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Arnaud Laster (Programmeur)
EAN : 9782070418817
1008 pages
Gallimard (18/09/2002)
3.92/5   20 notes
Résumé :

La première édition du Théâtre en liberté de Victor Hugo, tel qu'il le concevait à la fin de son exil, en 1869. Quatre drames et cinq comédies, en prose ou en vers, injouables alors à cause de la censure, mais qui tous l'ont été depuis.

De la fantaisie la plus débridée (La Forêt mouillée) au réalisme le plus minutieux (L'Intervention). Du grotesque d'un tyran (Mangeront-ils ?) à la folie meurtrière du fanatisme religieux (Torquemada). >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Je n'ai presque plus rien publié ici depuis l'automne dernier, signe du trou noir dans lequel l'enseignement m'a totalement aspiré cette année, ce à quoi je compte bien remédier dans les mois à venir... J'étais plongé dans ce fameux Théâtre en Liberté qui trônait fièrement dans ma bibliothèque hugolienne, recueil de pièces non jouées du vivant de Victor Hugo, moins connues que Ruy Blas ou Hernani. Fana de théâtre, de romantisme et de Victor Hugo, c'était pour moi depuis très longtemps un incontournable que je voulais dévorer, même si, comme on peut s'y attendre, cela ressemble à n'importe quelle compilation d'oeuvres secondaires d'un auteur, conjuguant fulgurances comme textes anecdotiques. À mon sens, la pièce "Mille Francs de récompense" se détache de tout le reste, mais cela reste mon simple avis...

Le recueil commence avec deux comédies bucoliques ayant pour cadre la forêt romantique, "La Forêt mouillée" et "La Grand'Mère". Dans la première, toute la forêt prend vie, animaux, végétaux, dans une prosopopée du printemps onirique, à défaut d'être parfaitement inspirée. Vient un personnage humain du nom de Denarius, pédant ridiculisé par les commentaires de la faune et flore autour de lui. J'ai bien aimé cette petite comédie, même si elle n'atteint pas non plus la beauté absolue romantique de ce qu'Hugo a pu produire dans les livres II ou IV des Contemplations quand il s'agit de faire chanter la nature, mais tels n'étaient ni le but ni l'ambition ici... "La Grand'Mère" est une comédie plus traditionnelle où le couple Charles et Emma Gemma (tiens tiens, intertextualité avec Bovary ? À vérifier avec le moment précis de l'écriture de la pièce) se cache dans une forêt allemande de la Margrave, mère de Charles, avant évidemment la réconciliation et approbation familiales finales en découvrant les petits-enfants. Simple et touchant.

Vient "Mille Francs de Récompense". Là, tout de suite, c'est totalement autre chose. On est dans un récit compagnon des Misérables et de Crime et Châtiment, à Paris. Étiennette et sa fille Cyprienne s'occupent du vieux Major Gédouard, Cyprienne veut épouser le jeune Edgar Marc (les deux rappellent instantanément Cosette et Marius), mais les trois premiers sont pris à la gorge par un certain Rousseline, croisement entre Javert, la vieille usurière du Raskolnikov de Dostoïevski et d'un salaud parfait du XIXe siècle, qui a pour but d'étrangler financièrement la famille pour épouser Cyprienne en échange d'une pseudo- magnanimité. La famille va être aidée par Glapieu, sorte de Jean Valjean Cyrano foufou passant par là, et voulant rétablir la justice. On a le tableau habituel hugolien où celui qui est dit criminel, mis au ban de a société, est sublimé et où celui qui est le le plus immoral en réalité est un personnage totalement institutionnalisé. On est totalement pris par cette histoire comme on peut l'être dans les romans hugoliens ou dans Crime et Châtiment, avec une très belle fin (même si certains la trouveront convenue ou prévisible) grâce à la carte du père Deus Ex Machina... J'ai vraiment adoré cette pièce que je recommande à tous les fans de Victor Hugo...

Avec "L'Intervention". On revient à quelque chose de plus rural et anecdotique, bien qu'intime et touchant. Hugo nous offre les disputes d'un couple frustré par sa situation, les fantasmes de l'adultère et de l'herbe toujours plus verte ailleurs, pour finalement les réunir par le drame, le fantôme du deuil de leur fille, faisant bien sûr écho à celui de Léopoldine chez Hugo.

