Dans cet ouvrage la jeune journaliste
Linda Kinstler, née en 1991, nous raconte sa longue quête du passé de son grand-père, Boris Kinstler Karlovics (1918-1949), combattant nazi et officier du KGB en Lettonie.
Pour mener à bien son entreprise l'auteure a compulsé une montagne d'archives dans 10 pays et 3 continents.
Le gros du récit est situé en Lettonie, l'État balte qui depuis sa création en 1918 a connu une histoire mouvementée : annexé par l'URSS en 1940, sous contrôle nazi de 1941 à 1944 et de nouveau sous contrôle soviétique de 1944 à 1991.
La période nazie a été caractérisée par une persécution horrible de la population juive. le gouverneur allemand de la Province de l'Est ("Ostland") a pour la liquidation des Juifs, après concertation avec Berlin, préconisé "la Shoah par balles" plutôt que la construction des camps, l'installation des chambres à gaz ou le transfert par train vers les camps d'extermination en Pologne.
À cet effet appel fût fait à des volontaires locaux et particulièrement au terrible "Sonderkommano Arājs" ou l'unité paramilitaire de la police auxiliaire lettone, ainsi nommé d'après son chef Viktors Arājs (1910-1988). Condamné à perpétuité, l'homme est mort en prison en Allemagne.
Cette unité est responsable de la mort de plus de 50.000 Juifs lettons et biélorusses.
Faisaient partie de cette unite, le grand-père de l'auteure et son pote, Herberts Cukkurs.
Ce dernier, surnommé le Boucher de Riga (comme Klaus Barbie le Boucher de Lyon) a été liquidé par un commando du Mossad israélien à Montevideo en Uruguay, le 23 février 1965.
Ce commando était sous les ordres de Yaakov Meidad (1919-2012), qui a été un des membres de l'équipe du Mossad qui avait enlevé Adolf Eichmann à Buenos Aires, le 11 mai 1960. Lire à ce propos le témoignage d'
Isser Harel "
La maison de la rue Garibaldi".
Mais c'était, bien entendu, surtout le rôle joué par son propre grand-père dans ce commando d'assassins lettons et son rôle pour le sinistre KGB russe, ou NKVD comme ce service s'appelait à l'époque, qui intéressait notre journaliste.
La grande valeur de ce livre réside dans l'exceptionnelle méticulosité avec laquelle elle a conçu tant ses recherches que l'interprétation de leurs résultats.
De ce point de vue, elle m'a souvent fait penser à la grande
Hannah Arendt dans son approche du même phénomène de la destruction du peuple juif dans son "
Eichmann à Jérusalem".
L'ouvrage de
Linda Kinstler, paru le 26 mai 2022, compte 352 pages, dont une bibliographie sélective, un index utile et 8 pages de photos exclusives.
La version française est prévue par les Éditions Denoël pour le 18 janvier 2023.
La version dans ma langue maternelle a repris comme titre le texte du message laissé par le commando du Mossad après l'élimination de Herberts Cukkurs à Montevideo en 1965 : "Exécuté par < Ceux qui n'oublient jamais >".