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EAN : 9782369351238
256 pages
Le Passager Clandestin (20/10/2023)
3.88/5   4 notes
Résumé :
l’accroissement des inégalités et le retour des pénuries, la “sobriété”, qui a remplacé les “croissance verte” et autres “développement durable” dans les discours de nos gouvernants, s’avère une bien piètre solution face à ces défis colossaux.

Largement soutenue par des ingénieurs, des scientifiques mais également par une opinion populaire de plus en plus large, la décroissance s’affirme peu à peu comme l’unique alternative réaliste à même de fonder u... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Objecteur de croissance, ce livre !

« Alors, on s'bouge les miches avant de devenir des Amish ? ».
Ce slogan clin d'oeil, entendu je crois me souvenir sur France Inter, m'avait fait sourire. Il reprenait, en la détournant, l'allusion faite par Emmanuel Macron pour qui la décroissance revenait à vivre tels des Amishs. Il faut dire que ce terme de décroissance est un terme qui ne cesse de hanter le débat public français, entre caricatures, rejet dédaigneux, indifférence méprisante et progressive reconnaissance. Entre usage politique confinant au « greenwashing et approche plus ambitieuse de certains penseurs. A petites pas feutrés, du bout des lèvres, le terme de sobriété est parfois avancé désormais. Quelle avancée pour une notion qui a plus de cinquante ans !

Un terme délicat à appréhender il faut bien le reconnaitre, tout notre système économique, depuis l'importance du montant des recettes fiscales, le contrôle de nos dépenses publiques, jusqu'au financement des retraites, étant bâti sur la croissance économique, qui n'est autre que la progression du PIB d'une année sur l'autre. Or, le PIB représente la somme de toutes les richesses produites par les organisations privées et publiques sur un territoire. La croissance est ainsi la croissance des richesses produites. Il faut croitre pour enrayer le déficit public, croitre pour diminuer la dette publique, croitre sans cesse pour briller sur le podium des plus grandes puissances économiques.

Or, le constat est sans appel : cette croissance ad vitam æternam est tout bonnement impossible dans un monde de ressources finies et à l'aune de la catastrophe écologique qui commence à montrer des signaux inquiétants et qui nous attend dans les prochaines décennies.
Deux siècles de capitalisme industriel ont produit des désastres en série débouchant sur l'ère de l'Anthropocène, cette ère géologique dans laquelle c'est l'Homme désormais qui a un impact sur la Terre, et son lot de catastrophes : hausse des températures, fonte du pergélisol, de la banquise et des glaciers, effondrement de la diversité biologique, baisse de la biodiversité cultivée, pollutions plastiques et chimiques, eau de plus non potable, polluants éternels, les fameux PFAS qui s'invitent à la une de toutes les rédactions depuis quelques semaines.

Transition écologiques répondons-nous. Voitures électriques, énergies renouvelables, énergie nucléaire. Quand on voit quelles quantités de métaux rares et de terres rares ces énergies ont besoin, l'extractivisme qu'elles nécessitent, déplaçant la pollution de l'usage à la production, cela ne suffit pas et ne fait que déplacer le problème.
Économie circulaire répondons nous également sur la base d'une économie basée sur davantage de réparabilité, de réemploi, de réduction de déchets et au pire de recyclabilité.
Sur la base également d'une économie de la fonctionnalité fondée sur les usages davantage que sur le transfert de propriété.
Sur la base enfin d'une mutualisation de moyens entre différents acteurs économiques, voire d'un échange vertueux, les déchets des uns pouvant servir de matières premières aux autres.
Une façon pertinente de changer de modèle économique, un modèle économique plus vertueux de l'environnement et qui permet aux entreprises de gagner autrement de l'argent, aux consommateurs de consommer de façon plus responsable.

