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EAN : 9782226326164
234 pages
Albin Michel (31/01/2018)
3.79/5   99 notes
Résumé :
Lorsqu'en 1914, Ashley Crowther revient en Australie, dans le Queensland, pour s'occuper de la propriété héritée de son père, il découvre un paysage merveilleux peuplé de bécasses, d'ibis et de martins-chasseurs. Il y fait également la connaissance de Jim Saddler, la vingtaine comme lui, passionné par la faune sauvage de l'estuaire et des marais. Au-delà de leurs différences personnelles et sociales, les deux jeunes hommes ont en commun un véritable amour de la natu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (37) Voir plus Ajouter une critique
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Quel incroyable et puissant livre que "L'infinie patience des oiseaux". A la fois aérien et lourd. A la fois léger et grave. A la fois sensuel et sauvage. A la fois raffiné et bestial.
Un antagonisme fort entre d'un côté la description délicatement poétique des oiseaux sur la cote australienne, et de l'autre la guerre des tranchées lors de la 1ère Guerre Mondiale en France, dans ce qu'elle a de plus atroce et de plus abjecte. Nous passons de pages d'une poésie à couper le souffle sur le vol, la grâce et l'intelligence des oiseaux dans un cadre somptueux bleu-vert aux teintes changeantes, à la cohabitation pestilentielle dans les tranchées boueuses. le vol des oiseaux contre le vol des obus. le haut et le bas. le paradis et l'enfer. La descente aux enfers. La liberté des grands espaces contre la sécurité qu'en étant à plat ventre, voire sous terre. Mais même dans cet antagonisme, les oiseaux sont toujours présents, imperturbables et indifférents aux hommes, traits d'union entre ces deux versants d'un même monde et un thème est également relaté avec beaucoup de sensibilité dans les deux versants: les valeurs humaines, l'humanité dans ce qu'elle a de plus noble et de plus précieux. Ce petit livre (216 pages) est un bijou, écrit de façon remarquable (je l'ai personnellement lu à haute voix pour mieux savourer la poésie et l'écriture toute en retenue de l'auteur).

David Malouf, auteur australien (à ne pas confondre avec Amin Maalouf) a écrit ce magnifique roman en 1982 et a été récemment traduit en français. Il raconte l'histoire de Jim Saddler et d'Ahsley Crowther. Jim, jeune homme issu d'une famille modeste, au père violent, passionné par les oiseaux, est engagé par Ashley, jeune homme du même âge qui vient d'hériter de son père d'un grand domaine sur la côte australienne. Ashley aime observer les oiseaux, Jim non seulement aime les observer mais les connait. Il connait leurs noms, leurs caractéristiques, leurs habitudes, leurs migrations. le voilà, pour son plus grand bonheur, à consigner pour Ashley, dans un livre, les nombreux oiseaux présents sur ce domaine coincé entre océan et montagne : « océan, plage, marécages, prés salés, versants de collines sèches couvertes de forêt, pics bleus déchiquetés. Chaque étagement assurait la subsistance de sa propre faune d'oiseaux : la frontière territoriale de chaque espèce y était tracée, invisible mais nette, les oiseaux étant libres de la franchir mais ne le faisant pas ». Une femme, Imogen Harcourt, viendra lui prêter main forte en y associant également sa passion pour la photographie. « de sa plus belle écriture d'écolier, formant toutes les boucles, tous les crochets, toutes les queues des lettres capitales que l'on omet quand on prend des notes à la va-vite, il les consignait, quatre ou cinq par page. Ce travail d'écriture était sérieux. Il conférait à chaque créature, par le biais de son nom, une place permanente dans le monde, comme Miss Harcourt le faisait par le biais des images. Les noms étaient magiques. »
La vie est silencieuse, contemplative, tête levée au ciel et yeux rivés aux jumelles. A admirer la beauté et l'intelligence des oiseaux, leurs migrations, les petits nouveaux. Les deux hommes ne sont pas du même milieu social mais se retrouvent dans cette contemplation silencieuse. Les mots ne sont pas nécessaires pour admirer l'oiseau lotus, l'oiseau dollar, l'ibis blanc, le courlis de Sibérie et la bécassine. Entre autres.

