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3 pages
chinese-shortstories.com (28/09/2021)
4.85/5   17 notes
Résumé :
Chi Li : « Une taille de guêpe »
池莉《细腰》
par Brigitte Duzan, 28 septembre 2021
Cette courte nouvelle de Chi Li (池莉) a été écrite en 1986, c’est-à-dire avant qu’elle ait terminé ses études à l’université de Wuhan. Même si elle n’a été publiée dans un recueil qu’en octobre 1999, c’est la date de son écriture qui importe : elle reflète en fait l’influence de la littérature d’avant-garde qui s’e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
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« Une taille de guêpe », nouvelle de la chinoise Chi Li publiée en 1986, est en train de passer de mains en mains au sein de notre petite communauté…ceci grâce à Mh17 qui nous offre régulièrement ses trouvailles, de petites pépites et celle-ci brille d'un bel éclat. J'ai l'impression que chacune de nos critiques se font perles de Jade d'un collier que nous nous passons et qui devient de plus en plus coloré et fourni.

Cette courte nouvelle est un tableau, une aquarelle sombre où les contours de la ville, des rues, des bâtiments sont flous du fait de la pluie, une pluie fine et continue, la pluie des prunes de la fin du printemps, transformant la ruelle en éléments aquatiques, les voitures en anguilles ondulantes, glaçant les objets telles des peaux de serpents gelés.
L'exactitude du trait teinte ce décor indistinct d'une poésie douce-amère et drape d'un onirisme sombre la scène centrale de cette nouvelle : la cérémonie du thé. de celle-ci provient la lumière.

Dans ce décor, le vieux Guo est déposé par un chauffeur devant un temple. Dans un grincement de porte que nous avons l'impression d'entendre tant l'humidité semble étouffer tous les autres bruits, il est accueilli par une personne âgée puis monte d'un pas déterminé à l'étage pour y retrouver une vieille femme. Sans que rien ne soit dit on devine…on devine ce qui les lie, du moins ce qui les a liés. Nous comprenons en peu de mots qu'ils ne se sont pas vus depuis longtemps, très exactement à son étonnement quant à la taille de la femme qui, malgré le temps, est resté très fine, telle une taille de guêpe.

S'en suit la cérémonie du thé. Il m'a semblé que ce temple était un rêve, une sorte de tombeau scellé par de solides portes en sapin. le monde de l'au-delà dans lequel Guo a osé pénétrer. Seules des personnes âgées y sont présentes, asexuées, dont on ne perçoit que les regards, tous tournés vers ce visiteur bruyant qui monte d'un pas lourd vers ce fantôme du passé.
La cérémonie du thé est décrite avec délicatesse et est, pour moi, une métaphore de la vieillesse. La lumière est ici compréhension. En trois tasses de thé, nous apprenons et comprenons les trois temps d'une valse immuable : le premier temps du constat des stigmates du temps qui passe, rides et cheveux blancs, les questionnements qu'il engendre et l'acceptation de ces changements, le deuxième temps, le meilleur, la plénitude retrouvée et la prise de conscience du bonheur de pouvoir encore savourer de tels moments de partage, le troisième temps enfin celui de la mort qui rôde lorsque tout se consume et que les couleurs perdent de leur éclat.

Une valse à trois temps, douce et entrainante, comme la vie qui passe…
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Il pleure dans mon coeur comme il pleut sur la ville...

Une très jolie découverte que cette courte nouvelle de Chi Li laquelle a été publiée en 1986 et que j'ai eu le plaisir de lire hier soir sur le site chinese-shortstories grâce à Mh17.

Un beau récit poétique empreint de sagesse et d'humilité sur la vieillesse, le temps qui passe et nous emporte vers l'inéluctable ; récit dans lequel nous évoluons au rythme des infusions du thé et de cette fine pluie des prunes qui n'en finit plus de tomber sur une ville brumeuse et crépusculaire qui semble disparaître comme un souvenir lointain ou un rêve que nous aurions fait.

Les descriptions minutieuses sur la préparation du thé, la gestuelle précise, les ustensiles utilisés font tout le charme de ce récit. Peu ou pas de mots, simplement des regards attentionnés entre les deux protagonistes : un vieil homme prénommé Guo et une vieille femme dont nous ne saurons rien si ce n'est qu'il se retrouvent après une longue séparation. L'atmosphère est rassurante à l'intérieur de la petite pièce pourtant misérable qui sert de logement à la vieille femme, sûrement est-ce dû à la chaleur qui émane de ces deux coeurs fatigués qui se retrouvent au milieu des effluves d'encens et de thé.

Et comme la vieille femme, nous savons déjà tout sans que l'autrice n'ait besoin de nous dire quoi que ce soit. Ses cheveux blanchis par le temps et cette fine taille de guêpe qu'elle arbore malgré les années, une taille si fine que le vieux Guo pourrait l'enserrer de ses deux mains, témoin d'un amour autrefois consumé et de la misère dans laquelle elle vit certainement depuis.

