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sur 311 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Hervé le Tellier, prix Goncourt 2020 pour L'Anomalie, nous raconte, dans un livre publié juste avant (2017), sa vie, principalement quand il était enfant, adolescent et jeune adulte. ● Encore un livre sur une famille dysfonctionnelle ! nous dira-t-on : certes, mais celui-ci est particulièrement bien écrit, avec un style acéré, incisif, ironique, qui s'écarte de tout pathos et essaie, tant que faire se peut, d'analyser les situations objectivement, en laissant de côté les affects. Et la chose n'est pas évidente, entre l'absence de père, la mère mal aimante, manipulatrice et qui va vers la folie, le beau-père glaçant et inapte dont il porte le nom chargé d'histoire (ce que j'ignorais), et la tendresse et la joie aux abonnés absents. ● La mère surtout, bien sûr, en prend pour son grade, elle qui, par exemple, ne trouve rien de mieux à faire que de renvoyer transformée en confettis la superbe lettre d'amour et d'apaisement que lui envoie son fils (qui lui écrit « J'ai plus besoin de toi que toi de moi. »). ● Cependant, écrit l'auteur, « [p]ar une sorte de balance bizarre, ceux qui ont eu une jeunesse difficile sont souvent mieux armés pour affronter la vie adulte que ceux qui ont été protégés, ou très aimés. » ● C'est aussi un livre érudit, où l'on apprécie les discrètes références culturelles. ● J'ai apprécié d'en savoir plus sur cet auteur que je connaissais de longue date par l'émission Des papous dans la tête qui a longtemps occupé la case du début d'après-midi le dimanche sur France Culture, où il était un des piliers et que je ne ratais jamais. ● J'ai fait connaissance avec lui en tant qu'écrivain avec L'Anomalie, que j'ai adoré. Ici on a affaire à un ouvrage très différent, mais tout aussi addictif. ● Car Hervé le Tellier a su trouver la sagesse d'aller à l'essentiel, de ne pas s'appesantir sur de multiples anecdotes à rallonge et de faire un ouvrage bref, sans gras, nerveux, procurant un grand plaisir de lecture.
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Je ne sais pas comment démarrer ce billet. Choisissez :
- 'Maman est folle...' ♪♫ (William Sheller). Mais son fils peut-il se consoler d'avoir été bien aimé, comme dans la chanson ?
- 'Toutes les familles sont psychotiques', titre déjà pris par Douglas Coupland, et qu'auraient pu utiliser Delphine de Vigan, Sorj Chalandon, et tant d'autres, dont Hervé le Tellier, précisément, pour cette autobiographie.
- Je n'aime pas les autofictions depuis que j'en ai bouffé une dizaine dans le cadre d'un jury littéraire (ELLE) - certaines nombrilistes, forcément, la plupart fades et sans intérêt (mesdames C. Guilbert, C. Schneck, je vous salue...).
- Les Oulipiens me font peur, ils sont trop balèzes pour moi, mais j'en aime un de quasi-amour, isolément (JBP).
- J'ai découvert Hervé le Tellier avec 'L'Anomalie', proposé à l'été 2020 lors d'une Masse Critique Spéciale. J'avoue, j'en ai bavé sur la première moitié (c'est le cas de le dire), lorsque les personnages sont présentés. J'ai jubilé, ensuite. J'ai adoré le pastiche qu'en a fait Pascal Fioretto (L'anomalie du train 006) avec l'aimable et amusante complicité de l'auteur lui-même.
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'Toutes les familles heureuses' faisait partie de mes achats impulsifs, parce que j'aime les idées et l'intelligence caustique de l'auteur, ainsi que certains de ses amis 'célèbres' (dont Fioretto).
Heureuse découverte, lecture riche en émotions avec ce récit vif, tragi-comique sur une famille chaotique, la sienne. Loin du lourd pathos à la louche d'un Chalandon qui a cessé de m'émouvoir - mais je n'essaie plus.
Au vu de sa jeunesse et de sa famille pour le moins 'compliquées', on comprend comment ont pu se développer le talent, la sensibilité, l'humour, le sens de l'imagination autour des centres d'intérêt (maths, philo, littérature, linguistique...) d'Hervé le Tellier.
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Extraits - tous pris dans les trois dernières pages... Hervé le Tellier serait-il comme ces grands timides qui vous disent plein de choses essentielles au moment de partir ? Pas tout à fait car il raconte beaucoup, aussi, dans ce qui précède :
• « J'ai rêvé d'un amour simple, pur, donné sans réserve, sans condition. En devenant père, j'ai tout de suite su qu'il n'y en avait pas d'autre. »
• « Par une sorte de balance bizarre, ceux qui ont eu une jeunesse difficile sont souvent mieux armés pour affronter la vie adulte que ceux qui ont été protégés ou très aimés. » *
• « Si la vie se passe à combler les gouffres ouverts dans l'enfance, alors je sais pourquoi j'aime tant le rire qui ne pénétrait jamais chez nous que par effraction, pourquoi je n'ai cessé de me donner des familles électives, pourquoi mes amis me sont si chers. »
• « Écrire, ce serait mon privilège, pour profiter du monde plusieurs fois, pour jouir sans fin de ma propre insatisfaction. »
• « Mon père, mon beau-père sont morts, ma mère est folle. Ils ne liront pas ce livre, et je me suis senti le droit de l'écrire enfin. »

