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4,11

sur 883 notes
Excellente enquête socio-judiciaire qui reprend tout le dossier du meurtre de Laetitia Perrais en janvier 2011 en Bretagne.

Ames sensibles s'abstenir!

Ce livre est très bien écrit par chapitres courts, ce qui permet aux lecteurs de pouvoir reprendre leur souffle dès que le besoin se fait sentir. Toutes les thématiques sont abordées, la nature humaine, l'histoire des protagonistes, le rôle de la justice et celui des avocats, la pollution politique, sa lâcheté et sa grande hypocrisie. Vous n'y trouverez pas de parti-pris, simplement des faits analysés et des situations.

Une belle réussite.
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sors de ce livre groggy, révoltée, abasourdie.
Livre magnifiquement écrit qui rend hommage à Laetitia et Jessica.
Certains parleraient de malchance ou bien de névrose de destinée. Quelle erreur !
Car la malchance n'existe pas, c'est juste sa "mémoire traumatique" qui l'accompagne depuis l'enfance, depuis peut être même in utero, qui la guide tout naturellement vers Meilhon. Elle est allée vers son destin comme une bête à l'abattoir.
Tout était écrit finalement.
Et que dire de Mr Patron (ça ne s'invente pas !) qui viole régulièrement Jessica alors qu'il a joué au père d'accueil éploré. Dégueu.
C'est la seconde partie du titre qui est intéressante : ou la fin des hommes. Car oui, cette inhumanité, cette folie, cette fulgurante violence de Meilhon l'a éloigné à jamais des Hommes.
Alors oui, j'avoue j'ai pleuré. J'ai pleuré sur ces vies massacrées, sur ce déterminisme atroce et abject qui vous tient quand on a trop souffert enfant. Aucune issue, à part la mort. Ou bien une mauvaise rencontre.. La double peine en somme...
Et que dire des chansons obsènes que chante Meilhon à tue tête au Palais de justice ?
Ce crime, comme le dit l'auteur, est un féminicide : Meilhon haïssait les femmes, il en a massacré une, lui refusant même une mort digne.
A lire absolument, mais attention aux âmes sensibles, car rien, et je dis bien rien ne vous sera épargné.
Même une fois refermé, ce livre me hante.
On ne sort pas de cette lectue indemne.
Merci Monsieur Jablonka. Merci pour Laetitia et pour Jessica.
Une pensée émue pour la mère de Laetitia, Madame Larcher, qui ne se relèvera jamais de tout ÇA.

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Ce livre qui collectionne les prix et a mis le milieu parisien en effervescence , «magnifique hommage », « tour de force littéraire », m'a déçue et mise en colère.

Sur le contenu du livre en lui-même, aucune qualité littéraire particulière : ce n'est ni plus ni moins qu'un épisode de « Faites entrer l'accusé », avec la description pointilleuse de l'enquête et au final du crime (point culminant malsain du livre, garant du page-turner), entrecoupée d'analyses sociologiques.
La nouveauté ici, qui se veut révolutionnaire, est moins de faire entrer l'accusé que de faire entrer la victime.

C'est en effet la vie de Laetitia qui est exposée dans les moindres détails, examinée sous toutes les coutures jusqu'à sa mort dont aucun détail sordide ne nous est épargné.

Dans l'absolu, ce renversement de perspective semblait une idée intéressante, se présentant comme compassionnelle. Mais après la lecture de ce livre, l'immense malaise que je ressens me laisse à penser que si l'on a toujours traité le fait divers en se concentrant sur le tueur c'est qu'il y avait une excellente raison pour ça : protéger la victime qui n'a rien demandé.

Premièrement, le ton de l'auteur « universitaire parisien », comme il se décrit, malgré tous ses efforts , fait sentir une nette supériorité de classe quand il décrit une province misérable, quart monde dont il voit les autochtones comme parlant un autre langage, sorte de voyage en terre inconnue pour lui. Les pauvres SMS de Laetitia truffés de fautes d'orthographe résonnent étrangement au milieu des envolées lyriques de l'auteur, écrites dans des hôtels florentins ou new yorkais.

Mais surtout, le livre aboutit à la conclusion très dérangeante pour moi selon laquelle Laetitia était sociologiquement prédestinée à ce destin. L'auteur écrit à la fin du livre, juste avant le récit atroce de son meurtre, ces mots : « Elle consent ». Elle consent à suivre le tueur.

Voilà donc le « magnifique hommage » rendu à laetitia et ce à quoi tendait tout le livre : « elle consent » ?! Et on décrit ce livre comme féministe ?

