prophète inégalé, avant comme après, la Torah fut révélée au mont Sinaï, immutabilité de cette Torah, connaissance par Dieu des actes humains, récompenses et châtiment, l'avènement du Messie et enfin la résurrection » (p.81).

Le "Guide", traduit en latin, sera lu par Albert le Grand qui reprend sa version de la création mais rejette celle des anges comme intellects séparés. Thomas d'Aquin s'inspire encore plus de Maimonide : Dieu n'a pas d'attributs, il intellige tous les êtres vivants, les pensers humains et divins sont homonymes. Leibniz, dans sa "Théodicée", se dit relever de Maimonide pour qui le bien dépasse le mal sur la Terre (contre Bayle).

En 1303-1306, les commentaires sur le « Guide des égarés » sont si virulentes en France que Philippe le Bel chasse les Juifs de France, après les avoir spoliés de leurs biens. Il est désormais interdit d'étudier le « Guide » avant l'âge de 25 ans. C'est l'émergence des kabbalistes, qui se disent héritiers du véritable judaïsme depuis l'Antiquité. Ils réagissent eux aussi au « Guide », qui fait du Judaïsme une religieux trop abstraite et désincarnée, intellectualiste. ll s'agit de donner des explications théoriques sans quitter les actes religieux. La question du statut de la Torah (divine ou humaine) mène à la théorie des âges du monde où plusieurs Torah, selon les âges, existent. Maimonide donne lieu à une version mystique du judaïsme à laquelle s'oppose une reprise averroïste, comme chez Moïse de Narbonne.Puis, Rashi, commentateur biblique par excellence, au nord de la France, produit son oeuvre gigantesque.

Spinoza est excommunié de la communauté juive avant ses 25 ans. Il étudie l'hébreu, le Pentateuque, la Bible, les commentaires de Rachi, le Talmud et ses commentaires. Spinoza refuse la congruence entre philosophie et religion de Maimonide : au contraire, l'une et l'autre ne peuvent être elles-mêmes que distantes l'une de l'autre. Pour Spinoza, « Dieu existe, il est unique, omniprésent, il a un pouvoir suprême sur tout ; le culte de Dieu consiste en la pratique de la justice et de la charité. Ne seront sauvés que ceux qui obéissent à cette règle […] la législation biblique a une valeur politique et non religieuse », p.97. Avant Leibniz, il évoque l'harmonie préétablie.

Mendelssohn influence le judaïsme moderne, qui cherche la tradition authentique, l'essence du judaïsme, puisque depuis Spinoza la question de la philosophie juive est : qu'est-ce qu'être juif. La pensée juive se développe maintenant en Allemagne avec, par exemple Geiger, né à Francfort en 1823, et son livre « Urschrift » en 1857 qui suggère de suivre l'évolution du texte biblique pour en retrouver l'authentique valeur. La pratique fonde le texte alors que jusque-là le texte, la Torah, fondait la pratique religieuse. Hirsch, devenu rabbin, s'exile aux Etats-Unis en 1865 et pose les jalons à Philadelphie d'une conférence générale des rabbins américains.

Cohen, mort en 1918, reprend Kant et Maimonide et s'oppose à Spinoza en tentant une symbiose judéo-allemande par l'éthique scientifique.

Martin Buber, mort en 1965, poursuit la traduction de la Bible après la mort de Rosenzweig, place le renouveau dans le langage, influencé par Dilthey, Georg Simmel, Bergson et Nietzsche.

Pour Levinas, né en Lituanie, émigré à Strasbourg à 17 ans, mort en 1999, inspiré par Husserl et Heidegger, la subjectivité en me faisant rencontrer l'autre, mène à l'éthique.

Geshom Scholem reprend l'histoire du judaïsme comme personne au vingtième siècle et le place dans une tension entre culture allemande et judaïté.

Il reste donc une réflexion permanente, multiforme et que personne n'a réussi à synthétiser complètement à ce jour car toute tentative provoque immédiatement une contre-réaction qui entend démentir la tentative de synthèse.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
De rabbi Aqiba (vers 130 de l'ère chrétienne) à Léo Baeck (ob. 1956), de Maimonide à Hermann Cohen, aucune doctrine n'a pu, résumer à elle seule l'ensemble protéiforme que représente le judaïsme [...] Il existe ainsi un mouvement de balancier dont l'histoire intellectuelle du judaïsme a le secret : chaque fois qu'une tendance semble devoir l'emporter, une nouvelle doctrine fait pencher le balancier dans l'autre sens, comme si l'on recherchait sans cesse un équilibre ou une voie médiane... Lorsque Maimonide menaçait de trop intellectualiser le judaïsme de ses pères, une tendance opposée, la kabbale surgissait et ait fonction de contrepoids avec son exubérant symbolisme sexuel... La même chose se produisit à l'époque moderne : à la philosophie des Lumières de Moïse Mendelssohn fit face, comme par enchantement le hassidisme du Baalshemtob au cours du XVIIIème siècle...
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Lorsqu'il compare l'idéal social de Platon à celui des prophètes, Cohen relève que l'idée d'une humanité éthique revient aux prophètes d'Israël alors qu'elle était inconnue dans les murs de la Cité grecque. Ce qui dépassait le cadre de leur Etat ou de leur Cité, les Grecs le dénommaient par le terme suivant : barbare ! Or, les prophètes parlent, eux, de l'Assyrie et de l'Egypte comme de l'oeuvre des mains de Dieu : Israël est certes, considéré comme Son héritage, mais ceci n'exclut pas les autres hommes qui portent, eux aussi l'image de Dieu. [le Sabbat, rattaché à la Création, est pour l'humanité et non les seuls Juifs]
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Du point de vue de l'histoire intellectuelle du judaïsme, mais non point sous l'angle strict de la pensée philosophique, l'oeuvre et la personnalité de Gershom (Gerhard) Scholem (Schalom) dominent l'ensemble du vingtième siècle.
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Le grand Réformateur a [...] redonné l'Homme sa stature d'agent moral autonome. Il a contribué à la réémergence d'une unité de la conscience. Le sommet de cet édifice conceptuel n'est autre que Kant qui a réaffirmé les droits sacrés e 'individu : aucun homme ne saurait être traité comme un moyen. Chaque individu est au contraire un but en soi. Jusqu'ici l'affinité entre l'idéal du système kantien et les buts du judaïsme est incontestable.
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Au-delà de son essence profonde qui recélait dès les origines de grandes richesse, le mouvement kabbalistique fut donc principalement une réaction de défense face à une formulation intellectualiste et rationaliste du judaïsme.
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