On est bien chez Rivages noir et pourtant, on est assez éloigné du polar ou du roman noir dans
Un homme brisé de
Howard Fast, traduit par
Monique Lebailly. Dans une énième approche introspective sur la guerre et ses conséquences, Fast choisit un angle original en s'intéressant à une victime de l'avant et de l'après.
Jeune et insouciant ingénieur, Scott Waring jouit pleinement de sa passion pour Martha qu'il vient d'épouser, et qu'il emmène en ce printemps 1939 en voyage en Europe. À Berlin, alors que le nazisme gronde déjà depuis plusieurs années, ils assistent « en touristes » au discours d'Hitler au Reichstag. Un oubli, une pensée, un geste malheureux, et le couple est arrêté par la Gestapo, interrogé et torturé. Scott s'en sortira…
Bien que ne participant pas à la suite de la guerre, Scott est définitivement marqué par cette vie toute tracée qui a soudainement basculé dans l'horreur. Des années plus tard, son incompréhension persistante, ses nombreuses séquelles psychologiques, son sentiment de culpabilité puis sa rencontre avec Janet, rescapée des camps de la mort, vont le pousser dans une analyse de ce qu'il a vécu comme de ce qu'il n'a pas vécu, seule issue pour avancer.
Si l'écriture froide et distanciée de Fast n'aide pas à entrer en empathie avec Scott et ses démons,
Un homme brisé apporte un regard intéressant sur la culpabilité de « ceux qui en sont revenus », voire de ceux qui y ont échappé. le retour en forme d'errance de Scott en Allemagne dans les années 50 sur les traces de la guerre et de la Shoah, sa volonté naïve de prendre sa part à la souffrance juive ou sa tendre relation avec Bertha, tenancière collaborationniste de bordel bavarois sont autant de passages touchants à défaut d'être totalement cohérents. Une lecture inégale donc, avec heureusement quelques fulgurances qui sauvent l'ensemble.