AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782213702346
328 pages
Fayard (11/01/2017)
4/5   4 notes
Résumé :
À Alger, en 1961, tout prenait le goût étrange des dernières fois. Dernières promenades sur les hauteurs de la ville, entre ciel et mer, dernières conversations animées dans la chaleur d’un appartement exigu, derniers tourments amoureux baladés entre les murs blancs des ruelles. Rien n’était décidé, rien n’était
officiel, et pourtant tout le monde le savait : tôt ou tard il faudrait partir.

Du célèbre discours de Mostaganem au blocus de Bab El ... >Voir plus
Que lire après Les sommets du mondeVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
L'Histoire ne retient de la réalité de n'importe quelle guerre que des statistiques funèbres, des dates commémoratives, la bâtardise de ses interprétations justificatrices et les polémiques verbeuses, telle celle allumée récemment par les propos opportunément électoralistes d'Emmanuel Macron au sujet de l'Algérie. Qu'on l'admette ou non, toutes les guerres furent et sont colonialistes et elles sont toutes porteuses de crimes contre l'humanité, les génocides étant la manifestation horrifique de leurs extrêmes brutalités. de fait, elles répondent toutes au but inavoué d'instituer par la force au prétexte d'une action civilisatrice, une hégémonie politique, économique, idéologique et/ou religieuse, la culture étant son passe-droit et l'humanitaire, le sauf-conduit paternaliste de sa modernité, du moins de la part de l'Occident. Juste retour de bâton, vient un moment où, selon la formule consacrée, les peuples revendiquent le droit de disposer d'eux-mêmes, droit si fictionnel qu'il se concrétise à son tour par des guerres dites de façon surréaliste d'indépendance. Quelques siècles plus tard, toute honte bue et le remords christique en goguette, on s'excusera de tous ces faux pas dont la responsabilité se perdra dans le collectif. A l'individuel, les femmes, les enfants, les hommes qui ont payé de leur peau cette folie hégémonique, sont jetés dans les fosses communes de l'oubli. Il n'y a guère que les cimetières pour s'en souvenir, les historiens pour exhumer leur mémoire controversée ou les écrivains pour les faire revivre avec plus ou moins de parti pris, L Histoire étant toujours plurielle.
Alger... La guerre d'Indépendance compte ses morts depuis plus de sept ans. Les haines s'attisent et s'exacerbent. Bombes, explosions, tortures, attentats, enlèvements, assassinats... Tout le monde courtise la mort, les uns pour se libérer du joug du colonisateur français en place depuis 1830 après la chute de l'Empire ottoman, les autres pour rester dans ce pays où leurs ancêtres les ont précédés et où eux-mêmes sont nés, ont grandi et ont fondé à leur tour une famille. Ils se considèrent citoyens de cette terre qu'ils aiment de toutes leurs tripes, bien loin de la Métropole qu'ils regardent comme un ersatz dont ils se méfient, non sans quelque raison. Car les Européens d'Algérie, dont les Français, et les Algériens ne sont que des pions anonymes sur un échiquier politique où les intervenants, De Gaulle, le gouvernement français, l'OAS, le FLN, l'ALN et autres factions, ne ménagent pas leurs coups fourrés et meurtriers pour remporter la partie. Les accords d'Evian du printemps 1962, censés mettre un terme à cette sinistre dramaturgie, n'en paraferont pas cependant la fin.
Les sommets du monde de Pierre Mari n'est pas un livre dont les médias sont friands. Mieux vaut la boucler que de se risquer à en extraire le jus. le thème en est par trop épineux. Il pourrait se résumer à cette question genre « patate chaude » : pourquoi les Français d'Algérie que l'on n'appelait pas encore les pieds-noirs - des « Français dont personne ne veut » -, sont-ils partis ?
« Il y a la vie qu'on mène et il y a l'autre. Celle qui ne se laissera jamais faire, ni conduire nulle part. Celle qui se fiche bien de toute espèce de chemin, étape ou destination. Celle qui s'accroche à un point de notre histoire, à ne plus vouloir en démordre – continuez sans moi, je plante là ce qui me sert d'étendard, et au diable la suite. On avale tellement de temps qu'on s'en ferait sauter le corps et l'âme s'il n'y avait pas cet acharnement d'orgueil à rester en arrière . A chercher le jour indépassable où tout a été dit. » nous confie Pierre Mari.
Sous sa plume talentueuse où la tendresse parfois acerbe fait la nique à l'ironie et souvent à une colère contrôlée, l'auteur entrecroise deux récits parallèles intimement liés autour de la même thématique : celui du passage de la fin d'une époque à une autre. D'une part, la fin de l'Algérie française et la naissance brutale de son autonomie et d'autre part, le passage à l'âge adulte d'un jeune homme plutôt insouciant qui découvre l'insanité du monde dans le miroir des évènements et des contradictions de ses propres sentiments à l'égard d'abord de sa bande de copains et de ses parents incrustés dans l'imagerie confortable et insipide de père et de mère, et ensuite de Marie, jeune femme maternelle et protectrice, de Colette, fille de bonne famille qu'il croit aimer mais dont il n'est pas amoureux et d'Agnès son premier amour évidemment sublimé.