Non, Laetitia n'a pas consenti, à aucun moment. Elle s'est battue. Aucun des évènements de sa vie n'est à l'origine de son meurtre. Son seul tort est d'avoir croisé la route de Tony Meilhon.
Dire le contraire répartit les charges de la culpabilité (sur la société, sur la province, sur Laetitia elle-même) alors qu'il n'y a qu'un seul coupable, le tueur, et qu'un seul hasard : celui d'avoir été au mauvais endroit au mauvais moment.
Une jeune femme éduquée et choyée, parisienne (bref, l'excellence sociale selon l'auteur), mais qui comme Laetitia, aurait eu la conscience altérée parce qu'elle aurait bu un peu d'alcool ou été un peu triste, aurait elle aussi pu être piégée par Meilhon, ce manipulateur pervers, ce séducteur intelligent, tel qu'il est décrit par l'auteur.
Les descriptions de Meilhon sont d'ailleurs les seuls passages où j'ai été délivrée du malaise poisseux ressenti tout au long des autres chapitres.

Le tueur est et doit être le seul sujet d'analyse. Piétinons sa vie privée, mettons au jour sa noirceur. Nous en avons le droit en ce qui le concerne. Laissons les victimes en paix.

Malheureusement à l'issue de ce livre dont la structure tourne autour de ce qui ne va pas chez la victime, le tueur parait plus triomphant que jamais, chantant à tue tête dans la prison et salissant encore Laetitia par ses mots indécents, reproduits dans le livre.

Comme pour s'excuser, l'auteur en rajoute dans les descriptions exagérément flatteuses de Laetitia, l'enluminant, la sanctifiant. Mais même cela sonne faux et « je fais dans le littéraire ».

Se comparant avec Flaubert et sa Mme Bovary (modestie…), l'auteur dit qu' « il est Laetitia » Je ne suis pas Laetitia mais comme elle je suis une jeune femme de province, et avec ce livre j'ai l'étrange sensation qu'on m'a craché au visage.
Si j'étais assassinée, je n'aimerais pas que l'on expose ainsi mes malheurs et mes erreurs pour en conclure que quelque part j'aurais ‘consenti', et que l'on détaille mon agonie dans toute son atrocité.
Pour ensuite que le tout Paris s'extasie sur ce « merveilleux hommage » si « représentatif de la province ».

Question subsidiaire : aurait-on osé écrire un tel livre sur le meurtre d'une jeune fille de bonne famille parisienne ?



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En janvier 2011, Laetitia Perrais a été assassinée sauvagement puis dépecée par un multirécidiviste violent Tony Meilhon qui n'avouera jamais son crime et refusera de dire aux enquêteurs où il a caché le corps de la victime.
Superbe récit que ce Laetitia.
Yvan Jablonka alterne des chapitres consacrés à la courte vie de la jeune fille assassinée à 18 ans et ceux consacrés à l'enquête, aux procès et à l'emballement médiatique qui a entouré cette affaire.
Bien que très loin de l'univers pauvre aussi bien matériellement qu'intellectuellement où a grandi Laetita (l'auteur est historien, parisien, cultivé, issu de la bourgeoisie), le portrait d'Y.Jablonka est empreint de délicatesse et de bienveillance.
Il ne porte pas de jugement de valeur mais au contraire montre beaucoup d'empathie à l'égard de son héroïne et de sa soeur jumelle Jessica.
Laetita aura toute sa vie été victime des hommes : un père biologique violent et défaillant, un père d'accueil qui profitait de ses fonctions pour abuser sexuellement des jeunes filles confiées par les services sociaux, son meurtrier et pour finir un président de la République qui profitera de ce fait divers atroce pour de bas intérêts électoralistes.
Le récit est vraiment bouleversant, mais il est également extrêmement pédagogique : comment fonctionnent les services sociaux, une procédure d'assistance éducative devant le Juge des Enfants, un suivi par le SPIP, comment se déroulent une enquête criminelle ou un procès d'assises. Tout est pertinent (je peux en témoigner ayant quelques connaissance en la matière). C'est aussi un bel hommage aux juges d'instruction, aux enquêteurs et aux avocats, à tous ceux qui tant bien que mal, malgré les coupes budgétaires, essayent de faire correctement et dignement leur travail.
A contrario, la récupération politique qu'a tenté de faire Nicolas Sarkozy apparaît bien misérable.
Les portraits du meurtrier et du père d'accueil, Monsieur PATRON, sont terribles et sans appel.
C'est un bel hommage aux femmes meurtries par la domination et la violence de certains hommes.
Je dois avouer que quelques larmes m'ont échappé en finissant le livre.
Vraiment magnifique.
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Un livre extrêmement documenté et riche, intelligent et dense, presque trop, il faut prendre son temps pour tout digérer. On sent que son auteur est universitaire et qu'il est très touché par le sujet, pas seulement la petite histoire mais aussi tout ce qu'elle révèle de notre société, de ses failles.
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Dans ce roman-essai très engagé et féministe, Ivan Jablonka décortique méticuleusement un sordide fait divers à l'aide d'outils venant des différentes sciences humaines et sociales. J'ai beaucoup aimé, c'est assez réussi et intéressant.

