AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Martine Rémusat (Traducteur)Edmond Jaloux (Préfacier, etc.)
EAN : 9782234055872
320 pages
Stock (16/04/2003)
4.16/5   92 notes
Résumé :

" Niels Lyhne va maintenant s'ouvrir devant vous, livre de splendeurs et de pénétrations. Plus on le lit, plus il apparaît que tout y est : du parfum le plus léger de la vie à la pleine saveur de ses fruits les plus lourds. Il n'est rien là qui ne soit compris, saisi , ressenti, et - à la résonance vibrante du souvenir - reconnu. Rien n'y est petit. Le moindre événement se déroule comme une destinée, et la destinée elle-même s'y déploie comme un tissu, a... >Voir plus
Que lire après Niels LyhneVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
4,16

sur 92 notes
5
5 avis
4
5 avis
3
0 avis
2
0 avis
1
0 avis
Il y a des livres dont le célèbre prescripteur reste indissociable de tout commentaire, critique ou analyse, au point de prendre une place exagérée au moment de s'en faire une image résumée ; les exemples ne manquent pas, se classant en deux groupes plus ou moins évidents : les véritables chef-d'oeuvres, et puis les autres… ceux pour qui le coup de projecteur revêt davantage des circonstances, du contexte historio-artistique du moment ; on citera par exemple pour la deuxième catégorie « Le complexe d'Icare » d'Erica Jong, dont certains pensent toujours qu'il a été écrit par Henry Miller, tant sa préface et la volonté de diffuser ce livre ont pris toute la place quand il s'agissait de le présenter — et que ce texte aujourd'hui n'intéresse plus grand monde, vu qu'il représentait un certain type de féminisme n'ayant plus vraiment cours aujourd'hui, et qu'il n'est simplement pas très bon — et puis il y a les autres…

Ces merveilles peu usitées, dont l'encombrante tutelle pourrait être levée, que l'éclat oblige à s'émanciper de cette parentèle accolée.
Ce texte n'a plus besoin de Rainer Maria Rilke pour exister.

Il est déjà passé par l'âge des dédaigneux modernes le trouvant désuet, passage quasi-obligé pour toute littérature ne sachant pas régler ses conflits générationnels, simple signe d'une progéniture obligée de cracher sur son ascendance pour exister… depuis la fin du 19ème siècle, il en a eu le temps… cycles d'oubli et de re-découverte…

Sa version la plus courante en est sa première traduction — sous-titrée « Entre la vie et le rêve » — par Madame Rémusat, datant de 1928 ; les éditions Stock l'ont même ré-éditée en 2003, alors que l'excellente maison toulousaine Ombres — aussi responsable de la publication du reste de son oeuvre — en a proposé une nouvelle version en 1998 par Sten Byelke et Sébastien Voirol.
Je ne saurais conseiller laquelle choisir… l'ayant seulement sous sa jaquette rose encadrée…

Il faut donc oublier cette dévorante présence du poète Rilke, dont le vibrant romantisme peut rapidement fatiguer… Celui de Jacobsen est nettement plus feutré, sans réelle recherche d'effets.
Un roman d'apprentissage de facture on ne peut plus orthodoxe, disposant d'un charme des plus naturels, accompagné de questionnements universels, dont de potentielles générations d'existentialistes, ou toutes autres créatures disposant de nombrils, ne réussiront pas à circonscrire.

