Le style "roman du terroir " me plait bien. Ici nous sommes en Charente, au pays de production du Cognac.
L'histoire se déroule entre les 2 guerres- 1919- 1939
On retrouve les ingrédients propre à ce genre, une intrigue familiale, des rivalités, des clans, des jalousies, le respect des traditions, la sauvegarde du patrimoine, une certaine idée de son rang.
C'est une excellente manière de découvrir une région, éventuellement de préparer un voyage, et il est toujours utile de redécouvrir les modes de vie du début 20ème, celui de nos grands-parents.
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Très belle histoire qui m'a bien plu. C'est l'histoire d'une famille Charentaise qui depuis des décennies fabrique du cognac.
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Là où reposent et s’enrichissent nos alcools, nous sentons la petitesse de nos vies. C’est un bonheur de savoir que nous en sommes les gardiens. Les eaux-de-vie nous attendent, nous ou nos descendants, qu’importe, elles nous attendent pour le jour où enfin nous les livrerons, ambrées comme l’or, à la lumière, au palais des fins connaisseurs, des esthètes, ainsi qu’une œuvre longtemps ignorée, voire méprisée, dans les caves d’un musée, ignorée et méprisée pour n’avoir trouvé dans son siècle un regard aimant.
L’âme désire ce qu’elle a perdu et se tourne tout entière en imagination dans le passé. Il faut avoir perdu un grand amour pour dire cela. Heureux tout de même qui a aimé, car c’est trouver deux vies en une seule...
La grappe était généreuse, fournie, gorgée de jus. Il en était venu des marées entières, remplissant les charrois en partance vers le fouloir de Puypierre. L’excitation du matin avait fait place à la lassitude. Le courage est une pierre qui s’use à force de rouler. Et celui des vendangeurs avait décru comme le jour.
Julius avait quelque difficulté à mesurer le temps. « J’ai vingt-cinq ans, se dit-il. Et l’eau-de-vie de l’année passée que je vais déposer ici, je ne pourrai l’utiliser que lorsque j’aurai atteint le versant déclinant de ma vie, c’est-à-dire cinquante, voire soixante ans. Peut-être serai-je mort avant… Peut-être engrangerai-je mes trésors sans que je ne revienne jamais plus les chercher, autant dire qu’ils n’auront de valeur que pour mes enfants ou mes petits-enfants. Grand Dieu, qui peut dire aujourd’hui ce que sera Puypierre en 1950 ? » – Cette longue patience me donne le tournis, nota-t-il.
Le temps ne compte plus, rendu à son immobilité. Au-dessus de nous, tout s’agite : les passions, les folies, la futile course au bonheur, les vaines tentations… Le cognac n’a que faire de tout ça. C’est pourquoi, monsieur Julius, nous sommes, vous et moi – vous le maître distillateur et moi alchimiste –, des êtres exceptionnels, précieux, que rien ne peut confondre avec le commun des mortels. La fréquentation de nos œuvres nous rend plus philosophe qu’il n’y paraît, plus humble aussi, plus modeste et patient.
Foire du Livre Brive 2016 - France Bleu Limousin - Jean Paul Malaval