Alors le vieux Guo a voulu tenter sa chance avant de tirer sa révérence. Il a demandé à son chauffeur de le conduire au fond de la ruelle sombre, il a frappé à la grande porte en sapin de Chine du bâtiment aux allures de temple bouddhiste, il a monté les marches du vieil escalier guidé par la voix de celle qui n'était que regrets comme on entre dans un tunnel à la recherche d'une dernière lueur d'amour et d'espoir.

C'est beau, c'est triste... C'est vieillir, c'est s'en aller sans avoir de regrets et pleurer tout doucement comme tombe la pluie des prunes à la fin du printemps, légère et silencieuse...


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Atmosphère brumeuse et envoutante de la fine pluie des prunes, pluie ou vallée de larmes ?
Larmes versées par l'ancienne amante délaissée, à laquelle Guo vient rendre une soudaine visite, que l'on craint être la dernière avant longtemps, voir l'ultime.
Elle lui offre un thé, dès la première gorgée, leurs souvenirs affleurent, retour sur leur vie, leur jeunesse, l'harmonie entre eux renaît.
Deuxième infusion, le thé se fait plus savoureux, dans l'instant présent, moment suspendu d'apaisement, de complicité partagée, le temps d'un échange presque sans paroles, boire le thé va leur permettre de renouer avec leur ancienne flamme et les plonger dans une douce chaleur apaisante.
Ils apprécient pleinement ce moment, cette joie partagée d'être réunis. Guo observe chez elle ce qui a changé, son visage ridé, ses cheveux blanchis, mais dont la taille de guêpe semble immuable. Si elle mène une vie simple et dans le dénuement, Guo semble ne s'être rien refusé des plaisirs de la vie, son ventre proéminent en témoigne. Mais déjà le temps ou la mort revient à pas feutrés, comme un chat qui furète …
A la troisième infusion, le thé a moins de goût, la vie s'est écoulée, fanée, ternie…
Guo aimerait la retenir auprès de lui, cette femme, sa taille, son ancienne vie, le présent qui s'échappe, les enserrer de ses mains, mais elle l'en empêche, se dérobe, le rappelle doucement à son devoir, elle ne le retient pas, il doit partir, retrouver les siens, et surtout ne pas s'empêtrer dans de vaines promesses jamais tenues. La mort est déjà là, rôde, frappe à la porte, avec des coups brefs, et livre ses premières attaques frappant le coeur …
Comme il l'a toujours fait, il s'en va, après un dernier instant de complicité volé auprès de sa belle solitaire aux cheveux argentés, qui semblait l'attendre là depuis toujours, et referme la lourde porte sur celle qui semble prisonnière de son ancien amour dans son triste et modeste mausolée.
Il est temps pour lui de fuir, le moment magique est passé, la laissant à ses larmes et à la pluie des prunes…

Merci à vous tous ami.e.s babeliotes pour la découverte de ce magnifique texte, puissamment évocateur, il me semble que je pourrai en disserter sans fin. Tant de belles choses et de vie(s) dans ce si petit texte. Bravo à Chi Li, et j'espère avoir la chance de savourer encore quelque temps la deuxième infusion, sans passer trop vite à la troisième…
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C'est un petit texte d'une taille de guêpe. Une nouvelle de trois pages écrite en 1986 par la romancière chinoise Chi Li, un récit d'une apparente concision, dont la teneur sibylline se révèle dans ce qui n'est pas dit et dans la manière dont sa petite voix intérieure se prolonge en nous longtemps après...
C'est un portrait en demi-teinte de deux personnages dont on ne comprend que vaguement ce qui a pu leur arriver et dont on devine entre les lignes la relation qui les lie.
Écartant le rideau de nuit, soulevant un voile d'une pluie légère de printemps, celle qu'on nomme poétiquement la pluie des prunes, nous devinons l'approche d'un taxi au fond d'une ruelle froide, à l'écart des bruits de la ville.
On pourrait y voir un tableau, l'esquisse d'un décor noyé de pluie où un paysage étrange apparaît dans les contours sombres d'une ville.
Le taxi dépose le vieil homme devant une vieille bâtisse, un temple bouddhiste. Ses pas sont comme des phalènes dans le faisceau des phares de la voiture qui s'en va...
C'est un rendez-vous, une rencontre entre un vieux Monsieur, le vieux Guo, et une femme également âgée. Il entre dans le vieux temple qui fait face à ce décor onirique.
Il rejoint la femme à l'étage.
S'ensuit entre eux une longue cérémonie du thé... On pourrait presque sentir l'arôme flotter entre les pages.
Écartant le rideau de la nuit et sa pluie sans discontinuer, j'ai traversé ce chagrin presque intemporel. Les rides laissent-elles les larmes glisser moins vite sur un visage épris d'amour dans la solitude du soir ? En font peut-être d'autres chemins ?
Ici les mots se taisent, il n'est pas besoin de les dire, de les entendre, nous les devinons, ils se cachent dans les gestes rituels de cette cérémonie du thé. Les gestes de ce rituel jettent entre eux des ponts presque impossibles.
Une taille de guêpe, c'est peut-être la silhouette d'une femme qu'un homme a étreint il y a très longtemps de ses mains fragiles et amoureuses.
Ce texte nous abandonne à nos interrogations, ces deux êtres sont là dans l'intimité de leurs gestes, comme protégés dans cet instant en suspens, oublié du temps qui passe.
Refermant le rideau de la nuit, je reviens sur mes pas sans faire de bruit, un taxi s'éloigne laissant quelques rides au bord de la pluie des prunes.
Ce texte et sa traduction en font un délicat joyau d'une beauté et d'une tristesse indicible.
Merci à toutes celles et ceux qui m'ont donné envie de traversé les pages de cette pluie de prunes...
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Beaucoup d'ombres dans la grande ville, une fine pluie tombe ( c'est le moment où les prunes sortent, quand on sait la beauté des fleurs de prunier en Chine)et obscurcit encore le dédale labyrinthique des ruelles ; la voiture comme une anguille doit adopter l'allure ondoyante d'un serpent, les portes noires ouvrent sur un escalier qui apparaît à Guo encore plus sombre qu'avant ( là , j'ai eu un doute sur la traduction et en reprenant le texte chinois, merci croqui Christophe, qui m'a permis de lire dans le texte, le « comme si il avait déjà reconnu les lieux » me semble inadapté ( non, je me vante, je ne connais pas le chinois)
Parce qu'il reconnaît les lieux- en vrai et pas comme si - le serpent gelé de l'escalier, et bien sûr, la femme.
En haut, il la voit, elle.
Il se sent comme un oiseau tombé du nid à la nuit, comme s'il revenait là chaque jour. Les années ont passé, leur parcours a été différent, et ils sont là, autour d'une théière en terre, ils n'ont pas besoin de parler, ils se reconnaissent.

