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EAN : 9782363083142
193 pages
Arléa (13/10/2022)
3.75/5   4 notes
Résumé :
L'objet pillé est d'abord un trophée avant de prendre le statut d'œuvre d'art. Le cortège des violences coloniales fonde la richesse de nos collections privées et publiques. La guerre, l'art et la littérature sont parfois intimement liés et Yannick Le Marec choisit de suivre deux écrivains militaires : Pierre Loti et Victor Segalen.
Yannick Le Marec poursuit avec Le Grand Pillage sa réflexion sur le récit colonial (dans la continuité de la Constellation du ti... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Ce livre, quoiqu'un peu confus à certaines de ses charnières, est tout bonnement passionnant, érudit et original.
C'est beaucoup pour un seul livre !
Mais c'est que son auteur a bien profité de chaque mot pour y glisser deux portraits croisés assortis d'un grand principe d'humanité et de culture.
"Le grand pillage" de Yannick le Marec est paru aux éditions "Arléa" en octobre 2022.
On y rencontre deux grandes figures orientalistes : Pierre Loti et Victor Segalen, deux marins-écrivains, deux officiers de la Marine de la République.
Le premier, en 1867, était passé par l'École Navale et prit l'habitude de saisir sa plume et ses crayons pour jeter sur son bloc de quoi se souvenir.
Le second était médecin, et n'aimant pas naviguer, profita de ses escales pour découvrir de nouveaux paysages, d'autres cultures et civilisations.
Les deux hommes ne s'aimaient pas.
L'un méprisait l'autre qui le haïssait.
Mais Yannick le Marec n'évoque pas ces deux hommes et leurs voyages pour être dans le vent, pour prendre la plume de la vague.
"Le grand pillage" est une réflexion, un réquisitoire même.
C'est une exposition de l'artiste chinois Ai Weiwei à Marseille qui fut le point d'appui de ce livre de Yannick le Marec, qui lui donna envie de fouiller sous les tapis de Loti, de Segalen et d'une colonisation occidentale pire qu'un cyclone.
C'est l'envers du décor qui est ici montré et évoqué.
C'est les coups de scie mordant la pierre du grand moaï dérobé en 1872 à Rapanui, l'île de Pâques par l'équipage français de la "Flore", frégate mixte équipée de trois mâts et d'une grande cheminée centrale à vapeur ...
(Ce grand moaï trône aujourd'hui à l'entrée du musée du quai Branly !)
C'est les massacres perpétrés en Chine et le sac du Palais d'été ...
Cette manie est toute occidentale de toujours s'accaparer, de piller, quitte à détruire et à mutiler, à n'emporter qu'un morceau.
Victot Hugo, lui-même, le grand Hugo avait ses faiblesses, collectionnait les "chinoiseries" pour sa maîtresse, lui qui écrivit :
- "Nous, européens, sommes les civilisés, et pour nous les chinois sont des barbares. Voilà ce que la civilisation a fait à la barbarie", notant en forme de conclusion, "qu'un jour, sous un autre régime politique, ces trésors devraient retourner dans leur pays".
Au XIXème siècle, l'Empire puis la République, au nom de leurs grandes valeurs universelles, ont lancé sur le monde barbare une colonisation vers la Chine, l'Océanie, l'Afrique et bien d'autres ailleurs ...
C'est là tout le thème de ce livre qui entremêle histoire, art et littérature.
Yannick le Marec réussit le tour de force de nous livrer à la fois une profonde réflexion et deux beaux portraits littéraires qui viennent l'étayer.
C'est bien écrit, c'est parfois un peu fouillis mais l'on y retrouve pourtant assez le vite le fil du mot, le sens de la phrase et du propos.
C'est intelligent et très à propos, en ces temps où une question polémique vient à enfler : bien mal acquis devra-t-il être un jour absolument restitué ? ...