Le point de départ est l'affaire « Laëtitia Perrais » : en 2011, une gamine de 18 ans est enlevée, tuée et démembrée dans la région de Nantes par un homme bien connu de la justice. Cette affaire occupe la « une » des journaux sur une longue période, amplifiée par les déclarations agressives du président Sarkozy à l'égard des magistrats. Bref, un fait divers devenu une affaire d'Etat, avec plusieurs retournements de situation.

L'auteur se concentre sur Laëtitia et non pas sur son agresseur, c'est déjà un point de vue intéressant qui m'a bien plu. le livre alterne des passages sur sa courte vie, avec le déroulé de l'enquête et des chapitres d'analyse et de théorisation. Tout cela dans une narration bien construite, avec un bon rythme.

Bien que les parties sur l'enquête peuvent être prenantes, c'est surtout les parties réflexives qui m'ont intéressé. L'objectif est de partir du fait divers pour dégager des structures sociales et une meilleure compréhension de notre société. de nombreux champs y sont investigués, par exemple les rapports de genre, la communication sociale et politique, les rapports familiaux, les émotions collectives, la justice, le rôle de l'Etat ou les inégalités. J'ai également beaucoup aimé les passages donnant une perspective historique, notamment sur le statut des enfants et leur protection.
Lien : Https://evanhirtum.wordpress..
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Quelle émotion ! Non Lætitia, tu ne seras pas morte pour rien. Ivan Jablonka déroule les faits, l'enquête criminelle, mais surtout nous raconte la vie de Lætitia et Jessica, les 2 jumelles meurtries par la vie. Il cherche à comprendre ce qui a pu amener Lætitia à tomber dans le piège. Mais était ce un piège ? Son criminel n'était pas à proprement parler un criminel sexuel. Ils ont de nombreuses similitudes dans leurs parcours de vie. Jusqu'au dérapage horrible et monstrueux. Ivan Jablonka resitue cette histoire dans le contexte politique et social de l'époque. Ne fait pas du sensationnalisme mais décrit tout avec minutie.
Il essaie de comprendre et de nous expliquer comment une société moderne pour laisser ses enfants perdus en errance entre les foyers, les familles d'accueil, les psychologues, les éducateurs spécialisés... Ils font tous de leur mieux individuellement mais il y a forcément des carences collectives.
J'ai été très touchée par la relation qui semble se tisser entre l'auteur "l'écrivain" comme elle l'appelle, et Jessica, la jumelle survivante qui tente de se reconstruire tant bien que mal. Il écrit avec extrêmement de pudeur, sans la trahir.
Ce livre est un témoignage choc, mais attention, il faut tout de même avoir le coeur bien accroché pour entrer au coeur de cette histoire.
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Laëtitia est un prénom d'origine latine qui signifie “joie”. La vie de Laëtitia Perrais aurait dû être empreinte de ce seul sentiment. Si seulement…

Laëtitia et sa soeur jumelle Jessica sont nées un 04 mai 1992. La première décèdera dans la nuit du 18 au 19 janvier 2011.

La lecture de ce témoignage est effroyable. J'en ai repoussé la lecture à plusieurs reprises, par appréhension, par peur. Je ne me souvenais plus de cette affaire, c'est seulement quelques jours après la fin de ma lecture que j'ai osé taper le nom de Laetitia Perrais sur Internet. Et tout m'est revenu. Combien de fois avais-je vu ce visage, aux informations télévisées, dans les journaux ? Trop souvent. Mais manifestement pas assez.