La IGM les amène tous deux à se mobiliser et à quitter l'Australie pour cette guerre lointaine. Alors nous basculons avec eux dans l'enfer. Les descriptions des combats sont hallucinantes de réalisme, nous sommes avec Jim, nous sentons l'odeur âcre de la mort, nous entendons le bruit assourdissant du chaos, nous nous abimons dans cette humidité qui fait tout pourrir, nous sommes effrayés par la férocité d'énormes rats bien nourris. « Ils combattaient l'eau qui leur faisait pourrir les pieds, et la terre qui refusait de garder sa forme ou de rester immobile, détruisant chaque jour ce qu'ils venaient tout juste de réparer ; ils combattaient l'insomnie et l'abrutissant désespoir qui en résultait, et qui résultait aussi du fait d'être, pour la première fois, aussi crasseux, avec des morpions qui pullulaient dans les coutures de leurs vêtements et dont les morsures les démangeaient et s'infectaient quand on les grattait ; et les rats revêtus du même uniforme vert-de-gris que l'ennemi invisible, qui étaient aussi gros que des chats et ne reculaient devant rien, vous galopant sur la figure dans l'obscurité et sautant hors des musettes, bondissant même pour s'emparer de croûtes juste sous votre nez. Les rats étaient gras parce qu'ils se nourrissaient des cadavres, s'enfouissant dans les entrailles d'un homme ou culbutant par dizaines dans le ventre des chevaux. Ils mangeaient. Puis ils vous galopaient sur la figure dans l'obscurité ».


Ce petit livre est un grand hymne à la paix. Se côtoient la violence d'un carnage innommable et les valeurs d'une humanité primitive et vierge. La brutalité d'un chaos meurtrier et la force de la Nature, porteuse d'espoirs et de lumière même dans les moments les plus sombres. Ce livre est poétique, beau, fort, émouvant. Je ressors de cette lecture chamboulée. le dernier chapitre contemplatif, au bord de l'océan, aura su me donner une bouffée d'oxygène salvatrice.




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L'infinie patience des oiseaux est un magnifique récit, écrit par un auteur australien, David Malouf, que j'ai découvert par ce roman. C'est un livre relativement concis, 216 pages, qui nous mène d'Australie vers l'Europe, en nous faisant visiter les deux versants contrastés d'un même monde à travers la beauté des oiseaux.
Il y a de la légèreté et de la grâce derrière chaque page de ce livre. Pourtant ici il n'est pas question que d'oiseaux. Ce livre nous parle d'humanité.
Ce sont deux versants d'un même livre, d'un même monde qui viennent faire écho, d'un côté sa beauté comme suspendue au-dessus du vide, de l'autre le bruit du fer, du sang et de la mort. Il y a aussi la fragilité et l'immanence de l'instant, arrachées comme un bout de tissu à l'éternité qui passe au-dessus de nous, comme une comète.
Ce sont des oiseaux qui viennent se poser sur les premières pages du livre et deux hommes vont leur tendre les bras dans ce ciel d'Australie, encore loin et préservé du malheur du monde.
Dès les premières pages du récit, c'est une envolée d'oiseaux qui vient nous surprendre et nous enchanter. Nous sommes dans le Queensland, au nord-est de l'Australie. Cette région bordée au large par le plus grand récif corallien du monde, accueille aussi une vaste population d'oiseaux aquatiques.
Des chevaliers, des sternes, des pics bleus, des ibis, des martins-chasseurs, des bécasses, des huitriers pies...
Ici, le temps est comme suspendu, loin de l'Europe où se prépare déjà ce qui sera « l'horrible boucherie », nous sommes en 1914.
Cet endroit est un paradis pour les oiseaux : océan, plages, marécages, fonds d'estuaires et, dans l'arrière-pays, pâturages, bois et collines, forêts plus profondes.
Des oiseaux s'éparpillent et s'envolent au fur et à mesure que nous déroulons les pages. Chaque page est un fragment de poésie semé de battements d'ailes et de chants stridents. Chaque page est une délicatesse. Il y a cette forme de légèreté, presque en apesanteur, qui m'a d'emblée séduit.