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Je ne connaissais pas cet épisode sombre (un de plus) de la France, et de nos voisins occidentaux, perpétré en Chine fin XIXe, début XXe siècle.
Après la révolte des Boxers (1899-1901), ces insurgés qui luttaient à la fois contre la dynastie mandchoue des Qing et contre les puissances occidentales, les armées française et britannique ont opéré comme le font la majorité des armées victorieuses : Invasion, destruction, meurtres, exactions et… pillages !
Le schéma est le même : sous couvert de découverte du monde, de traités de commerce, d'exploitation, d'évangélisation, d'imposition de la « démocratie », l'homme a toujours répété le même scénario aux dépens des populations autochtones.
Nous connaissons les méfaits en Afrique, en Asie du Sud-Est, et voilà que la Chine aussi a été la victime de nos « chers explorateurs ».
Ces pillages ont fait la richesse de nos musées et l'admiration des amis de certains voleurs en découvrant l'originalité de la décoration de leur intérieur !

Yannick le Marec n'en est pas à son premier livre autour du sujet, et cette fois-ci, s'appuie sur les récits des écrivains Pierre Loti (1850-1923) et Victor Segalen (1878-1919) à propos des pillages coloniaux de la Chine. Tous deux ont été les témoins de ces pillages de masse, notamment à la Cité interdite.
Difficile pour un État colonial d'accepter des témoignages concrets, et lorsque Pierre Loti met au jour son compte-rendu limpide de vérité, cela lui vaudra bien des ennuis.

Ces « brigands », pour la majorité des officiels, des gradés, mais aussi de nombreux anonymes, ont rempli des malles chargées sur des bateaux en direction de leur pays d'origine. Segalen minimise parfois le rôle de la France, mettant plus en lumière les exactions des autres pays… l'Autriche-Hongrie, l'Allemagne, l'Italie, le Japon, la Russie, le Royaume-Uni et les États-Unis !

Mais chacun n'hésite pas à se servir, de l'objet usuel au rituel, en passant par des oeuvres volumineuses telles que les Bouddhas qu'ils n'hésitent pas à décapiter pour rapporter le trophée et l'exposer sur une cheminée ou dans un cabinet dédié à des milliers de kilomètres !

Il rappelle aussi que certains écrivains, férus de morale et de combat de la misère, comme Victor Hugo, ou en quête de poésie, d'amour et de liberté comme André Breton ont succombé au charme de l'exotisme de nombreux objets venus de Chine.

Yannick le Marec alterne les styles et les genres d'écriture des deux auteurs de récits pour mieux imager son propos, Loti en total accord avec ce pillage de la Chine, et Segalen, qui est médecin, en quête d'exotisme et de littérature.

Au passage, l'auteur s'arrête dans l'île de Pâques et en Polynésie pour constater les mêmes errances… les mêmes erreurs.
Lien : https://dominiquelin.overblo..
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
On connaît quelques-uns de ses amis "retours de Chine", ceux que Victor rencontre avec plaisir dans les derniers temps de ses préparatifs, tous militaires, marins précisément, cette caractéristique favorisant l'entre-soi qu'un civil ne peut comprendre.
Parmi eux, Claude Bargone, officier de marine au Tonkin, en Chine et au Japon, qui se nomme Claude Farrère en littérature, Pierre Richard, médecin sur un navire d'escadre en mer de Chine quelques années plus tôt, et surtout Henry Manceron, un ami d'enfance plein d'enthousiasme pour décrire les formidables perspectives de la France dans l'empire, un fin connaisseur de la Chine et de son peuple ; enseigne de vaisseau dans l'état-major du vice-amiral Pottier, celui qui commandait pour la France la répression contre la révolte des boxers une dizaine d'années plus tôt et que Pierre Loti préviendra de la parution de son recueil d'articles rédigés au fil de sa traversée d'un pays ravagé par la guerre, les massacres et les pillages ...
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Après tout, en Extrême-Orient, détruire, c'est la première loi de la guerre. Et puis, quand on arrive avec une petite poignée d'hommes pour imposer sa loi à tout un pays immense, l'entreprise est si aventureuse qu'il faut jeter beaucoup de terreur, sous peine de succomber soi-même
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Une statue de l’Île de Pâques nous chante plus que sa vie au bord de la mer, sur une île de l’océan Pacifique - le Grand Océan, comme il est écrit sur la carte de mon vieil atlas de 1891 -, elle crie cette manie du monde occidental de toujours vouloir s’acca­parer, quitte à détruire.
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À l'endroit de la décollation, je remarque le bois éclaté, les marques des coups, de la hache, ces indices que je ne peux m'empêcher de déceler sur toutes les têtes de bouddhas qui ornent et font la gloire de nos musées.
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