Oui, j'avais peur d'entamer ce livre, de découvrir la violence, l'horreur, la terreur de ce qu'a vécu Laetitia. Il ne s'agit pas d'un roman, ce récit n'a pas été inventé de toute pièce, il s'agit d'un fait réel, d'un drame. Effroyable. Commis par un homme. C'est de cela que j'avais peur : de réaliser que l'humanité est capable du pire.

Laetitia, ou la fin des hommes.

On ne sort clairement pas indemne d'une telle lecture. Ivan Jablonka a réalisé un travail herculéen et minutieux de recherches, d'investigation et d'enquêtes. Comme il l'explique, il ne faut pas aborder la mort de Laëtitia du point de vue du fait divers ; les contextes familial, social, économique et politique sont autant de facteurs à prendre en compte. le hasard aussi, le destin, cet enchevêtrement d'évènements sont aussi responsables du destin tragique de l'adolescente.

Jablonka est pour moi un orfèvre, dont l'hommage à Laëtitia et à sa soeur Jessica représente ce que l'humanité fait de meilleur. Laëtitia n'est pas et ne doit surtout jamais n'être qu'un fait divers, une « affaire » ; Laëtitia, c'est une jeune fille formidable, au courage incomparable, ayant défié les épreuves pendant toute sa vie, s'efforçant de s'en sortir. Son tragique destin est bouleversant, traumatisant, presque inconcevable. Comment est-ce possible ? Pourquoi ? L'incompréhension fait place à la rage, à la colère, à l'ire. Je suis bouche bée. Je ne comprends pas. Il n'y a peut-être rien à comprendre, mais Ivan Jablonka explique. D'une voix bienveillante, il rend sa vie volée à Laëtitia.

« Bébé maltraité, gamine oubliée, fillette placée, adolescente timide, jeune fille sur le chemin de l'autonomie, Laëtitia Perrais n'a pas vécu pour devenir une péripétie dans la vie de son meurtrier, ni un discours à l'ère Sarkozy. Je rêve Laëtitia comme si elle était absente, retirée dans un lieu qui lui plaît, à l'abri des regards. Je ne fantasme pas la résurrection des morts ; j'essaie d'enregistrer, à la surface de l'eau, les cercles éphémères qu'ont laissés les êtres en coulant à pic. »
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Ce livre est bouleversant. C'est un peu la chronique d'une mort annoncée bien que l'auteur souhaite rendre hommage à Laetitia dans son portrait.
Hélas, il nous démontre combien ce n'était pas un hasard, si Laetitia est devenue une proie. La proie d'un homme, ce mardi 18 janvier 2011. Comprendre comment un fait divers en tant qu'objet d'histoire, c'est se tourner vers la Société, la famille, l'enfant, la condition de la femme, les formes de violences, les médias, la justice, la politique ..... faute de quoi le fait divers reste un arrêt du destin. L'auteur prend soin de redonner vie à cette jeune fille qu'est Laetitia, sauvagement assassinée.
Ni une victime, ni un fait divers, c'est plutôt l'histoire d'une frêle jeune fille qui tente d'avancer dans la vie en dépit de tout et de tous (parents, père d'accueil) jusqu'à ce qu'elle croise la route de Tony Meilhon.
C'est un fait réel et médiatisé. Ce livre apporte des informations supplémentaires par rapport au médias pour diverses raisons : le temps d'enquêter, d'interviewer et d'écrire.

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Jablonka Ivan – "Laetitia ou la fin des hommes" – Seuil, 2016 (ISBN 978-2-02-129120-9)

Cet ouvrage mélange au moins cinq registres différents, ce qui n'est pas sans poser de nombreuses questions sur sa pertinence scientifique, alors que l'auteur se présente comme un historien universitaire, avec rang de "professeur" à l'Université Paris XIII (dont le siège se trouve en Seine-Saint-Denis, à Villetaneuse).

Un premier registre consiste à exposer l'affaire Laëtitia Perrais, cette jeune femme assassinée puis démembrée dans la nuit du 18 au 19 janvier 2011 par Tony Meilhon, un marginal "bien connu des services de police et de justice" (selon la formule consacrée). L'auteur se livre à une reconstitution aussi minutieuse que possible, après avoir rencontré la plupart des protagonistes du côté de la victime : il est ici dans une démarche proche de celle d'un auteur comme Morgan Sportès avec ses récits "L'appât" ou "Tout, tout de suite". Relevons par exemple une description bien venue (pp. 144-145) de cette France périurbaine éloignée de tout, "espaces anonymes, mal connus, peu représentés, dont on ne parle jamais", ou (pp. 154-157) de cette zone littorale offrant des possibilités de modeste ascension sociale dans ses espaces urbanisés (Nantes) ou spécialisés dans les loisirs de masse (stations balnéaires), n'excluant nullement (certains pensent même que ces zones en vivent) des zones d'extrême misère et de déclassement social où survivent justement des gens comme Laëtitia, ses parents et son agresseur.