Deux hommes vont se rencontrer, non pas par hasard, mais à la faveur d'une passion commune pour les oiseaux migrateurs... Ashley Crowther, à peine de retour d'Europe où il a accompli ses études, vient d'hériter de la propriété de son père. Il découvre en même temps la splendeur du décor immense qui s'étale autour de sa demeure. En parcourant son domaine à cheval, il fait la connaissance de Jim Saddler. Les deux hommes sont jeunes, une vingtaine d'années à peine, ils n'appartiennent pas au même milieu social, Jim cherche un travail. Ashley lui fait alors une offre pour l'adjoindre à ses services, celle de répertorier tous les oiseaux du domaine. Les deux hommes se découvrent un même rêve, celui de créer un sanctuaire destiné aux oiseaux migrateurs. Ils vont partager cette passion avec un personnage aussi étonnant que discret, une photographe, Miss Imogen Harcourt, bien plus âgée qu'eux, elle devient un peu pour eux comme une grande soeur...
Mais voilà, la guerre arrive, la guerre est là, puisque nous sommes en 1914 et il faut y aller, partir pour l'Europe.
Ashley et Jim vont s'engager dans cette guerre...
Sur le terrain de la guerre, c'est surtout Jim que nous voyons évoluer. La découverte de l'horreur vient très vite et se fait à travers son regard de fin observateur. C'est un bain de sang, le sang des soldats, des camarades, qui vous éclabousse autant que la boue des tranchées, chaque fois qu'un obus tombe tout près.
Comment ne pas sombrer dans la folie des hommes, sauf à tendre un regard vers le ciel, capter un mouvement, quelque chose qui vole, qui bruit, tenir, tenir, tenir dans la boue... ? Ne pas sombrer dans la folie des hommes.
Par moment dans ce ciel de guerre, dans une forme d'indifférence au chaos qui se déroulent sous eux, les oiseaux ne semblent pas être effrayés par la canonnade, ni par les cris de ceux qui agonisent en bas, appellent leur mère au fond d'un trou creusé par les bombes. Les oiseaux ne semblent pas affolés, ou peut-être le feignent-ils ? Allez savoir pourquoi ?
Dans la guerre, Jim vit et revit de réels moments de grâce lorsqu'il retrouve quelques-uns des oiseaux migrateurs qu'il avait pu observer sur une plage du Queensland quelques mois plus tôt. Chacun s'accroche comme il peut à quelque chose capable de le faire tenir encore un peu debout. Les oiseaux se déplacent, les hommes aussi, pas pour les mêmes raisons.
Plus qu'un hymne à la nature, j'ai entendu dans ce roman comme une hymne à la vie. Je dis bien entendu, car lorsque les mots sont puissants, ils vont au-delà de l'écriture, au-delà des mots, ils cheminent vers des choses sensuelles.
C'est comme un chant qui nous révélerait, par une magnifique ellipse, la vacuité des hommes, leur cruauté, leur bêtise...
Un jour l'infinie patience des oiseaux cessera peut-être, cessera peut-être d'être patiente, s'éteindra parmi la nuit qui nous recouvrera à jamais de sa terre et de sa boue. Les oiseaux s'en seront retirés comme une mer fatiguée au plus loin du rivage.
Sur les dernières pages du livre, Imogen est là photographiant la mer. La guerre est maintenant terminée, le paysage d'ici est demeuré inchangé. Son regard est happé par un jeune homme, très jeune, un adolescent, elle l'aperçoit au loin sur une vague, il semble debout, cherchant l'équilibre, les bras tendus, les jambes sur une sorte d'objet insolite, visiblement encore inconnu pour l'époque, la vague le porte, l'emporte, il semble libre, épris de liberté, comme un oiseau...
Jusqu'à la dernière page, j'ai trouvé ce roman très beau à tel point que j'ai ressenti, le livre à peine refermé, un immense besoin d'aller cheminer vers la mer, pas très loin d'ailleurs de chez moi, en bord de rade de Brest... Voir le ciel, les oiseaux, me rassurer comme cela...