Deux voies certes indispensables. Mais pas suffisantes pour diminuer vraiment notre empreinte écologique.
On fabrique ainsi en masse des voitures électriques sans modifier la logique générale de la mobilité et en extrayant sans cesse des métaux rares pour les batteries, sans parler de la multiplication des infrastructures de recharge. On croit pouvoir faire du nucléaire à grande échelle en temps et en heure pendant que les fleuves s'assèchent et que les sols s'appauvrissent. « Une vue partielle et en emplâtre sur une jambe de bois » comme l'explique brillamment dans le livre Agnès Sinaï. Cette énergie demande à utiliser massivement du charbon, de l'uranium et du cuivre. Encore et toujours. Une fuite en avant…
Or, le but, si nous voulons donner un avenir à notre descendance, est de baisser la demande énergétique, l'extraction de matériaux, l'usage des sols, l'impact sur la biodiversité, les émissions de gaz à effet de serre…

Selon Serge Latouche, l'un des principaux théoriciens et promoteur de la décroissance en France, la décroissance est la seule notion nous permettant réellement de « retrouver le sens des limites pour préserver la survie de l'humanité et de la planète » tout en y voyant « une matrice d'alternatives » capable de soulever « la chape de plomb du totalitarisme économique » à partir de ce qu'il nomme les 8R : réévaluer, reconceptualiser, restructurer, redistribuer, relocaliser, réduire, réutiliser, recycler ».

C'est lui, Serge Latouche, qui a créé il y a dix ans aux éditions le passager clandestin une collection intitulée « Les précurseur.ses de la décroissance » avec comme objectif de nourrir un contre-imaginaire afin de nous aider de sortir de l'impasse dans laquelle nous enferment les sociétés de croissance. Cette collection avait pour ambition de mettre en lumière cette réflexion en cours et ces racines en exhumant des auteurs, célèbres ou non, qui ont contribué à développer ces perspectives. Cette collection entend montrer que le projet de décroissance n'est pas un retour à l'âge de pierre mais un chemin, le seul chemin, pour l'avenir. Il suggère qu'il est indispensable d'engager une contraction des économies en réduisant la production et la consommation et qu'il est possible de le faire sans diminuer le bien-être du plus grand nombre.
Cette notion de décroissance est née dans les années 70, à l'aune des chocs pétroliers et de l'essoufflement des Trente Glorieuses. Années 70 où Le Club de Rome avait déjà alarmé sur la croissance économique en mettant pour la première fois la Terre en statistiques et en équation, réalisant des prédictions sombres. Rappelons qu'en 1975, Ecotopia de Callenbach, vantant les bienfaits de l'économie circulaire, paraissait. Oui, cette idée de décroissance a cinquante ans…

A l'occasion des dix ans de cette collection, ce livre propose un bilan d'étape et fait le point sur ce sujet en invitant plusieurs auteur.e.s à partager leur regard. C'est ainsi un éclairage partiel à partir de plusieurs regards tous issus de disciplines différentes, ce qui rend le livre très intéressant. Ces regards croisés explorent les principaux enjeux que pose aujourd'hui cette notion, les lignes de clivage, les questions les plus sensibles, les problématiques et les débats internes qu'elle engendre.
Une diversité d'auteur.e.s, une diversité de matières. Il y a ainsi des économistes comme Timothée Parrique (qui a écrit l'excellent livre Ralentir ou périr. L'économie de la décroissance en 2022), Giorgos Kallis (Décroissance. Vocabulaire pour une nouvelle ère en 2015) et Geneviève Azam ; un politiste, Luc Semal ; un ingénieur, Philippe Bihouix qui s'interroge sur cette position qui consiste à se cacher derrière l'innovation permanente comme solution à tous nos problèmes ; un géographe, Guillaume Faburel (qui a publié, entre autres, le récent Indécence urbaine. Pour un nouveau pacte avec le vivant en 2023) qui met l'accent sur la métropolisation véritable écocide ; un journaliste, Pierre Thiesset, journaliste à La Décroissance et qui dirige la collection « le pas de côté » à L'échappée ; un philosophe, Fabrice Filipo, ou encore un socioanthropologue, Alain Gras.
Toutes et tous montrent que la décroissance n'est pas le contraire de la croissance ni le synonyme de récession mais d'abord une invitation à regarder la réalité en face, sans tergiverser ou se rassurer à coup de « croissance verte », « croissance smart », ou que sais-je encore.

J'ai particulièrement aimé la façon dont Timothée Parrique a décidé de construire son chapitre en répondant aux critiques faites à son encontre par l'économiste David Cayla, lettre ouverte où il revient sur ce qu'est précisément la décroissance en partant de la notion de PIB et de l'idéologie autour de ce PIB. Il invite ainsi à « décroire » avant de décroitre.

Pour réfléchir aux différentes facettes de cet antiproductivisme émancipateur et salvateur, de cette sobriété libératrice, de ce projet de société, de ce que la décroissance signifie exactement et ce que qu'elle implique, ce livre est une mine de réflexion selon des angles différents ce qui en fait toute la richesse. Un livre nécessaire ! Un grand merci à Babélio et aux éditions le Passager clandestin pour l'envoi de ce livre qui m'a permis d'approfondir une notion qui m'interpelle depuis longtemps !