Un possible jalon dans la vie d'un lecteur, alors qu'ils sont si nombreux…
Une vie toute entière racontée simplement, à la sensibilité bien tempérée.
En un mot, un classique, un vrai.
Commenter  J’apprécie          887
Dans cette oeuvre, Niels Lyhne (Entre la vie et le rêve) publiée en 1880 et traduite par R.Rémusat, le poète et botaniste danois  Jens Peter Jacobsen (1847-1885) nous emporte dans une balade romantique en suivant le parcours chaotique de Niels Lyhne dans une société en train de s'ouvrir aux changements.
Un roman d'apprentissage d'une âme sensible.
Un chemin tout tracé avant-même sa naissance car puissamment pensé et rêvé par sa mère, Bartholine. « Pour elle, ses parents, ses frères et soeurs, les voisins, les amis, ne prononçaient jamais un mot digne d'attention, car leurs pensées ne s'élevaient pas au dessus de la terre qu'ils faisaient valoir, et leurs regards n'allaient pas au-delà de ce qui s'offrait à eux tout naturellement. Mais les vers !… Ils étaient pleins de pensées nouvelles et d'enseignements profonds, montrant la vie telle qu'elle se déroule sur la vaste scène du monde, où la douleur et la joie sont intenses ; ils suscitaient des images parmi les rimes qui ruisselaient comme des perles. »
Se considérant comme un être à part, elle se laisse séduire par le jeune Lyhne de Lonborg dans lequel elle reconnaît celui qui pourra répondre à ses aspirations et s'éprend de lui : de cette union naît Niels.
Une enfance choyée sur le domaine de Lonborg mais déchirée entre l'amour paternel et maternel car depuis que le couple se désagrège Niels reste le seul lien entre ses parents.
Bercé jusqu'aux portes de son adolescence par les récits, la poésie et l'imagination fertile de sa mère, Niels est formaté pour devenir un homme au destin exceptionnel, un héros ; lui se rêve poète.

Niels atteignant l'âge adulte, et ayant confirmé ses aptitudes et ses appétences littéraires, va découvrir et affronter la réalité avec son cortège de joies et de peines.
Nous le suivons étudiant à Copenhague évoluant au milieu des artistes et de l'avant-garde intélectuelle .
Pour l'accompagner, son ami d'enfance de la ferme voisine, Frithjof , et depuis l'adolescence, Erik
Refstrup, recueilli et adopté sur le domaine de Lonborg, futur artiste, avec lequel il tisse une indéfectible amitié.
Comme un preux chevalier, il part en quête de l'amour qu'il aura du mal à trouver.
« Il aimait. Il se dit à voix haute qu'il aimait. Il le dit bien des fois. Ces paroles avaient comme une dignité, une noblesse, et leur signification était grande. Il n'était plus soumis aux influences diverses de ses chimères d'enfant, il n'était plus le jouet de désirs sans but, de vagues rêveries : il s'était échappé de la forêt fantastique qui avait grandi autour de lui, où cent bras l'avaient tenu captif, où cent mains s'étaient posées sur ses yeux pour l'aveugler. Il avait secoué ce joug, il s'était retrouvé, reconquis. »

Ainsi au gré du temps qui passe, de la vie qui s'effeuille, nous allons subir ses déceptions, ses désillusions, ses deuils, ses peines mais aussi être témoins de ses joies, de ses extases même si ces dernières sont beaucoup moins fréquentes .
Après la découverte de Copenhague, où il étudie, il découvre l'Europe , toujours sur les traces d'hommes mémorables ou d 'artistes, à Clarens en Savoie sur les pas de Rousseau pour la dernière retraite de sa mère, en Italie à Riva au bord du lac de Garde.
Au fil des années, après les désenchantements, les ruptures, les séparations, sa quête d'amour et de l'âme soeur reste inabouti. Toujours épris d'absolu et enfermé dans ses rêves, il souffre de la solitude et la ressent comme un isolement et un abandon.
Un destin qui ne sera pas à la hauteur de celui que sa mère attendait.
Une mort héroïque pourra-elle racheter sa vie ?

Une balade dans l' univers romanesque et romantique de Jens Peter Jacobsen entrecoupée et illustrée par de magnifiques visions et descriptions de la nature où l'on sent l'oeil averti du botaniste.
Cette immersion dans le 19ème siècle nous rappelle sans cesse les conditions de vie difficiles de tout être humain à cette époque: tout le long du récit des jeunes gens succombent dans la fleur de l'âge aux maladies (Jens Peter Jacobsen, phtisique, mourra à 38 ans), une jeunesse encore enchaînée arrive peu à peu où partiellement à se libérer des conventions bourgeoises et religieuses…

Une découverte et une très agréable lecture. Un style limpide et empli de poésie.