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Assis sur un rocher, le regard mélancolique, l'homme regarde pensivement la vue qui se porte à son horizon. de dos, le torse nu sous le soleil austral, il écoute cette douce mélodie proposée par quelques oiseaux venus s'échouer sur ses côtes, dans la mire de ses jumelles. Fasciné, il les observe : bécasseaux maubèches, chevaliers aboyeurs solitaires, chevaliers sylvains des Balkans, courlis de Sibérie, courlis corlieux, pluviers argentés, et encore bécassines du Japon, martinets de Sibérie. Il les identifie tous, il les croque, il les inscrit dans son calepin, un travail de patience et de silence. D'ailleurs, l'amour n'est que patience et silence. Il semble leur parler avec douceur, d'une voix faible teintée de tristesse et d'abandon, l'homme qui murmurait aux oreilles des oiseaux, fasciné par cette huppe fasciée venue se poser devant le silence de sa vie.

Mais alors que son silence s'agrandit sur l'immensité de la poussière australienne, déposée par un soleil brûlant, de l'autre côté de la planète, brûlent d'autres vies. La Grande Guerre. Après la bataille de Gallipoli, une vague australienne se déverse sur les flots méditerranéens, de jeunes recrues venues s'engager à l'autre bout du monde, délaissant leur planche de surf. Les oiseaux attendront, ils auront la patience d'une guerre. D'ailleurs, d'autres oiseaux naviguent au-dessus de ces flots, et une autre poésie se dévoile sous nos yeux. Armentières, loin de ses terres. Des corps déchiquetés, des cadavres qui se fondent dans la boue, la puanteur des tranchées, des rats qui courent, des rats qui croquent des bouts de chairs. le roman bascule vers l'horreur, remarque c'est la guerre donc normal. Quand le soleil se couche sur l'Australie, que les oiseaux font un dernier envol, la brume se lève au-dessus de la boue française et des corps prennent eux-aussi leur dernier envol sous le fracassement des bombes.

Étonnant roman, à la fois magnifique et cruel, un instant de poésie qui se pose en pleine guerre, le charme des oiseaux sur la première partie, leurs silences, leur beauté, et puis subitement la bascule vers l'autre terre, celle du fracas, de l'apocalypse, là où une odeur de chair en putréfaction te prend à la gorge, là où le hennissement des chevaux sous les flammes te brûlent les tympans, là où gisent devant ton regard les cadavres de ta compagnie, des bouts d'hommes, un bras, une jambe, une tête brûlée. L'horreur dans toute son (in)humanité. de la fumée qui s'élève dans le ciel, des coups de tonnerre à moins que cela soit ceux des obus, pourtant les oiseaux sont toujours là ; imperturbable, ils continuent leur migration ; patients, ils attendent la fin de cette boucherie, de cette guerre, de ces odeurs de mort.
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Très beau récit qui célèbre la beauté d'étendues sauvages , nature vierge et grands espaces , paysage merveilleux, peuplé par la légèreté et la grâce des bécasses ,ibis , martins - pêcheurs , sternes, perruches, loriquets , oiseaux de proie, faucons et crécerelles dans le ciel d'Australie , ce paradis pour les oiseaux , plage , marécages, près salés, pics bleus déchiquetés , où chaque étagement assure la subsistance de sa propre faune d'oiseaux...

Nous faisons la connaissance de Jim Saddler, paysan patient et calme, gardien de la réserve naturelle, passionné par la faune sauvage de l'estuaire des marais.
Il y rencontre Ashley Crowther, à peine de retour d'Europe après ses études pour s'occuper de la propriété héritée de son père ...
Tous deux , malgré leurs différences sociales et personnelles rêvent de créer un sanctuaire destiné aux oiseaux migrateurs. ...

Las , nous sommes en 1914 : premier conflit mondial ,la boue, les poux , le tonnerre des bombes , les blessés, les hommes sonnés, exaltés, mutilés , l'anxiété , la froideur au creux de l'estomac , le basculement du monde dans le sang et la boue , les rats gras , les lignes de feu plongent les deux hommes dans ce conflit d'une violence inouïe ...

Ce récit paradoxal, pétri de descriptions d'oiseaux et de paysages australiens aux accents mélodieux et poétiques ——à l'écriture élégante et sensible , empreinte de lumière ——-célèbre à sa façon l'amour et la paix , une sorte de manifeste pacifiste où se côtoient la brutalité d'un carnage sans nom et une humanité sans pareille restée vierge, intacte .