J'ai adoré, j'ai souri, ri, je suis conquise et touchée en refermant ce livre. ♥

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* L'argent de Poche, Truffaut (1976)
♪♫ https://www.youtube.com/watch?v=yFNdtT08iLo
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Écrire sur sa famille est périlleux, soit on verse dans une admiration sans borne pour ses géniteurs, soit on recherche une authenticité avec la volonté de restituer la vérité sur ses hauts sans oublier le bas.
Il y a d'autres voies, la dérision, l'humour, le rire, qui accompagneront parfois la fuite quand grinceront les dents.


Entre un Sorj Chalendon et le portrait au vitriol de son père à l'humour et l'ironie cinglante et le panorama familial déjanté distribué par Lionel Duroy, où les parents tardent à devenir adultes, il y aura maintenant le rire du monstre Hervé le Tellier...


Le monde familial d'Hervé le Tellier s'égrène dans une ambiance de feu, ou sa méchanceté se glisse partout, jusque dans ses phrases anodines, "même pour des actes indignes, il faut un peu de trempe. Sans doute n'aurait-il pas su refuser de monter dans un mirador" parlant de son père adoptif Guy, page 17.
Le ton est donné, ce label de stupidité servile va nous suivre tout le long cette dialectique que l'auteur a nommé la dialectique du monstre.


J'ai appris la mort de Serge par un après-midi ensoleillé. Serge est mon père. C'est par ces mots que ma soeur qui est ma demi-soeur, m'a appris la nouvelle. "Pour rassurer Jean Pierre Verheggen, un ami de la famille, j'ai dit en souriant : ce n'est rien, mon père est mort".
"Alors j'ai su que j'étais un monstre.page 15."


Ce père, volage de tradition coutumière et familiale, de Marceline à Marinette puis de Marinette à Svetlana, puis de Svetlana à Rosy, finira seul ; Serge apercevra la belle Svetlana embarquer pour la Corse où elle ouvrira un restaurant thaïlandais à Porto-Vecchio.

C'est ainsi que l'homme démasqué découvrit ses valises, " sur le palier et sur la porte un nouveau verrou qu'aucune de ses clés n'ouvrait, son propre père, venait de sonner la fin du vaudeville.
L'affaire avait bien mal commencé. Sous la plume de Jean-Paul Sartre, nous trouvons cette phrase étrange : "personne à commencer par moi, ne savait ce que j'étais venu foutre sur cette terre". Cette petite phrase qui figure dans les Mots reçoit une belle réplique, "quand mon père émergeant d'un songe" dit soudain, page 75, "j'aimerais tellement avoir un enfant. Ma mère alors lui rappela : Mais... tu as un fils, il est là, dit ma mère, en me désignant, bébé rose de six mois qui prend son biberon".


Quand la vie commence de travers il ne faut plus s'étonner que le jeune Hervé le Tellier, décide de partir, deux jours après ses 18 ans. Patrick Modiano écrivit à son père une lettre, Monsieur j'ai l'honneur de vous annoncer que dorénavant je n'aurais plus de relations avec vous. Ici Hervé téléphona à Serge qui écouta en silence.


Nous priver de ces quelques années passées avec son papa Guy eut été une faute de goût, en nous privant de quelques belles anecdotes. Très attaché à son radio tourne-disques Pathé Marconi, le faible Guy, s'est vu par ma mère, cette folle, sa femme de surcroît, vilipendé avec fureur et mépris : "des souvenirs des souvenirs non mais je vais t'en fabriquer moi des souvenirs" le meuble sous le signe Pathé Marconi fut sauvé de la tourmente par le jeune Hervé derrière le signe Pathé Marconi est écrit la voix de son maître.


