Un feu dans la nuit est l'histoire d'une vengeance implacable née d'une haine aveugle, qui nécessite 17 ans de maturation avant son accomplissement.
Le jour où la Cath, école privée huppée refuse à Darcy (ainsi nommé en hommage à
Jane Austen), petit garçon malingre aux dents de lapin, pauvre, vêtu grâce à des associations caritatives, une bourse qui lui permettrait d'accéder à un enseignement d'élite, sa vie se trouve à tout jamais bouleversée. Sa maman, mère célibataire psychologiquement fragile, voit dans la réussite de son fils une revanche sociale et un moyen d'apaiser ses propres frustrations et échecs. Elle assure l'éducation de Darcy à domicile, le gave de littérature jusqu'à l'empoisonnement, le coupe du monde scolaire, le prive d'amis et aussi de nourriture, puisqu'étant anorexique, elle entraîne son fils, bientôt dénutri, dans cette destruction. Dans ce contexte toxique, quand la réponse négative de la Cath arrive, Mrs Kellaway ne doute pas un instant que la place qui revenait de droit à Darcy, lui a été volée par Felix, fils de Rowan MacBride, directeur de l'institution, qui aurait, selon elle, fait preuve d'une bienveillance coupable à l'égard de la candidature de son fiston. Bien qu'aucune preuve matérielle n'étaye la certitude quasi-magique de Mrs Kellaway, voilà Rowan accusé de népotisme, et méritant une punition à la hauteur de son crime.
Dès lors, Mrs Kellaway ne connaît plus jamais le repos, et inocule dans l'esprit de son petit garçon des idées de vengeance, de haine, qui germent puis fermentent à mesure que le temps passe, provoquant la pourriture de sa vie. Ainsi, Darcy construit toute sa trajectoire professionnelle et sentimentale en fonction de cette vengeance qu'il doit assouvir, à n'importe quel prix et de n'importe quelle façon possible, en mémoire de sa mère. Gommer l'humiliation, qui ne l'empêche pas de financièrement réussir, devient le combat de sa vie.
Tous les éléments disséminés dans son roman par
Erin Kelly, s'assemblent au cours d'un week-end dans la résidence secondaire des MacBride, durant la Nuit traditionnelle des feux de joie. Sont alors révélés aux lecteurs ébahis par le talent de l'auteure, les liens tissés et noués serrés entre les protagonistes, au cours de l'ultime rebondissement.
Au-delà du thriller psychologique, qu'on ne peut lâcher avant la dernière page,
Erin Kelly dresse le portrait sans concession de deux femmes, Mrs MacBride et Mrs Kellaway, que tout oppose, richesse contre pauvreté, mère épanouie contre mère dépressive, grande carrière dans la magistrature contre survie grâce aux aides sociales. Leur seul point commun est d'être mères et prêtes à tout pour protéger leur progéniture, à dépasser toutes les limites, à se comporter en louves. En manipulant leurs proches comme des marionnettes, ce sont elles les responsables du désastre humain qui détruit ces deux familles. Il s'agit d'une magnifique histoire servie par une écriture ample et chaleureuse, un sens de l'image juste, la connaissance intime de ce qu'il y a de plus mauvais dans la nature humaine.