"Mangeront-Ils ?" m'a fait l'effet d'une pièce très bizarre, celle que j'ai le moins aimée du recueil, une sorte de fantasmagorie néo-shakespearienne plus loufoque et interminable que réussie. Je m'attendais à une sorte de drame social à la manière de "Mille Francs de récompense" au vu du titre, il n'en était rien. La pièce se passe sur l'île de Man et superpose un couple caché, seulement menacé par la faim (d'où le titre) et un Roi zélé qui sera puni à la fin de la pièce (le recueil alignant ainsi de façon récurrente les figures de dirigeants excessifs). Ça n'a pas été une lecture agréable et fluide, j'ai un souvenir diffus et laborieux de cette pièce...

Heureusement, "L'Épée" est venue après. C'est sans aucun doute ma pièce préférée du recueil, avec "Mille Francs de Récompense". "L'Épée" se passe dans un village montagnard. le grand-père Prêtre-Pierre, vieillard auguste, pacifique et pieux, vénéré, respecté de tous, ainsi que le jeune petit-fils Albos vu directement comme son fils, sont en conflit avec Slagistri, le fils de Prêtre-Pierre et le père véritable d'Albos. Slagistri est une sorte de colosse révolté, désenchanté, l'Hugo des luttes et de la révolte, Enjolras idéologique avec pour dehors Ursus. Les deux visions du monde de Prêtre-Pierre et Slagistri se veulent irréconciliables et la base de leur conflit. Slagistri, à l'image de son humeur, vit dans une grotte. Les deux personnages ont des joutes verbales absolument dantesques, et Slagistri m'a rappelé, par sa représentation et son caractère, le regretté comédien Jacques Frantz, célèbre pour avoir été pendant très longtemps la voix française de Robert de Niro, Mel Gibson, John Goodman... J'étais très ému en lisant la pièce, en pensant à lui qui nous a été arraché trop tôt et qui aurait campé à merveille ce personnage. La fin de la pièce ne va pas dans la direction de la réconciliation de comédie familiale et prend une tournure plus noire, où malheureusement, sur le sang, Hugo donne raison au personnage incarnant la lutte contre le pouvoir et la sauvagerie au sein de l'humanité... Pièce totalement méconnue que je recommande là encore aux amateurs de Victor Hugo, très puissante.

Vient ensuite un diptyque nommé "Les Deux Trouvailles de Gallus", système particulier fait donc de deux pièces, "Margarita" et "Esca", avec le fameux personnage de Gallus. Ne sachant qui épouser, le Duc Gallus s'aventure dans la campagne et jette son dévolu de façon plus ou moins identique dans les deux pièces sur une femme, avec deux issues différentes. Dans la première, sur la jeune Nella, qui vit en fait un amour secret avec George. Gallus finira par s'effacer devant l'ascendance illustre des deux amants, l'arrangeant également. L'on trouve de très belles répliques sur la nature dans la pièce et l'on passe un moment agréable. Dans "Esca", les choses vont prendre une tournure plus sombre. D'entrée de jeu, Gallus parle d'une femme à pervertir, dont il va s'emparer pour en faire la démonstration de ses propos, sa proie idéologique et la concrétisation d'un fantasme. Lison nommée ensuite Zabeth, comme pour marquer un avant et un après radical, va sombrer dans une mélancolie dont Gallus sera la cause volontaire, sans toutefois se douter de la tournure pleinement tragique que prendra la pièce... le diptyque est donc assez intéressant, et les deux pièces comme le pendant l'une de l'autre, le jour et la nuit.