Fallait-il qu'il se confesse , Qu'il se révolte dans ce contexte déliquescent où chaque histoire, chaque souvenir cachait, une autre histoire et d'autres souvenirs ? Dans ce présent totalement flou, comme la chute de la maison le Tellier (Stylos à plumes), et ce présent totalement faux, le jeune observateur de ses pairs note, fait semblant, simule cachant ses véritables sentiments observant avec délectation ce monde artificiel dont il ne dénouera toute la réalité que bien des années plus tard.
Sa mère avait même caché au grand-père la mort de son fils, et celle du cadet alors, "elle brodait elle brodait avec ardeur".


La fin aurait du être ensoleillée par la beauté de la belle jeune femme, Piette, et tout était en place pour une fin heureuse jusqu'au moment où il évoque son suicide.
"Piette était enceinte de quatre mois quand elle se jeta sous un train." 
Certes elle était de santé fragile et souffrait de troubles dépressifs. Elle sortait de l'hôpital lui avait laissé un message sur le répondeur: "Viens me chercher, vite, je t'aime". Il n'était pas allé la chercher. 

Très vite il a compris, elle s'est suicidée.


Pour achever ce livre, il lui faut affronter la fragilité de l'enfance, la fragilité des sentiments et plus encore de la vie, son regard à distance qui l'a façonné donne à ces dernières pages une émotion intarissable. Il affronte sa famille une dernière fois peut-être comme le point d'orgue d'une enfance qui ne pouvait se terminer qu'en impasse, sa mère ne trouvant que ces mots, "elle avait tout de même un drôle de prénom".


La digue se rompt, Hervé entre deux picotements d'yeux, ajoute : "je ne m'inscris nulle part. J'ai décidé de n'être rien. Rien n'est plus tabou que le désamour et l'éloignement. Je suis fait de bric et de broc. Un enfant n'a parfois que le choix de la fuite." P 221.
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Parler de sa famille, plonger dans la vie de ses proches, d'autres l'ont déjà fait mais Hervé le Tellier avait lui aussi, sans doute, besoin de ce genre de thérapie littéraire. Avec un titre sibyllin, Toutes les familles heureuses, il n'épargne personne, ciblant surtout sa mère dont le bandeau, ajouté par l'éditeur, annonce la folie.

En dix-huit chapitres, l'auteur fait le tour de sa famille, revient régulièrement sur le cas de son beau-père dont il a dû adopter le nom. Enfant, il envisageait la mort de ce couple formé par sa mère et Guy le Tellier. Cette éventualité dramatique ne lui faisait rien…
Tous les défauts de son beau-père comme ceux de sa mère y passent. C'est au vitriol qu'il décrit ses proches mais sans jamais se départir d'un humour salutaire. Il n'oublie pas de remonter à son grand-père maternel : Raphaël Michel qui se distingua comme mécanicien de la fameuse Croisière Jaune, en 1931. C'est chez lui qu'il était le plus souvent, enfant : « Je passais tout mon temps chez mon grand-père où se trouvaient mes jouets, mes jeux de construction et mes puzzles. »
Même s'il avoue que ce n'est pas simple de décrire la femme que fut sa mère, il parle de son attitude sous l'occupation allemande alors qu'elle avait douze ans. Avec sa soeur, Raphaëlle, Marceline est élève du Lycée Jules Ferry. Or, elles ne se souviennent d'aucune camarade de classe, ni même d'une voisine, arrêtées puis déportées… Hervé le Tellier parle d'amnésie familiale.
Ce n'est qu'en 1969, que l'auteur découvre toute l'horreur de la shoah après avoir vu Nuit et Brouillard, le film d'Alain Resnais : « Je découvrais tout. J'étais choqué, bouleversé. » Il confie d'ailleurs que son engagement politique date de ce moment.
Un chapitre est tout de même consacré à Serge Goupil, son géniteur qui « n'avait guère la fibre paternelle. » Puis il revient à « papa Guy » : « Fils unique, dernier rejeton d'une branche aristocratique déchue, choyé et adulé par sa mère, il avait raté avec constance ses études et n'avait aucun diplôme lorsqu'il avait rencontré ma mère à peine divorcée. »

Je tenais à lire ce livre d'un auteur écouté et apprécié aux Correspondances de Manosque mais ces révélations familiales m'ont mis mal à l'aise. Découvrir que sa mère ment comme lors de l'accident mortel de son correspondant allemand, a été un choc pour lui, une rupture et le révélateur d'une quantité de mensonges avérés, dans sa famille.