Un deuxième registre vient interférer, dans une tonalité nettement partisane : l'auteur tient à présenter son point de vue sur les interventions dans cette affaire (dès son discours du 25 janvier tenu à Saint-Nazaire), du Chef de l'Etat de l'époque, Nicolas Sarkozy. Ce dernier est bien connu pour ses outrances et son style constamment provocateur (cf pp. 119, 137), ce dont un historien devrait s'affranchir, alors que l'auteur produit ici un dossier à sens unique, mené uniquement à charge : pas un mot sur le harcèlement poursuivi avec acharnement par les magistrats contre ce Président dès 2006 (menant tous à des non-lieu), pas un mot par exemple sur le "mur des cons" découvert en avril 2013 dans la grande salle du Syndicat de la magistrature (illustrant crûment les limites de la mythique indépendance des juges – rappelons que ce syndicat est celui du juge Henri Pascal, qui s'illustra dans l'affaire de Bruay-en-Artois), une simple allusion critique des mesures prises sous Sarkozy comme les peines plancher (cf p. 118 – loi déplaisant aux magistrats qui s'imaginent qu'elle porte atteinte à leur pouvoir décisionnel discrétionnaire). Quant à l'idée – qui émerge justement lors de cette affaire Laëtitia – de demander des comptes à l'appareil judiciaire, elle ne peut que paraître fort saine à tout un chacun ; d'une part du fait que toute profession (y compris la justice) doit impérativement faire l'objet de contrôles extérieurs – à plus forte raison lorsqu'il s'agit de l'emploi de l'argent du contribuable –, d'autre part parce que l'appareil judiciaire français a causé de telles catastrophes (depuis l'affaire de Bruay-en-Artois, jusqu'à celle d'Outreau et – précisément – cette affaire Meilhon !) qu'exiger quelques sanctions ne ferait que rejoindre ce qui survient dans n'importe quelle autre profession lorsqu'un cadre commet une erreur. On ne peut hélas guère s'étonner que l'auteur entonne l'air bien connu de l'indignation vertueuse face à toute tentative d'instaurer un tel contrôle extérieur (pp. 173-174 puis 194-199, apothéose lyrique p. 264), puisqu'il appartient lui-même à l'une de ces corporations (les professeurs d'université) qui ne rend compte de son utilité qu'à ses pairs, comme tous ces "ordres" caractéristiques du système de castes franchouillard (ordres des médecins, des architectes, des pharmaciens, des avocats, et tutti quanti, jusqu'au conseil supérieur de la magistrature) qui ne servent qu'à protéger leurs membres – chacun protégeant l'autre dans la crainte de se voir un jour lui-même sur la sellette.
Notons par ailleurs que l'auteur lui-même trahit ce camp qu'il souhaite défendre, en montrant par exemple – en toute naïveté, sans la moindre gêne – combien la consommation de drogues est connue et tolérée dans notre pays : il nous transporte sans hésitation dans les bars, tripots et boîtes de nuit notoirement connus, fréquentés par Meilhon, jamais inquiétés par cette si bonne magistrature qui relâche l'après-midi même les délinquants que la police met des mois à traquer.

Le troisième registre consiste à mettre en lumière le rôle déplorable des médias et tout particulièrement des journalistes, dès le soir de l'arrestation du meurtrier (p. 82) ; le quatorzième chapitre leur est entièrement consacré (pp. 89-97), il est même fait mention de leur posture de "vautour" (p. 89). Là encore, rien n'a changé depuis l'affaire de Bruay-en-Artois, bien au contraire, l'avènement d'Internet et des "réseaux sociaux" (quelle appellation pour ce réseau d'égouts !) permet les pires dérives et manipulations. Une fois n'est vraiment pas coutume, l'auteur pense même à dénoncer avec une certaine virulence (pp. 94-95) tous ces intermédiaires qui – en toute impunité depuis des décennies – organisent délibérément les "fuites" orientées alimentant justement ces vautours (p. 296), lesquels disposent de moyens colossaux pour entraver la bonne marche d'une enquête (pp. 164-165), encore une fois sans que les pouvoirs publics ne s'y opposent efficacement depuis des décennies.
Mais cette noble indignation cède devant la toute jolie complicité qui s'instaure entre l'auteur et la cheftaine locale de l'AFP (Alexandra Turcat, qui nous est présentée dès la page 94). Cet entre-soi s'étend vite à l'avocate Cécile de Oliveira (mise en scène dès la page 11, promue au rang d'amie dès la p. 31, avec un délicieux tutoiement en page 358, décidément on nage dans le bonheur). Pour culminer dans un entre-soi de caste confinant à l'imbécillité béate sous couvert de féminisme (p. 334), englobant ensuite Edwy Plenel promu au rang de "grand journaliste" (p. 346).
Ces professions d'avocat et de journaliste sont même finalement jugées dignes d'une presqu'égalité avec le mythique "chercheur" (pp. 93 puis 346) : quand on connaît et fréquente ce milieu des "chercheuses et chercheurs", on mesure l'ampleur de cette promotion dans l'Olympe !

