La mère de Juliette vient de décéder, seule, anonyme, dans l'EPADH où l'avait placée sa fille après qu'elle soit devenue dépendante. Les relations entre les deux femmes ont toujours été empreintes d'une certaine froideur, ressentie par Juliette comme étant naturelle. En rangeant les affaires de sa mère, Juliette va découvrir le vrai visage de la femme qu'elle était devenue et surtout de celle qu'elle avait été : une personne différente, une totale inconnue.
L'histoire de Rose nous est révélée à travers ses lettres, ses notes, les romans inachevés qu'elle a commencés dans une autre vie et qui nourrissent les réflexions, les découvertes et les interrogations de sa fille.
Au travers des récits de Rose,
Karine Langlois explore dans ce roman le délicat déploiement d'une féminité mouvante, des illusions de l'enfance à la déchéance finale. À travers Rose, nous assistons à l'édification d'une femme, mais aussi, et c'est plus rare et magnifiquement raconté, à sa destruction progressive, à son usure et jusqu'à son effacement par les épreuves de la vie et du temps. Au delà d'une simple toile de fond, le temps est en effet un des personnages du roman. C'est lui qui donne corps et substance aux plongées de Juliette dans le passé de sa mère, qui donne motifs à ses réflexions de femme qu'il poursuit inlassablement et à qui, même s'il est assuré de sa victoire finale, il concède parfois de lumineuses parenthèses au soleil de l'amour.
La quête de Juliette est aussi l'exploration tardive d'une filiation mal assumée, comme une archéologie du sentiment maternel, une recherche de la compréhension des liens entre ce sentiment et l'expression de la féminité, et tous ces thèmes sont superbement illustrés au fil des pages par les découvertes de Juliette, qui se révélera ne jamais avoir vraiment connu celle qui a bien été, à sa façon, lointaine et effacée, sa mère.
L'écriture de ce roman, belle et pure, nuancée et lumineuse, ne dédaignant pas de discrètes références littéraires, nous emporte dans cette exploration d'une vie de femme tracée entre les désirs d'un individu et les contingences d'une existence.
Qu'est-ce qu'une femme ? En refermant ce livre, trop vite, trop fort, nous nous rendrons compte que nous avons désormais de nouveaux éléments de réponse à cette question traitée ici de main de maître. Si les roses se fanent,
Karine Langlois sait nous montrer ici que le printemps des coeurs, lui, trouve toujours son chemin.