L'appel à l'amour de sa mère est émouvant, terrible même. Lorsqu'un fils écrit à sa mère : « J'ai bien plus besoin de toi que toi de moi » et que celle-ci retourne la lettre déchirée en petits morceaux, il faut supporter le choc. Écrire est la solution choisie par Hervé le Tellier même s'il sait que ses parents, sa mère toujours en vie, ne le liront jamais.
Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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Il y a les apparences presque lisses, convenables des familles a priori sans histoires.
On lit les blessures de l'indifférence et du désamour dans ce livre très personnel d'Hervé le Tellier qui nous dévoile une cruelle intimité.

Quelques fragments de désespoir dans la relation d'un amour de jeunesse fulgurant, impossible...

Ecrit avec un grand talent, l'auteur sait manier la dérision pour faire jaillir parfois l'hilarité.

C'est un beau récit sans concession, émouvant, caustique et attachant.
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Belle démonstration de ce que peut être la résilience... dans "Toutes les familles heureuses" Hervé le Tellier se raconte mais raconte surtout comment on peut aimer la vie même si on n'a pas été aimé par ses parents que l'on a fui.
Je caricature un peu et surtout je le dis beaucoup moins bien que l'oulipien. Je crois que ce qui me plaît le plus c'est le ton qu'il emploie, drôle sans être ridicule, poignant sans être mélodramatique.
Il raconte ses relations familiales donc forcément son enfance, l'inexistence du père, la froideur du beau-père, les mensonges de la mère... et ce qui touche aux sujets qui fâchent comme l'argent, la religion ou l'amour.
Il le fait en évoquant l'excellent "Je me souviens" de Georges Perec qu'il cite à plusieurs reprises.
D'ailleurs, j'apprécie beaucoup ses références littéraires dont celle de "Dora Bruder" de Patrick Modiano, en écho la Shoah. Il énumère avec beaucoup d'émotion les noms des enfants déportés qui étaient dans la classe de sa mère Marceline ou de sa tante pourtant devenues amnésiques. Cela l'interroge comme beaucoup d'autres découvertes qu'il fera plus tard.
J'ai aussi été bouleversée par le chapitre sur ses vingt ans et la mort de Piette, la femme aimée.
Tout cela contribue à me faire apprécier cet auteur que je trouve particulièrement sympathique.


Challenge Riquiqui 2022
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Ecouté en livre audio
Je n'avais pas été convaincu, loin de là, de l'anomalie. En revanche, j'ai succombé aux charmes du récit que fait l'auteur de ses années de jeunesse. le ton n'est pas larmoyant mais assez froid et distant. L'auteur va droit au but, sans hésitations.
La lecture du récit est parfaite.
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Parler de sa famille est toujours périlleux.
Car il faut éviter l'écueil de l'idolâtrie mais aussi ceux du misérabilisme, du pathos ou de l'exhibitionnisme.

L'auteur y parvient en remettant en cause ses pensées, ses ressentis, ses différences.
En y mêlant amour, humour, humour noir ou grinçant, autodérision et même rire.
En prenant de la hauteur et en s'observant lui-même
Une thérapie pour lui ? Certainement.
Une lecture agréable et prenante ? Absolument, je n'ai d'ailleurs pas réussi à m'arrêter et l'ai lu d'une traite.

Une histoire familiale complexe, mariages, remariages, jalousies, haines.
Un père biologique absent, un beau-père "larvaire" sous la totale domination de sa femme, une mère "folle" (ou bipolaire, ou parano... quel est le terme "politiquement correct" ?).
Mais je ne vais pas vous en dire plus ;-)

J'avais déjà croisé le chroniqueur Docteur H dans "La grosse Bertha" puis dans "Charlie hebdo", ainsi que certains de ses textes oulipiens.

J'ai découvert l'auteur en lisant "L'anomalie", ce roman mis en exergue par Etienne Klein lors d'une interview télévisée, qui s'est avéré ensuite "goncourtisable" puis "goncourtisé" ;-)

Evidemment, en croisant cette édition au format poche, son nom a déclenché l'acte d'achat.
Fort de cette 2ème expérience positive, je vais aller fouiller pour trouver "Je m'attache très facilement", "Assez parlé d'amour", "Eléctrico W" et/ou "Contes liquides"