« Ce petit livre est de cette lignée de grandes oeuvres ; je voudrais qu'on le lut comme on les lit . C'est l'histoire des âmes trop grandes pour leur vie ; des âmes trop spiritualisées pour le monde où elles ont vécu et pour les amours dont elles ont souffert ; des âmes obscures et profondes que la destinée à enfermées dans un cycle de malheurs moyens. Certains êtres ont donné toute leur foi à ce désir éperdu de beauté qui vaut seul que l'on vive, mais ce désir, brutalisé par les circonstances, ne peut s'épanouir que dans le renoncement aux satisfactions terrestres et dans la création d'un songe plus beau qu'elles. » Extrait de l'avant-propos de Edmond Jaloux 28 mai 1928
Commenter  J’apprécie          453
Rilke n'a pas connu Babelio, n'empêche, lui aussi aimait bien conseiller des livres oubliés ou obscurs à ses connaissances. Et à lire les lignes élogieuses qu'il consacre, dans ses lettres à un jeune poète, à un certain Jens Peter Jacobsen, j'ai eu envie d'aller y voir de plus près. Bien m'en a pris !

"Niels Lyhne" raconte la vie brève d'un danois fin de siècle, un jeune idéaliste romantique par sa mère, progressiste par son père, désireux de se lancer dans la carrière littéraire, et qui n'arrive à rien. Une histoire simple, qui pourrait même donner lieu au plus ennuyeux des romans, si n'était le regard d'une justesse et d'une tendresse incroyables que Jacobsen porte sur ses personnages. Souvent les poètes sont un peu étourdis, les psychologues sont par trop précis, mais imaginez un peu quand le miracle se produit et que soudain un auteur parvient à mêler en lui les deux natures.

Ici chaque phrase, en plus de faire preuve d'une intelligence acérée sur la nature humaine, semble extraite d'un long poème en prose, tant les images sont belles, les comparaisons émouvantes, les métaphores sensibles. Avec une grâce rare, Jacobsen peint le portrait d'un homme repu de rêve et qui ne connait que la déception, d'une génération qui à force d'idéal passe à côté de la vie, d'une humanité qui voudrait jouer au Grand mais n'est qu'un enfant abandonné et fragile. Douces et banales tragédies. En attendant que les choses changent, semble soupirer Jacobsen, faisons de notre malheur une chance, et profitons de la fugacité des choses, puisque la beauté n'est belle que de ne pouvoir durer.
Commenter  J’apprécie          411
Niels Lyhne est un roman d'apprentissage dans lequel le personnage tente de donner un sens à sa vie, tout en s'affranchissant de la foi de ses ancêtres – il célèbre la nature sans pour autant y voir la manifestation d'une providence, comme si l'homme était constamment confronté à des forces contraires et arbitraires – des rêves et des illusions qui consolent. A l'amour et l'amitié se succèdent souvent les drames et les déceptions, le sentiment d'une solitude infinie. le style de Jacobsen est plein de délicatesse et de sensualité mais aussi marqué par une profonde mélancolie et une vision tragique. Il orne son intrigue de réflexions pénétrantes qui donnent à son récit une dimension philosophique et poétique autant que romanesque. Et l'émotion, à chaque page, affleure, en sorte qu'il est difficile de ne pas en être bouleversé.
Commenter  J’apprécie          240
Fabuleux ! pour ce livre je donnerais tout Flaubert. Ecriture limpide, sans effets de style (c'est une traduction de Mme R. REMUSAT).

Ce roman traite, à travers les différents points de vue incarnés par les personnages, des rapports de la poésie et de la réalité, et finalement, en filigrane, des rapports de la poésie et de Dieu.

Niels Lyhme, le héros de JACOBSEN est poète dans l'âme. Niels Lyhme est athée aussi, mais d'un athéisme ni borné, ni ricanant : c'est un athéisme qui est une quasi-croyance et qui s'accompagne d'une vision poétique du sens de la vie, de la nature, de la souffrance, de l'amour et de la mort. Et du don de soi.

Après lui avoir fait perdre successivement sa femme et son enfant, Jacobsen écrit de Niels : "Il avait abandonné son drapeau. En effet, ces grands mots, athéisme et sainte cause de la vérité, n'étaient que des mots pompeux décernés à cette chose si simple : accepter la vie comme elle est avec ses inéluctables lois."

En faisant un saut au-dessus de l'abîme, j'oserai pour ma part, ajouter que la vie avec ses inexorables lois sont un attribut divin car la Nature selon Spinoza, c'est Dieu.

Spinoziste, JACOBSEN ? Peut-être.