Enfin, "Torquemada", chant du cygne crépusculaire du théâtre de Victor Hugo, sur le fameux inquisiteur espagnol. Je suis assez mitigé. Je ne connaissais pas vraiment le personnage, et Hugo choisit de le faire intervenir de façon assez sporadique, alors que je m'attendais à une place beaucoup plus importante dans la pièce, et à une psyché pour le moins tourmentée, typique du théâtre tragique, surtout romantique et influencé par Shakespeare. le Torquemada d'Hugo, ça oui, est tourmenté, fou, obscurantiste, illuminé, mais il n'y a au final pas une once de rédemption et de pathétique pour le lecteur contrairement au Frollo de Notre-Dame de Paris auquel on serait tenté de le relier au début de la pièce. Hugo crée deux personnages de jeunes premiers innocents rappelant fort Paul et Virginie, Don Sanche et Doña Rose, qui incarneront à la fois l'innocence frappée par la folie furieuse de Torquemada, et la faute, le péché, par leur rôle involontaire dans la survie de Torquemada et donc la responsabilité indirecte de ses horreurs sans nom, et les péchés que Torquemada leur attribuera à la fin. Il est d'ailleurs drôle de voir dans ce jeune couple très biblique le comportement de Don Sanche, toujours avide de sa bien-aimée, bien plus obsédé par la pomme que Dona Rose ! On ne peut que se désoler pour le Marquis, père secret de Don Sanche... le Roi Ferdinand II et la Reine Isabelle sont ridiculisés et montrés comme complètement assujettis à Torquemada et il s'en est fallu de peu pour que la pièce ait une autre fin... Un moment fort de la pièce et qui se détache du reste est une scène de rencontre et joutes verbales entre Torquemada et Saint-François de Paule, qui incarne ici l'idéal religieux et moral d'Hugo, ressemblant un peu au caractère auguste de Prêtre-Pierre dans "L'Épée". Les deux seront interrompus par le pape Rodrigo Borgia, qu'Hugo affuble des traits caractéristiques du clan Borgia... Difficile de rester de marbre également lors des tirades de l'acte IV d'un Torquemada halluciné devant le spectacle de ses bûchers contre les juifs.

Voila. Un recueil indispensable pour les amateurs du grand homme, fait, comme beaucoup de compilations, de pépites trop peu méconnues comme de récits plus anecdotiques, diversement touchants. Il se termine véritablement avec le poème "Être aimé", que j'avais découvert un jour au gré de mes aventures sur Babelio, et qui m'avait ému aux larmes...






