l'éternel plagiaire
Savez-vous pourquoi le Diable enrage depuis que le monde est monde ? Non pas parce qu'il est damné et voué aux flammes pour l'éternité. Cela semble convenir à sa nature d'ange rebelle. En vérité, ce qui le tourmente depuis l'aube des temps peut paraître plus prosaïque : le démon manque d'idées. Celui qui se voulait le rival de Dieu est tout ,sauf un créateur. Pire, ce n'est qu'un piètre plagiaire.
En voulez-vous la preuve ? Quand Dieu le Père imagina les animaux qui devaient peupler la terre, le Diable se cacha pour l'espionner. A peine Dieu fit-il naître le cheval que le Diable façonna l'âne en hâte ; le Créateur donnait le souffle vital à l'agneau, tandis que le Démon lui offrait le bouc pour reflet. Et ainsi de suite.
Ce petit jeu dura, comme vous le pensez, assez longtemps, vu le nombre d'espèces qui peuplent notre planète. Certains affirment que lorsque Dieu voulut ajouter au bestiaire terrestre un animal qui tiendrait compagnie à l'homme -- à propos, devinez qui créa la femme ? ... --, ce fut le chien. Aussitôt, le Diable lui lança le chat dans les pattes.
Tout le monde ne s'accorde pas sur ce point. Il en est pour dire que le Diable, excédé, et cherchant désespérément ce qu'il pourrait bien inventer d'original, ne cessait d'invectiver Dieu afin que ce dernier lui laissât une chance. Or, le Créateur était en train de donner forme au chat. Pour le Diable, ce fut la goutte d'eau qui fait déborder le vase.
--- Ah non ! Celui-là, il me ressemble trop avec son regard sulfureux. Je serais le maître de sa tête, et tu ne régiras que son corps.
Le bon Dieu n'eut guère le temps de réagir : le mal était fait. C'est ainsi que le pauvre chat hérita d'une double nature, diabolique et angélique. A présent, vous comprendrez sans doute beaucoup mieux pourquoi notre ami a pu susciter des réactions aussi controversées, passionnelles et partisanes au fil des siècles. Ce n'est pas sa faute, mais bien celle de qui vous savez.
SOURCES : folklore de Bretagne et du Poitou, in Paul Sébillot, Le Folklore de France.
Noé s'était gratté la tête en faisant les plans de l'arche : les espèces qu'il allait accueillir et héberger pendant un certain temps n'étaient pas toutes les plus sociables. Imaginait-on l'antilope installée à côté du lion ? La souris à deux pas du serpent ? Le loup face à l'agneau ? Que de nuits sans sommeil, de migraines pour le pauvre Noé, occupé à résoudre ce casse-tête !
Sources : Montesquieu "Les lettres persanes".
Robert de Laroche et
Jean Michel Labat : Lagune vénitienne
Olivier BARROT présente le livre de Robert de LAROCHE et de
Jean Michel LABAT paru aux éditions Casterman "Lagune vénitienne".