Jalonné d'aphorismes, de notes ou de maximes le cimetière des plaisirs de
Jérôme Leroy oscille entre la fascination pour la formule brève cette utopie de l'écriture qui concilie presque miraculeusement la pression du monde et le retour à une absence perdue, le silence imminent et la parole obligatoire et l'amour du roman dans un monde qui n'a plus le temps de raconter des histoires.
Ce professeur de français qui enseigne dans la métropole lilloise évoque par brides les élèves du collège Brancion mais laisse à d'autres le soin de raconter la vie de l'établissement mais s'il l'avait voulu, il aurait pu rédiger un texte entre les murs à la façon de Bégaudeau car il ne sait plus s'il est là pour limiter les dégâts, apporter un peu de justice et d'espoir pendant cinquante minutes de cours ou s'il est devenu, par une dialectique perverse, le chien de garde d'un système mourant, retardant pour quelques temps encore l'inévitable explosion des révoltes légitimes.
Le cimetière des plaisirs se démarque des autres textes de
Jérôme Leroy que j'ai d'ores et déjà chroniqués dans les pages de ce blog car ici point de barbouzeries comme dans Rendez-vous rue de la monnaie ou nul monde pas si imaginaire que ça ,pollué, ultralibéral, et sécuritaire montrant où les tendances lourdes de nos sociétés pourraient nous conduire si nous n'y prenons pas garde comme dans
Big sister ou Bref rapport sur une très fugitive beauté.
Pourtant pas de doute, bien que ce roman soit intimiste et inscrit dans le quotidien d'un Rouennais éxilé dans le Nord, nous sommes bien dans le même univers. Un univers où le regard porté sur l'actualité est lucide où la désespérance est mâtinée de révolte qui gronde. Un univers où l'on va à la cuite comme d'autres montent au front, avec la compétence des unités d'élite, où la musique est l'oriflamme de la nostalgie et de la mélancolie comme l'atteste cet espoir que le chagrin d'amour, avec le temps justement, devienne mélodique puisque les nouvelles femmes étreintes pour feindre de jouer le jeu des promesses ne permettent pas d'oublier la femme qu'il aimera toute sa vie. le couple est au mieux une association sensuelle pour résister au servage économique et à la répression sociale et au pire, la coexistence purement spatiale de deux solitudes qui perdent dans cette conjonction la pénible obligation de s'avouer qu'elles ne sont, précisément, que des solitudes. Pire les nouvelles relations telles que celles qu'il entretient avec la danseuse, servent de support pour revivre des moments qu'il a vécus avec son chagrin d'amour ou qu'il aurait aimés vivre avec elle.
On pourrait penser que la lecture de
Jérôme Leroy est déprimante, angoissante. Il n'en est rien car au contraire elle affûte le sens critique, rappelle l'essentiel, évoque l'utopie en creux que chacun devrait garder à l'esprit. Mais cela à un prix : faire le deuil de quelques illusions.
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