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Cette pièce qui fait partie du "Théâtre en Liberté" a été écrite durant la période d'exil de Victor Hugo dans les îles anglo-normandes de Jersay et Guernesay. Il y exalte le sentiment de liberté d'un ton lyrique, et parfois emphatique. Alors que Prêtre-Pierre "prêche" la bienveillance à l'égard du duc, son fils Slagistri en fuite, relégué dans une grotte encourage la sédition chez les montagnards.
L'histoire qui se joue en Dalmatie ressemble étrangement à une version de Guillaume Tell (Lemierre, Schiller,etc) quand Prêtre-Pierre est molesté pour n'avoir pas salué le drapeau de l'envahisseur. Ce qui décide Albos à reprendre la lutte entamée par Slagistri.
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Je me suis régalée avec ce recueil, j'aime le fait que Victor Hugo n'ait pas pensé à la mise en scène en écrivant ces pièces, elles ne sont que plus belles. On y retrouve de la fantaisie et de la poésie dans un petit monde étrange et imaginaire.
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Victor Hugo est âgé, il n'a plus rien à prouver, il écrit ce recueil de pièces qui ne sont pas forcément destinées à la publication. Donc il s'affranchit des règles du théâtre. Et on retrouve les thèmes qu'il affectionne : les relations amoureuses, L Histoire, la religion, et de l'humour aussi... A lire pour retrouver à nouveau la beauté de l'écriture de Victor Hugo.
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Ecrite à la suite de pogroms, à la fin de la vie de Victor Hugo, cette pièce est encore de nos jours d'actualité comme un réquisitoire contre le fanatisme. Après quelques recherches, j'ai été étonnée qu'elle colle tout à fait à la Grande Histoire. Encore du Grand Victor Hugo
Lien : http://miriampanigel.blog.le..
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Écoute-moi. Voici la chose nécessaire :
Être aimé. Hors de là rien n'existe, entends-tu ?
Être aimé, c'est l'honneur, le devoir, la vertu,
C'est Dieu, c'est le démon, c'est tout. J'aime, et l'on m'aime.
Cela dit, tout est dit. Pour que je sois moi-même,
Fier, content, respirant l'air libre à pleins poumons,
Il faut que j'aie une ombre et qu'elle dise : Aimons !
Il faut que de mon âme une autre âme se double,
Il faut que, si je suis absent, quelqu'un se trouble,
Et, me cherchant des yeux, murmure : Où donc est-il ?
Si personne ne dit cela, je sens l'exil,
L'anathème et l'hiver sur moi, je suis terrible,
Je suis maudit. Le grain que rejette le crible,
C'est l'homme sans foyer, sans but, épars au vent.
Ah ! celui qui n'est pas aimé, n'est pas vivant.
Quoi, nul ne vous choisit ! Quoi, rien ne vous préfère !
A quoi bon l'univers ? l'âme qu'on a, qu'en faire ?
Que faire d'un regard dont personne ne veut ?
La vie attend l'amour, le fil cherche le noeud.
Flotter au hasard ? Non ! Le frisson vous pénètre ;
L'avenir s'ouvre ainsi qu'une pâle fenêtre ;
Où mettra-t-on sa vie et son rêve ? On se croit
Orphelin ; l'azur semble ironique, on a froid ;
Quoi ! ne plaire à personne au monde ! rien n'apaise
Cette honte sinistre ; on languit, l'heure pèse,
Demain, qu'on sent venir triste, attriste aujourd'hui,
Que faire ? où fuir ? On est seul dans l'immense ennui.
Une maîtresse, c'est quelqu'un dont on est maître ;
Ayons cela. Soyons aimé, non par un être
Grand et puissant, déesse ou dieu. Ceci n'est pas
La question. Aimons ! Cela suffit. Mes pas
Cessent d'être perdus si quelqu'un les regarde.
Ah ! vil monde, passants vagues, foule hagarde,
Sombre table de jeu, caverne sans rayons !
Qu'est-ce que je viens faire à ce tripot, voyons ?
J'y bâille. Si de moi personne ne s'occupe,
Le sort est un escroc, et je suis une dupe.
J'aspire à me brûler la cervelle. Ah ! quel deuil !
Quoi rien ! pas un soupir pour vous, pas un coup d'oeil !
Que le fuseau des jours lentement se dévide !
Hélas ! comme le coeur est lourd quand il est vide !
Comment porter ce poids énorme, le néant ?
L'existence est un trou de ténèbres, béant ;
Vous vous sentez tomber dans ce gouffre. Ah ! quand Dante
Livre à l'affreuse bise implacable et grondante
Françoise échevelée, un baiser éternel
La console, et l'enfer alors devient le ciel.
Mais quoi ! je vais, je viens, j'entre, je sors, je passe,
Je meurs, sans faire rien remuer dans l'espace !
N'avoir pas un atome à soi dans l'infini !
Qu'est-ce donc que j'ai fait ? De quoi suis-je puni ?
Je ris, nul ne sourit ; je souffre, nul ne pleure.
Cette chauve-souris de son aile m'effleure,
L'indifférence, blême habitante du soir.
Être aimé ! sous ce ciel bleu, moins souvent que noir,
Je ne sais que cela qui vaille un peu la peine
De mêler son visage à la laideur humaine,
Et de vivre. Ah ! pour ceux dont le coeur bat, pour ceux
Qui sentent un regard quelconque aller vers eux,
Pour ceux-là seulement, Dieu vit, et le jour brille !
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LE ROI
Épargne-moi l'ennui du dévouement, mon cher.
Pour toi je suis obscur, pour moi tu n'es pas clair.
Moi je fais le bon prince et toi le bon apôtre.
Au fond nous sommes pleins de fiel l'un contre l'autre;
J'exècre le valet, tu détestes le roi ;
Tu m'assassinerais si tu pouvais, et moi
Je te ferai peut-être un jour couper la tête.
Nous sommes bons amis à cela près.
"Torquemada", Acte I, scène 2.
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O Charme tout-puissant de la pudeur farouche !
Ma bouche ne doit pas même effleurer ta bouche ;
Ta robe est le rideau du temple, et je ne veux
D'aucun souffle approchant trop près de tes cheveux ;
Tiens ton voile baissé, Léa. Je te respecte.
Ne crains rien de moi.
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Il y a une parenté entre nous ; je suis fou comme la lune, et vous êtes belle comme le soleil.
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Quel tumulte de chants et de cris ! Bruit de Lyre
Mêlé de grincements ! Sous ces acacias
On croirait qu'Apollon écorche Marsyas.
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