Un hymne universel de paix publié il y a plus de quarante ans, au titre magnifique .
Histoire simple , lumineuse , retenue, émouvante !
A savourer sans retenue !
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David Malouf est un auteur australien ,né en 1934.
Ce livre a été publié en 1982.
Titre magnifique en français.
L'histoire d'un jeune australien , Ashley Crowther ,qui retourne sur sa terre natale pour prendre possession d'une vaste propriété dont il vient  d'hériter. Il y rencontre Jim Saddler, passionné par la faune sauvage et surtout les oiseaux.
Malgré la différence sociale, ils vont se lier d'amitié et imaginer un projet improbable : faire de la propriété un sanctuaire pour les oiseaux.
David Malouf décrit avec beaucoup de charme et de poésie
l'environnement sauvage de cette Australie inhabitée et inconnue
Malheureusement , Ashley et Jim seront rattrapés par l'Histoire .
La Première Guerre mondiale est là.
Ils partiront bien loin dans les tranchées ,l' un comme simple soldat, l'autre comme officier.
La  seconde partie du livre , totalement à l' opposé de la première ,raconte surtout la guerre de Jim
Elle raconte aussi l'enthousiasme naïf de ces jeunes australiens partis aux Antipodes combattre pour la grandeur de l' Empire colonial
Un engagement qui peut paraître absurde avec le recul mais était dans l'ordre des choses à l'époque
Inutile d'en  dire plus .
Un seul regret :  que ce livre soit trop court surtout la première partie qui décrit magnifiquement la terre australienne et la vie des oiseaux.
J'ai beaucoup aimé ce livre.
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critiques presse (2)
LeFigaro
23 février 2018
Un jeune désargenté se passionne pour les oiseaux. Il les observe, connaît leurs noms, scrute leurs manies. Son père, veuf et pas avare de brutalités, le méprise...
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LaCroix
09 février 2018
Publié il y a trente-six ans, ce classique de la littérature australienne empreint de poésie et de lumière célèbre la vie et la beauté du monde.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Citations et extraits (31) Voir plus Ajouter une citation
A la fin de l’été et tout l’automne, Jim avait vu la plaine de Salisbury peuplée de milliers d’oiseaux. Et plus tôt dans l’année, après le long trajet en train depuis Marseille, quand pour la première fois ils avaient traversé la Manche, il avait aperçu depuis le bastingage tout un vol de chevaliers guignettes, avec leurs ailes étrangement arquées vers le bas, évoluant au ras de l’eau huileuse, et, clairement identifiables parmi eux car beaucoup plus gros, des bécasseaux maubèches, certainement descendus de l’Arctique, le corps rougeâtre en cette saison – les mêmes bécasseaux qu’il aurait pu voir le long des bancs de sable sur les côtes australiennes, arrivant au printemps et repartant au début de l’automne, exactement comme ils le faisaient ici. Il était réconfortant de voir ces créatures familières, capables de venir d’un bout à l’autre du globe dans le cours naturel de leur vie, et de constater qu’elles étaient à peine touchées par l’activité déployée autour d’elles : les ferries crachant de la fumée, le déchargement des gros cuirassés, les cris, les coups de sifflet, les hommes débarquant le long des passerelles et se formant en rang sur le quai, les moteurs vrombissant des camions, les chevaux paniqués, descendus ruant et hennissant par des treuils, le son des cornemuses écossaises. Il enregistra le cri de ces chevaliers locaux – kitty wiper, kitty wiper -, qui était nouveau pour lui, et, plus étouffé, celui du bécasseau maubèche, si familier qu’il sentit son cœur se retourner et aurait pu se croire de retour dans les dunes chaudes, pieds nus, les yeux posés sur un long déroulement de lame. Ça faisait thu thu, un doux sifflement sur deux notes. Puis, encore plus doucement, wut. Très bas, mais son oreille le capta.