Niels a abandonné toute revendication non religieuse (son athéisme est une croyance) en même temps que ses prétentions à devenir poète : à son insu, il s'est fait caisse à résonance pour autrui et lui-même, sa vie est devenue poésie comme son athéisme est devenu foi.

Niels a aimé, beaucoup.

Niels Lyhme est une grande oeuvre, le livre préféré de Rilke.
Commenter  J’apprécie          170

Citations et extraits (30) Voir plus Ajouter une citation
- Que c'est bizarre de se regretter ! dit-elle, abandonnant lentement sa rêverie et revenant à lui du regard. Moi, je me regrette souvent, je me regrette telle que j'étais jeune fille, et j'aime cette jeune fille comme quelqu'un qui m'aurait touchée de très près, avec qui j'aurais partagé mes joies et tout... et que j'aurais perdu sans qu'il y eût de ma faute... Le beau temps que c'était ! Vous ne concevez pas le charme idéal répandu sur l'existence d'une jeune fille qui commence à aimer. Cela ne pourrait être exprimé autrement que par de la musique...
Commenter  J’apprécie          350
Pendant près de deux années, Niels Lyhne voyagea à l'étranger. Il se trouvait bien seul. Il n'avait plus de parent, plus d'ami qui fût cher à son cœur. Mais un isolement plus grand encore pesait sur lui. Car il est bien certain que celui-là sentira tristement son abandon, qui n'aura plus sur toute l'immense terre un coin qu'il puisse bénir, où son cœur se réfugie lorsqu'il a besoin de s'attendrir, où le reportent ses regrets et ses désirs; (...)
Commenter  J’apprécie          360
Les années avaient passé ... L'univers n'était plus ce monde de merveilles qu'il était naguère. Les terreurs suscitées par les contes n'habitaient plus les coins ombreux derrière les vieux sureaux, ni les chambres mystérieuses sous les combles. Et la colline qui, aux premières trilles de l'alouette, se couvrait de pâquerettes, le ruisseau qui recélait tant de plantes et de bestioles, les pentes sauvages du ravin, tout cela se réduisait à être des pauvres fleurs, de petites bêtes et des cailloux très ordinaires. La baguette de la fée ne voltigeait plus par là.
Commenter  J’apprécie          271
Ils n'étaient pas amoureux l'un de l'autre, ou, dans tous les cas, ils l'étaient fort peu. C'était une de ces vagues et agréables liaisons qui souvent s'établissent entre un homme et une femme ayant dépassé la première jeunesse: une sorte d'été vite envolé où l'on se promène côte à côte en prenant des airs de galanterie discrète, où l'on s'admire soi-même avec les yeux d'un autre et où l'on se fait de douces caresses avec la main d'un autre.
Commenter  J’apprécie          340
De tous côtés on apercevait des baies aux tons chauds, des noisettes, des glands brillants, et les fruits écarlates de l'églantier. A côté des hêtres dépouillés de leur verdure, les cormiers ployaient sous le poids des grappes rouges, d'une senteur aigre comme celle du cidre. Des mûres tardives gisaient, noires ou brunes, sur les tas de feuilles humides, au bord des sentiers ; on trouvait au milieu des bruyères des cerisiers odorants, les framboisiers sauvages montraient leurs fruits d'un rouge éteint. Les fougères prenaient en se fanant mille nuances diverses ; et quant à la mousse, elle fournissait ample matière à étude, car il n'y avait pas seulement la mousse vigoureuse et drue des terres et des bas-fonds, qui ressemblait à des sapins, à des palmes, à des plumes d'autruche, il y avait encore la mousse légère qui revêtait les troncs d'arbre et faisait songer aux champs de blé des elfes : elle s 'élançait en tiges menues terminées par des minuscules boutons pareils à des épis.
Commenter  J’apprécie          140

autres livres classés : littérature danoiseVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (288) Voir plus



Quiz Voir plus

Les Chefs-d'oeuvre de la littérature

Quel écrivain est l'auteur de Madame Bovary ?

Honoré de Balzac
Stendhal
Gustave Flaubert
Guy de Maupassant

8 questions
11109 lecteurs ont répondu
Thèmes : chef d'oeuvre intemporels , classiqueCréer un quiz sur ce livre

{* *}