De profondes entailles sur son visage à lui, de petits plis sur son visage à elle : ils peuvent lire le mystère de leurs vies respectives, séparées et en déchiffrer les arcanes du temps qui heureusement laisse des traces : elle, elle en a « la patine et l'arôme », se dit-il.
Ses cheveux sont blancs, heureusement aussi, d'abord parce que ces vagues de lumière argentée lui donnent sérénité et paix, la fumée blanche de vapeur de la bouilloire et les flammes bleuâtres du poêle répandant blancheur en plus de la surface neigeuse des visages.
Et la colère du vieux Guo, avec son petit pavillon rouge s'apaise à la vue de tout ce blanc.
Rencontre, bonheur de pouvoir boire un thé vert ensemble, vraie rencontre ; il reviendra c'est sûr, et pourra serrer dans ses mains sa taille de guêpe à elle, l'âge n'a pas changé son plus précieux atout.

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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Sur le plateau, elle avait mis une théière en terre cuite de Yixing, un pot et deux tasses également de terre cuite. Après avoir ébouillanté la théière, elle prit avec une cuillère en ivoire quelques feuilles de thé dans le pot de terre et les fit glisser dans la théière qu’elle remplit à nouveau d’eau bouillante et referma en ajustant hermétiquement le couvercle. Au bout d’un court instant, elle reprit la thermos d’eau chaude et en versa lentement sur la théière. La terre cuite de couleur pourpre et ses deux mains aux os fins, d’une délicate pâleur, semblaient des fleurs d’une grande rareté en train de lentement s’ouvrir. Elle fit sans hâte infuser le thé, son regard suivant ses mouvements, corps et âme unis dans une harmonie parfaite.
L’arôme du thé flottait dans la pièce.
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L’escalier lui sembla encore plus étroit et plus sombre qu’auparavant. La rampe était glacée et lisse, tel un serpent gelé. Le vieil homme était obligé de propulser son ventre bien nourri afin de progresser, pas à pas. Les marches tremblaient sous son poids en craquant et gémissant. Les pas du vieil homme résonnaient dans tout l’immeuble comme l’écho d’une cloche dans une vallée déserte. Venue d’en bas, la voix perçante d’une vieille femme protesta : « Mais qui monte comme ça ? Faites un peu plus doucement ! Vous allez faire écrouler la bâtisse, ce malheureux escalier ne va pas résister. Que diable vous a-t-il fait ? »
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Le vieil homme poursuivit son ascension, pas à pas, comme si de rien n’était.

Soudain, l’escalier s’éclaira. Levant la tête, le vieil homme la vit. Elle se tenait sur le palier, une lampe électrique à la main, illuminant les marches sous les pieds du vieil homme.
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La terre cuite de couleur pourpre et ses deux mains aux os fins, d’une délicate pâleur, semblaient des fleurs d’une grande rareté en train de lentement s’ouvrir.
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Dans sa joue gauche se dessinait une fossette comme creusée dans cette surface neigeuse par quelque larme chaude, à l’endroit même qui faisait autrefois tout le charme d’une femme.
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