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Cela l’émerveillait. Une chose pareille. De pouvoir, par une chaude journée de novembre, avec le soleil lui brûlant le dos, la terre fourmillant sous lui et le paysage tout entier étincelant et stridulant, observer une créature qui, à peine quelques semaines plus tôt, se trouvait de l’autre côté de la Terre et avait trouvé sa route jusqu’ici en traversant toutes les cités d’Asie, franchissant des lacs, des déserts, des vallées encaissées entre de hautes chaînes montagneuses, survolant des océans sans le moindre point de repère, pour se poser précisément sur cette berge et entrer dans le cadre rond de ses jumelles : complètement contenue là dans sa petite vie – poitrine et flancs rayés, ventre blanc, pattes jaunes, le long bec explorant une flaque d’eau en quête de nourriture, soulevant la tête de temps à autre pour émettre ce cri singulier sur trois notes – et contenant complètement, invisible quelque part au-dedans, ce monde blanc virginal de la calotte glaciaire du Nord et la connaissance, profondément inscrite dans la cervelle minuscule, des voies aériennes et des trajectoires qui l’avaient amenée ici. Savait-elle où, sur la surface du globe, elle était arrivée ?
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Mais à Armentières, cette toute première fois-là, c'était depuis le centre-ville qu'on arrivait à la guerre. Après avoir traversé la Place de Onze-heures-et-demie (on l'appelait ainsi parce que c'était l'heure à laquelle l'horloge de l'hôtel de ville s'était arrêtée lors d'un des premiers bombardements ; tout ici avait été renommé, et puis nommé encore tandis que lieux et rues, un bosquet, un corps de ferme renonçaient à leur histoire ancienne et entraient dans la nouvelle), vous tourniez à gauche puis traversiez la Place des Barbelés jusqu'à vous trouver devant un grand bâtiment rouge appelé le Magasin des Cuissardes. Là, après avoir été équipé de bottes en caoutchouc qui vous arrivaient à mi-cuisse, et avoir piétiné quelques minutes pour vous habituer à les porter, vous étiez emmenés dans les sous-sols d'un autre bâtiment plus grand, en brique celui-là, qui était un asile d'aliénés ; à partir de là, empruntant l'Allée des Fous, vous rejoignez les lignes. L'Allée des Fous commençait comme une rue pavée, puis devenait un chemin de terre, et, avant d'avoir pleinement réalisé ce qui vous arrivait, vous vous retrouviez sur des planches. A partir de là, en dépit de tous leurs tours et détours, les caillebotis conduisaient tout droit à la guerre.
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La dernière fois qu'il était venu ici, il y avait des paysans dans les champs. A présent, la zone derrière les lignes était entièrement dévastée. La terre y était un vaste étal de chiffonnier, jonchée des restes épars des deux camps : des éclats d'obus et des obus entiers de toute taille, dangereusement intacts, de vieux sacs de sable piétinés et enfoncés dans la boue, une boucle avec sa longueur de sangle, le fer d'un outil de fortification, des photographies écorchés, des cartes à jouer, des paquets de cigarettes, des pages de romans à quatre sous et des dépliants imprimés en anglais, allemand, français, des débris de papier d'emballage, des fourchettes et des cuillères tordues, des lambeaux d'étoffe dépareillés qui auraient pu être vert-de-gris, bleu horizon ou kaki - il n'était plus possible de les distinguer ; des bidons fracassés, des timbales cabossés, et partout des fragments d'humanité adhérant encore au bois, au métal, au tissu, ou flottant dans l'écume verte des trous d'obus, ou vomis de la gueule des rats. Ils se frayèrent un chemin à travers tout ça. Une fois encore, ils creusèrent.
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D'abord les hirondelles des arbres, mais celles-ci venaient toutes des îles alentour et uniquement pour se reproduire ; du jour au lendemain elles étaient là, en grands vols, déjà occupées à rebâtir d'anciens nids ; puis les pluviers à face noire et les bécasseaux maubèches ; les divers chevaliers - dont, un jour, un chevalier aboyeur solitaire ; et puis les bécasseaux à queue pointue, les chevaliers sylvains des Balkans, les courlis de Sibérie, les courlis corlieux, les pluviers argentés, les bécassines du Japon, les martinets de Sibérie ; et, bien plus tard, vers la fin de l'année, les bargettes de Térek et les glaréoles, individus étrangers mêlés, dans le même vol, aux autochtones, mais clairement identifiables.
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