Le quatrième registre renvoie au sous-titre, "la fin des hommes" : l'auteur distille (dès la p. 29) la doxa de la "perpétuelle violence faite aux femmes", très à la mode dans une certaine intelligentsia. Si de tels outrances verbales correspondaient à la réalité, la population française féminine se réduirait dramatiquement de jour en jour, ne comptant d'ailleurs plus que des estropiées et mutilées en attente d'être zigouillées au prochain coin de rue.
Ces mêmes vertueux féministes observèrent le désormais célèbre "silence assourdissant" lorsqu'un petit juge ne trouva absolument rien à redire aux agissements du tandem Straus-Kahn / Dodo-la Saumure – et ses collègues viennent de renoncer à toute poursuite contre Denis Baupin. Ce d'autant plus que l'auteur se borne à quelques énoncés relevant du postulat idéologique, parsemés ça et là sans fournir la moindre argumentation, tout en reconnaissant tout de même que – dans cette affaire Laëtitia, les enquêteurs mâles ne ménagèrent point leur peine, c'est le moins que l'on puisse admettre. L'auteur nous fait même le coup de l'incontournable"femme libre" (p. 320).
Mais bon, l'auteur et l'éditeur tiennent à nous vendre cette soupe pour des raisons sur lesquelles nous reviendrons ; de toute façon, ce thème n'est qu'effleuré, sa mise en avant par l'éditeur relève plus de la flagornerie que d'un réel centre d'intérêt de l'ouvrage.

Cinquième registre enfin, celui par lequel l'auteur se met lui-même en vedette, et ce, dès le tout début de son ouvrage, dès le début du tout premier chapitre (cf. p. 11) d'une façon plutôt écoeurante consistant à étaler son titre de "professeur à l'université Paris 13" puis ses propres "mérites" qui sont en fait ceux de ses grands-parents. Passe encore, on se dit que c'est assez maladroit.
Mais par la suite, il prend soin – et à plusieurs reprises – de bien insister : d'une part il n'a rien de commun avec les gens composant cette couche sociale dont Laëtitia et sa soeur sont issues (p. 145), d'autre part il étale sa conscience d'appartenance à une caste privilégiée cultivant son entre-soi (p. 288), à tel point que cela finit par insupporter lorsqu'il écrit (p. 357) "j'ai écrit le chapitre 2 au restaurant Bleu Baker de College Station, Texas" après avoir reconnu quelques lignes plus haut à quel point il instrumentalise Laëtitia : sa pitié envers les pôvres gens confine à de la tartufferie.

Notre auteur le proclame dans une fabuleuse formulation : nous voilà dans une société "libérée de la lutte des classes" (p. 82) : depuis le temps que la gauche caviar cherche comment s'émanciper du marxisme originel, de son culte du prolétaire et de sa dialectique infernale, cette formule est magnifique ! A n'en point douter, elle fera date, puisqu'elle permet de remplacer le désormais vieux cliché des pauvres contre les riches par des couples d'opposition (moteur indispensable à une pensée de gauche) bien plus manipulables – les jeunes contre les vieux, les femmes contre les hommes, les bonnes "minorités visibles ouvertes sur le monde" contre les vilains petits blancs racistes ruraux sexistes etc etc.

La lecture de ce livre me fait penser aux ouvrages d'Elena Ferrante publiés sous le titre "l'amie prodigieuse", dont l'un des thèmes centraux consiste justement à montrer combien cette caste d'intellectuel(le)s sait se préserver de toute intrusion des gens pauvres tout en faisant semblant de les défendre : nous en avons ici un exemple quasiment archétypal.
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