Christine Jordis est une spécialiste de la littérature anglaise des 19ème et vingtième siècles. J'ai été passionnée par ce roman. Il est original . Il argumente, il analyse, il fait la synthèse. J'ai aimé les passages où soudain , au présent, des scènes de vie sont données à voir au milieu d'un texte souvent réfléchi et d'une belle envergure intellectuelle. le roman est nourri de réflexions inspirées des lectures de l'auteur :
Jane Austen ,
Barbara PYM ,
Virginia Woolf, DH Lawrence et tant d'autres.
L'histoire : une jeune femme (sans doute aux environs de 25 ans) se marie. L'amour est magnifique et magique. Avant le mariage. le temps passe. La relation se détériore. La narratrice nous livre l'histoire de son couple quelques dizaines d'années après la séparation. D'où la réflexion , d'où les conclusions particulièrement nuancées qui pourraient nous apparaître presque universelles. Ce roman , me semble-t-il , s'adresse à chacun d'entre nous , hommes ou femmes , qui tentons ou avons un jour tenté de vivre en couple. Dans–
Un lien étroit–le couple se sépare. À la fin du livre, la narratrice explique qu'avec plus de sagesse , d'expérience, de distance , de compréhension d'elle-même et de l'autre , son couple aurait peut-être pu évoluer vers une vie réussie et profonde à deux. J'aime cette ouverture d'esprit , cette finesse de l'analyse , cette ampleur de vue.
Plus de précisions quant à l'histoire de ce couple : ici, le mari et la femme se sont séparés car le mari vivait sur le schéma de ses parents. Un couple qui a duré dans l'harmonie dont les règles étaient parfaitement établies : l'admiration sans réserve de l'homme par la femme, l'homme acceptant cet hommage tout à fait confortablement et naturellement… le fils a intégré le modèle du père en le personnalisant à sa façon, en fonction de la génération à laquelle il appartient, en fonction de la femme qu'il aime (qui développe une vie intellectuelle et professionnelle). Il a ainsi élaboré son schéma de couple personnel : quand je ne suis pas là , ma chère épouse, fais à peu près ce que tu veux , vis ta vie professionn
elle, sociale et amicale, moi je vis la mienne (professionnelle), mais quand nous sommes ensemble , ne nous quittons pas et partageons tout
L'épouse, quant à elle, vient d'une famille bourgeoise. le père et la mère ne s'aimaient pas. Ils sont restés ensemble pour des raisons conventionnelles et n'ont pas mis de mots sur leur désaccord.
Le couple « junior » finira donc par se séparer . La souffrance est grande du côté de la femme , et du côté de l'homme aussi, mais le lecteur l'observe davantage du côté de la narratrice. La femme réussit à partir car elle est portée par une conviction , une croyance , une foi , vissée en elle : on est au monde pour s'accomplir , croître , pousser , faire émerger ce qui est en nous . Pour elle , cela devra passer par l'écriture, qui lui permettra de se trouver elle-même. La narratrice y parviendra . Elle quittera son mari et publiera une étude sur la littérature anglaise.
Sont présents , dans le roman, de très beaux passages sur le besoin d'écrire et la question de la publication. Est-elle nécessaire ? le monde médiatique et littéraire est épinglé de façon savoureuse , lucide, drôle, assassine parfois.
Christine Jordis exprime que quelle que soit la nature de l'ouvrage que l'on écrit, c'est toujours soi-même que l'on donne à voir. C'est évidemment le cas ici. Et même plus, je n'ai pu m'empêcher de lire ce roman comme un récit autobiographique.