« Celui qui pense qu'une croissance infinie dans un monde fini est possible, est soit un fou soit un économiste ». Kenneth Boulding – années 1960 -
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Avertissement : ce livre ne vous conviendra pas si vous êtes un adepte du cornucopianisme ou si le terme d'anticapitalisme vous hérisse. Car sans être adressé uniquement aux militants purs et durs de la décroissance, il ne s'agit pas vraiment ici, ou alors à la marge, de convaincre le lecteur récalcitrant du bien-fondé de ce mouvement né dans les années 1970 et basé sur le constat de “l'impossibilité d'une croissance infinie dans un monde fini”. C'est-à-dire un monde qui possède des ressources naturelles épuisables et en l'occurrence bientôt épuisées pour certaines.

En revanche, si vous êtes comme moi “un.e sympathisant.e de la cause”, mais de loin, cet ouvrage saura vous apporter des éléments pertinents pour étayer votre réflexion à ce sujet. Bien sûr, quelques chiffres et données concernant le désastre écologique présent et à venir sont dispensés, mais surtout, le concept de décroissance y est passé au crible sous de nombreuses dimensions : historique, économique, sociologique, culturelle… ce qui permet d'y voir plus clair quant à ses contours, ses forces, ses limites et son éventuel avenir.

Voici les axes principaux que j'ai dégagés lors de ma première lecture de ce recueil et dont il me semble qu'il est judicieux de les mettre en lumière :

- Il est indispensable de “décoloniser nos imaginaires”, de nous désintoxiquer du consumérisme.
- La décroissance aura lieu, quoi qu'il arrive, car notre mode de vie n'est pas soutenable matériellement en l'état : autant donc la choisir activement plutôt que de la subir.
- La subir signifierait inéluctablement l'avènement d'une “écolocratie”, gérée par des ingénieurs et des technocrates à coups d'IA rationaliste et de lois liberticides.
- La choisir, c'est nécessairement opérer des tris dans les usages et les progrès technologiques, pour se recentrer sur l'essentiel quitte à perdre en efficacité ou en confort.
- La décroissance n'est pas qu'un objectif économique ni même écologique, car elle ne s'intéresse pas uniquement au “comment” de la transition, mais surtout au “pourquoi”.
- Elle constitue donc un projet politique et philosophique global, qui vise aussi à réenchanter la vie à travers une reconnexion avec nos besoins : lien social, autonomie, travail qui a du sens…

Bien d'autres points sont abordés à travers le prisme des différent.e.s auteur.e.s, quelques pistes concrètes sont notamment proposées, mais c'est surtout un esprit qui se dégage de ce livre, parfois pessimiste, parfois moins. Bref, bonne décolonisation de votre imaginaire !
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Voilà un livre fort interessant de par les différents points de vue qu'il regroupe.
Les quatorze penseurs et penseuses de la décroissance réunis ici nous présentent, tour à tour, leur vision des choses et vont même parfois jusqu'à nous permettre de nous projeter concrètement, on ne parle pas ici que d'un concept abstrait.
J'ai pour ma part beaucoup aimé la partie qui traite des faux-amis de la décroissance.
Une lecture à découvrir si le sujet vous intéresse ou vous interpelle.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
La décroissance est un spectre qui ne cesse de hanter le débat public français depuis qu'il a surgi il y aune vingtaine d'années, alternant entre d'innombrables caricatures et une progressive reconnaissance. La question de la décroissance renaît en effet en permanence, comme les malentendus qui entourent cette notion. Beaucoup la repoussent vertement en y voyant essentiellement un mot d'ordre incantatoire et peu motivant, tout en reconnaissant la nécessité d'abandonner le concept de PIB, cet agrégat fétiche des économistes et des gouvernements sans cesse dénoncé pour ces insuffisances, mais toujours au cœur des imaginaires et des politiques publiques.
(Incipit)
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Loin d'imposer une nouvelle doxa ou une vision unique, l'enjeu de ces textes est de proposer une pluralité de regards et d'analyses, parfois en tension, ouvertes sur les ambivalences et les tiraillements qui traversent cette vaste nébuleuse en devenir. (20)
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Vidéo de François Jarrige
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