Kroum l'ectoplasme.
Une vision décapante de la société israélienne contemporaine!
Entre ceux qui n'attendent plus rien de leur vie, ceux qui couvent toutes les maladies de la terre vêtus d'un éternel pyjama, ceux se laissent flotter entre deux eaux, et ceux qui s'étourdissent dans la fête perpétuelle, passent leur temps à s'inviter chez les autres pour se nourrir ou se divertir, il n'y en a pas un pour rattraper l'autre!
Un vrai casse-pipe auquel Hanokh Levin nous convie allègrement.
Un nouveau jeu de massacre, réjouissant à lire et à voir!
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Je n'ai lu que "Kroum l'Ectoplasme" mais cela suffit pour comprendre le style d'Hanokh Levin. L'auteur met en scène des personnages désabusés, empreints à une inertie violente et dure. Et le lecteur (ou le spectateur) rit de cette stagnation, de cet excès de malheur. Hanokh Levin est un grand auteur de comédies, à découvrir par tous les amateurs de théâtre.
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SCHIBEUGEN.– Oui. C'est le petit espoir qui vous reste. L'épuisement. Ce qui vous guérira, en fin de compte, ce sera une incommensurable lassitude. Vous vieillirez, vous vous étiolerez, et avec la faiblesse viendra le repos. Certes, vous n'aurez pas la force de vous réjouir, mais pas celle non plus de crier, de protester ou de souffrir. Une douce sérénité vous enveloppera. Vous serez calme, calme, juste un petit moignon de vie déchue, repliée sur elle-même et bien ordonnée. Une épaisse couche de cendres recouvrira vos amours passées, présentes, inachevées, inaccessibles, et qui, de toute façon, vous auront renvoyés à votre solitude. Ensuite, doucement, très doucement, sans sursaut ni amertume, vous commencerez un jour à agoniser. Plus rien ne vous intéressera, ni l'agitation ambiante, ni Dieu, ni l'espoir, ni le sens à donner à votre vie. Il vous restera juste assez de force pour tourner vers l'avenir un regard fermé, un regard qui lui aussi se brouillera peu à peu. Jusqu'à ce que vous mouriez. Oui, misez sur l'épuisement.
(p. 105-106, extrait de Kroum l'Ectoplasme)
KROUM : On se marie.
TROUDA : Quand ?
KROUM : Maintenant, tout de suite. C'est-à-dire, juste après Tougati.
TROUDA : Monte.
KROUM : Le lit a été réchauffé par Takhti.
TROUDA : Rien ne peut être réchauffé par Takhti. Allez, viens.
KROUM : Tu avoues qu'il était dans ton lit ! Salope !
TROUDA : Tu avais disparu pendant deux semaines, qu'est-ce que tu espérais ?
KROUM : Bon, j'en ai marre, je t'épouse, mais je vais être franc, pour que tout soit bien clair entre nous : ce dont j'ai besoin en priorité, c'est de calme. Tu me connais, tu sais à quoi t'attendre, et idem pour moi. Je ne veux pas de tendresse superflue entre nous et pas ailleurs qu'au lit. Je t'interdis de m'affubler de petits noms affectueux et de te pendre à mon cou dans la rue. Pour être totalement sincère, tes marques d'amour me donnent la chair de poule. Elles sont aussi désagréables que le crissement d'un ongle sur du Formica. Si tu te contentes de me supporter, ça ira. Voilà.
TROUDA : Quant à toi, si tu voulais que je reçoive ta demande en mariage comme un crachat à la gueule - c'est gagné.
FÉLICIA. –[...]Il vous a ramené quelque chose ?
LA MÈRE. – J'ai tout ce qu'il me faut.
FÉLICIA. – Un petit téléviseur ?
LA MÈRE. – J'ai déjà un téléviseur.
FÉLICIA. – Made in Germany par exemple.
LA MÈRE. – On voit très bien sur le mien.
FÉLICIA. – Un manteau en cuir ? Un porte-monnaie ? Un foulard ? (elle regarde autour d'elle. Renifle) Enfin…
LA MÈRE. – Ma chère madame Félicia, mon fils est revenu sain et sauf. C'est le plus important. Il est en bonne santé, il travaille et gagne sa vie, qu'est-ce que je peux demander de plus ? D'ailleurs, c'est lui qui s'est payé son voyage en Europe.
(KROUM L'ECTOPLASME)
YAACOBI.–(pour lui-même) C'est ça, c'est ça, continue à philosopher. Je vais te malaxer les fesses et toi, tu philosopheras. Un homme peut-il désirer autre chose que de pétrir le corps d'une femme perdue dans ses pensées ? C'est le meilleur moyen pour s'en donner à cœur joie sans être dérangé par la dame en question.
(YAACOBI ET LEIDENTAL)
Entre nous ce ne fut pas l'ivresse
On s'est pris, s'est choisis comme ça
Parce que tombe, tombe la pluie
Parc'qu'il fait froid, trop froid la nuit
Et comment passer cette vie-là
Sans une étreinte, sans une caresse.
(UNE LABORIEUSE ENTREPRISE)
Hanoch Levin. Que d'espoir! Théâtre (Partie 1).