Venise en octobre c'est tout sauf Noël en décembre, si vous me passez ce mauvais jeu de mots.
Rien de téléphoné, rien d'attendu.
Une sorte de divine surprise, comme l'ont sûrement déjà compris ceux qui ont apprécié quelques-unes des citations que j'ai postées pour la mise en bouche...
Une surprise ... un bijou...
Rien n'y prédisposait pourtant.
D'abord à cause de la production prolifique et tous azimuts de
José-André Lacour (avec un tiret: c'est le même que le
José André Lacour sans tiret qui n'aurait écrit qu'un seul bouquin, - celui-ci- : une erreur (de tiret ) que je ne suis pas arrivée à corriger, tant pis!), à cause , disais-je , d' une production quasi stakhanoviste, qu'on devine alimentaire, dans des genres variés et sous des pseudos adaptés au "créneau" visé:
Benoît Becker pour les romans d'aventures, les thrillers,
Christopher Stork pour les romans de science-fiction, ou encore Marc Avril pour l'essentiel des romans d'espionnage qui ont pour héros l'agent secret Marc Avril. Sans oublier les impérissables
Benjamin Rochefort, Connie O'Hara, Sarah Lee, Johnny Sopper, ou autres
Henry Langon.
Touche-à- tout, José-André ( avec le tiret!) ? c'est une évidence! Mais je ne rajouterai pas "de génie " d'abord parce que ça se saurait, ne serait-ce qu'un peu, ensuite parce que ses seuls "succès " sous son vrai nom de
José-André Lacour (avéletiret, j'abrège) , sont
La mort en ce jardin, dont Buñuel a tiré le grand film que l'on sait et, plus modestement,
L'année du bac, une pièce que j'ai dû lire ou voir, car je m'en souviens vaguement, et qui a dû vieillir beaucoup, et sans doute mal.
Mais ce touche-à-tout (avec deux tirets..) en a eu , du génie, au moins une fois :
Venise en octobre, cette formule utilisée par le père de Bobby Saxalto pour désigner le nirvana suprême, est certainement son chef-d'oeuvre ( avec un tiret).
Il faut donc rendre justice à son auteur, et embarquer sans attendre pour Venise. D'ailleurs octobre est à nos portes, c'est dire si le temps presse !
Ce trésor, comment l'ai- je degotté?
Ni vide-grenier ( un tiret) , ni fond de cave ( pas de tiret, on se demande bien pourquoi?) ..juste une conversation avec un vieux copain, batteur fou et jazzman averti , mais aussi fin lecteur, qui m'avait fait découvrir, il y a quarante ans, Cent ans de solitude et le Maître et Marguerite , entre Lonely Man et Caravane. Pas n'importe quoi, donc pas n'importe qui, vous l'aurez compris. le conseil ne pouvait être que d'or... Mon pote avait oublié le titre, ne se souvenant que du nom du héros: Bobby Saxalto. Un saxophoniste boîteux.
Mais le titre a été vite retrouvé : internet est notre mémoire portative!
Je me suis aussitôt mise en chasse...et ne retrouvant pas
Venise en octobre dans les oeuvres répertoriées sur Babelio , j'ai flairé la grande découverte, un vrai scoop de 60 ans d'âge!
Bingo! Alors...je ne vous dirai que peu de chose pour que vous la fassiez vous aussi, la découverte.
Bobby Saxalto , un saxophoniste boîteux, est un enfant de vieux, de vieux fous, de vieux amoureux. Il est élevé dans la passion partagée du jazz et du cinéma. Et il tombe amoureux d'une
Marie-Antoinette de music-hall qui s'effeuille dans un pauvre strip-tease de Montmartre.
Et pourtant ce n'est pas du
Carco. le réalisme compte pour du beurre.
On dirait du
Vian sans pianocktail.
Et du
Prévert tout le temps.
Pour la poésie et la justesse des petites touches qui font, une à une le portrait de l'oiseau. Pour le petit bruit terrible du destin quand il frappe , comme l'oeuf dur sur le comptoir, dans un petit matin glacial .
Pour la musique foraine déchirante et bravache, l'atmosphere de fête populaire un peu triste...
Je me suis arrêtée mille fois pour relire et savourer une image, une notation- ainsi cette biffure fatale sur une lettre qui démasque plus qu'elle ne masque un mot-poignard.
Le narrateur est comme le héraut d'un tournoi ou le trouvère d'une chanson de geste ou d'un conte : il bouscule son récit parce qu'il SAIT. Il annonce les malheurs comme Cassandre, mais on n'a pas envie de l'écouter,on fait la sourde-oreille.
Notre lecture est comme l'écoute d'un morceau de jazz:
charmée et distraitement attentive.
Un leit-motiv lancinant et sombre menace, noyé par les rythmes débridés , les cadences joyeuses, le chassé-croisé inventif des protagonistes.
Mais quand le solo de saxophone nous cueille soudain en nous broyant le coeur, on ne peut pas dire qu'on ne l'avait pas vu venir.