En 1977 sort en France "
Ces garçons qui venaient du Brésil" d'
Ira Levin dans la foulée rêvée de "
Un bébé pour Rosemary", "
Un bonheur insoutenable" et "
Les femmes de Stepford". Trois romans qui, d'une manière ou d'une autre, ont creusé leurs sillons vers le succès, même si le dernier reste un tantinet à la traîne en restant méconnu. Mention spéciale pour le premier en tant que chef d'oeuvre dystopique aux côtés de "1984" et "Le meilleur des mondes". Ils essaiment, tous trois, en territoires science-fictif et fantastique. Avec "
Ces garçons qui venaient du Brésil", Levin s'essaie au thriller qui décoiffe, le tout mâtiné SF (eugénisme, immortalité via clonage...).
1974.
Au Brésil, dans la jungle à la frontière avec le Paraguay: une grande habitation de type européen, très isolée, très protégée, loin de tout si ce n'est par avion. Josef Mengele s'y terre loin des griffes de la justice internationale. "L'Ange de la mort", qui expérimentait trente ans plus tôt sur les jumeaux d'Auschwitz, est sur le point de lancer une opération spéciale, programmée dans les moindres détails depuis des années. Elle se doit d'être, au vu des circonstances, discrète mais efficace. de sa réussite dépendra la naissance d'un nouveau Reich. Rien que çà..!
"Six SS partent demain en mission..."
Quatre-vingt quatorze hommes de part le monde, de soixante cinq ans, tous apparemment inoffensifs, des petits fonctionnaires lambda, mariés à des femmes beaucoup plus jeunes qu'eux doivent mourir à des dates très précises. Il s'agit de donner l'impression d'accidents fortuits, aucun lien ne doit être détecté entre eux.
Vienne. Yakov Liebermann (version romancée du très réel Simon Wiesenthal ): "Le chasseur de Nazis" qui traque les criminels ayant échapper aux procès de Nuremberg. Il est, par la bande, au courant de certains éléments du projet SS mais en ignore la finalité. Que commence la traque ... quand personne ne semble croire à l'impossible.
Deux destins vont s'entrechoquer à la convergence des parallèles. D'un bureau viennois étriqué, poussiéreux et surchargé de dossiers pour l'un; d'un restaurant asiatique à Sao Paulo où d'anciens nazis se remémorent leur passé SS pour l'autre; jusqu'à un chenil où les crocs de dobermans scelleront le destin de l'un d'eux.
La suite appartient au récit...
La situation, ainsi présentée en 4 de couv, est pour le moins originale. Son côté barje et complètement barré racole et rameute le client. Il lui semble y avoir du lourd. le potentiel lecteur, incrédule comme devant un titre de presse people, se laisse prendre au syndrome du "Plus c'est gros plus çà passe". Ce pitch incroyable soulève à merveille son désir d'en savoir plus. L'appât, soigneusement mitonné, est efficace et redoutable. L'achat se fait, les premières pages d'un long premier chapitre tournent et tiennent toutes leurs promesses. Cible ferrée, fébrile dans l'attente de la suite, reste à garder le lecteur hameçonné tout du long du roman.
Et c'est là que tout se complique: l'enquête frénétique menée par Lieberman, d'Allemagne aux USA, apparaît rapidement improbable dans les raisons qu'elle a d'être menée. N'y croit bientôt plus que celui qui veut y croire. Racoler brillamment sur le devant de scène une figure mythique du nazisme et un clone de chasseur de nazis célèbre ne suffit bientôt plus, l'effet s'émousse et laisse apparaître des effets trop théâtraux au titre de fantasmes d'après-guerre depuis trop souvent utilisés (le banquet nazi toutes svastikas déployées avec Miss SS 1974 de sortie par exemple).
"
Ces garçons qui venaient du Brésil", en 2020, m'est relecture d'un roman qui m'avait jadis enthousiasmé dans la foulée du film éponyme de F.D. Schaffner en 1978, un OVNI ciné pétaradant, décapant et au casting de rêve. J'en avais tourné fiévreusement les pages à son époque de parution chez "J'ai Lu" en 1979. Je ne lui reproche pas aujourd'hui les ingrédients qui m'avaient tant plu quarante ans plus tôt, en un mot le fond, mais la forme mis en oeuvre; les moyens d'écriture en sont datés. Autres temps autres modes, le thriller depuis cette époque s'est amélioré, s'est inventé des scénarios tout aussi fous mais sous des plumes encore plus inventives et efficaces, pour lesquelles l'entretien du suspense relève plus de la méthode d'écriture que d'autre chose. Tout est dans la forme, le roman de Levin manque cruellement des moyens narratifs actuels.
N'empêche subsiste un bon et agréable moment de lecture sous le sceau de l'incrédulité, du dépaysement historique fantasmé, d'une action menée a bride abattue. Je ne pense pas que Levin y ait mis d'autre prétention.
Pourtant ... versant science-fictif, le roman à l'oeuvre de son thème principal, le clonage, se veut très prudent et offre un point de vue déontologique très restrictif, voire définitif. Se sera le sujet de la première mise en abime ... alors que la seconde, comme l'autre lame d'un rasoir jetable, installera une trouble atmosphère via sa fin diaboliquement ouverte ... que l'on peut voir venir de loin.
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