Livresquement votre
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Lorsque j'ai pris ce livre, le titre me semblait beau "toutes les familles heureuses".
Lorsque j'ai pris ce livre et que j'ai lu la quatrième de couverture, ces quelques phrases en disaient long. Lorsque j'ai participé à une rencontre d'auteurs à laquelle était présent Hervé le Tellier et qu'il disait détester ses parents, j'ai été surprise, choquée car pour moi cela était inconcevable. Et puis j'ai lu son livre, j'ai appris à découvrir pourquoi et comment cela était possible. J'ai pu mettre des mots sur les maux que Hervé le Tellier avait gardé en lui, enfouis pendant toutes ces années. Il nous raconte ici l'histoire de sa vie, de son enfance à son âge adulte ; il nous présente sa famille, cette famille au sein de laquelle il n'a finalement pas grandi, cette famille qui l'a si souvent repoussé, si souvent insulté, si souvent malmené. Lorsque l'on est issu d'une famille très aimante et qu'on est très entouré, on a du mal à comprendre que cela puisse exister. En tant que parent on doit aimer nos enfants. Et en tant qu'enfant on doit aimer nos parents. Mais cet échange d'amour peut être rompu, peut être anéanti, peut être cassé.
Ce livre est bouleversant, touchant, incroyablement émouvant. Hervé le Tellier choisit ses mots pour nous raconter ce qu'il a ressenti pendant si longtemps, cette faiblesse, ses douleurs. Il y fait malgré tout preuve d'une certaine indulgence cherchant à arrondir les choses, à ne pas offusquer. Comme il a dû être difficile pour lui de coucher cela sur du papier, écrire ce livre au goût si amer. Écrire sur ceux qu'on aime doit être toujours une délicate opération, délicate action, un difficile exercice qui l'est certainement d'autant plus lorsqu'on ne les aime pas.
Ce livre est un remarquable tour de force, très intime, très personnel, très déstabilisant parfois.
Il n'y a pas de place pour la légèreté. Juste une histoire qui nous a ici été livrée comme peut-être il en existe bien d'autres semblables.
Une chose est sûre, Il ne laisse pas indifférent....
Lien : https://littelecture.wordpre..
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Le dernier chapitre du roman d'Hervé le Tellier s'ouvre avec cette citation de Tolstoï extraite d'Anna Karénine "Toutes les familles heureuses se ressemblent ; chaque famille malheureuse l'est à sa façon." C'est bien connu, la famille peut être une vraie plaie, mais que ferait-on sans elle ? L'auteur l'affirme, il n'a jamais rêvé d'une autre famille, même si de manière confuse, il sentait que quelque chose n'allait pas. Sa famille était très particulière...

Hervé le Tellier déclare n'avoir pas été un enfant malheureux, ni privé, ni battu, ni abusé. Mais très jeune, il a compris que quelque chose n'allait pas, très tôt il a voulu partir, et d'ailleurs très tôt il est parti. Son père, son beau-père sont morts, sa mère est folle. Par conséquent, ils ne liront jamais Toutes les familles heureuses, ce livre qui évoque cette bien étrange famille. L'auteur tire d'abord le portrait de ses proches. Celui du beau-père, du grand-père, de la mère qu'il nomme par son prénom, de sa tante puis du père, Genitor. S'ensuit l'évocation des principales étapes de sa vie qu'il illustre de situations concrètes aussi farfelues que croustillantes. Les pages de Toutes les familles heureuses se tournent et pas l'ombre d'une once d'amour. de la jalousie, de la folie, ça oui, il y en a, mais de l'amour, pas vraiment. Dans sa famille, l'amour ne va pas de soi.

Toutes les familles heureuses est un roman autobiographique. Parce qu'il ne sera jamais lu des siens, Hervé le Tellier s'est autorisé à raconter sa famille sans colère et la décrire sans se plaindre. Il affirme même vouloir en faire rire, sans regrets.

Dès la première phrase, la première page, sa plume acérée et son style narratif nous transporte au coeur de cette cellule familiale si singulière. Il égraine son arbre généalogique, évoque sans aucune complaisance un à un les siens. le ton est tantôt caustique, tantôt pudique comme pour y mettre de la distance et jeter pudiquement un voile sur ses sentiments. Hervé le Tellier n'est jamais larmoyant, il est factuel, même lorsqu'il illustre les différentes étapes de sa vie. Pourtant, certaines situations sont psychologiquement insupportables et particulièrement violentes.

Toutes les familles heureuses n'est pas sans rappeler le fabuleux Profession du père de Sorj Chalandon. Ces deux romans évoquent la folie d'un parent que l'enfant subit sans s'en rendre compte. Les deux auteurs se sont autorisés à l'évoquer, à l'écrire qu'une fois la certitude acquise que leurs parents ne pourront jamais voir leur folie défiler entre les pages. J'avais aimé le roman de Sorj Chalandon, j'aime tout autant celui d'Hervé le Tellier. Un conseil, lisez-le !
Lien : https://the-fab-blog.blogspo..
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