Dans « cette vie qu'on mène », chaque dimanche, accompagné par Michel l'intellectuel, ou par Jéronimo « fine mouche, arracheur de masques comme personne » ou encore Robert, ancien des Corps Francs et frère aîné du narrateur, mais plus souvent en compagnie du narrateur lui-même, Marcel, le fils autiste de Mme Zaragoza, va se balader sur les hauteurs d'Alger, cette « ville vouée au ciel ». Il incarne l'indolence de cette Algérie dont les Français, mais aussi les Italiens, les Espagnols et les Maltais, apprécient la douceur de vivre, la main sur le coeur et le coeur sur la main, malgré la difficulté d'une vie plutôt chiche. La plupart sont de petites gens, ouvriers, commerçants, fonctionnaires, et n'ont rien de l'archétype minoritaire du sale colonialiste, nabab esclavagiste et tortionnaire. Certes, dans leur grande majorité, ils sont imprégnés de cet esprit colonialiste qui nourrit insidieusement le mépris de l'autre, l'Algérien, l'Arabe, dont ils ne comprennent pas ou mal la façon de vivre. Ils se côtoient, se supportent, mais ne se mélangent pas. Leur racisme, qui néanmoins n'est pas loin s'en faut une spécificité occidentale, est banal. Il a son vocabulaire : "bicot, raton, melon, troncs de figuier, pinsons, merles", tout comme les Arabes ont le leur pour les Roumis. Leur entente est un face à face armé.
Dans le brouhaha des rues d'Alger, Pierre Mari nous entraîne dans le quotidien de cette communauté blanche. Elle ne connait souvent de l'Algérie que la ville où elle habite, ne parle pas arabe et en méconnait la culture, et sans être ouvertement contre les Algériens, elle n'est pas franchement pour eux non plus. Pour la plupart, les luttes intestines sont verbales plus qu'activistes. Chacun a son mot à dire. La peur grandissante des uns devant les massacres et les exactions commises autant par le FLN, l'ALN, l'OAS, l'armée française et les différentes forces pro et anti-coloniales, répond à la haine farouche des autres ou encore à ceux qui ferment les yeux pour ne pas à avoir à choisir leur camp. Les arguments volent de balcon en balcon, les drapeaux français aussi. Partir, rester ? Rester, partir ? A quel prix ? Pourquoi ? Comment ? Il y a la rage de devoir abandonner tout ce pour quoi des générations d'Européens ont oeuvré. « Vous imaginez si on s'en va ? Vous le voyez le tableau ? Qui c'est qui conduit les locomotives, qui fait marcher les hôpitaux ? Et la terre, qui c'est qui va la travailler, qui c'est qui installe l'électricité dans les villages? Qui c'est qui fait respecter la loi ? On s'en va et c'est feu et sang le lendemain...[...]... Bouffez de l'indépendance algérienne, faites-vous pétez la sous-ventrière avec votre Algérie algérienne – moi je mets ma main au feu qu'au bout d'un mois vous envoyez une bande de Ben Couscous et de Ben Méchoui à Paris, des salamalecs à n'en plus finir, qu'on revienne vous donner la soupe à la cuillère ! » s'emporte Jo Vivaldo, père de Colette et conducteur de locomotives, exprimant une opinion quasi générale, faisant écho à la sagacité désenchantée du Capitaine Castaing. : « à cette allure, c'est facile à deviner, ce qui va arriver. Pas besoin d'être malin. le bel Occident, l'Occident généreux, il va aller de victoire morale en victoire spirituelle, et y laisser chaque fois un bout de peau. Et puis, après les bouts de peau, un doigt, un orteil, et même un oeil ou une jambe – on peut s'en passer, d'un oeil ou d'une jambe, hein, tant qu'on a l'âme, la noblesse, la culture et tout le tintouin ! Et à la fin, il en restera quoi du bel Occident ? Zhouba, comme dirait le père Vivaldo. » Et sans doute également, ce sentiment inavoué d'avoir à céder leur place, du moins à la partager, avec ceux-là même qu'ils tiennent si peu en considération, les Arabes.
Dans l'autre vie, « celle qui s'accroche à un point de notre histoire, à ne plus vouloir en démordre », il y a le 13 mai 1958, le putsch d'Alger, où « quelque chose s'est affranchi de la saleté sanglante qui éclaboussait le pays depuis des années. Quelque chose a ressemblé au salut à s'y méprendre. On y a tous cru, sans exception... […]... On a vu les Arabes hésiter – certains pétrifiés d'embarras, d'autres pas chauds à l'idée d'entrer dans une fiesta qui s'était allègrement passée d'eux jusqu'à présent. Je ne sais pas d'où ni comment il est venu l'appel à se confondre. Mais tout ce qui traînait encore de chiens de faïence a été écarté, balayé, expulsé d'un coup. Les poitrines se sont jetées les unes contre les autres. On pleurait, on s'étreignait, on se bénissait en riant....[...]... J'avais les mains levées – l'une nouée à celle d'un jeune Arabe en costume sombre, l'autre que serrait à trembler un type tout raviné, en uniforme de receveur de tram... » Une Algérie française ou fédérale prônent certains : « Autour de nous, ça refaisait ferme l'Algérie : les idées fusaient, on s'empoignait allègrement, on reconnaissait qu'il y avait du grain à moudre, de la besogne à abattre – la politique ne serait plus la mise en musique des trouilles et des lâchetés d'en haut, et d'ailleurs, le mot de politique, on n'en voulait plus, il en faudrait un neuf, décrassé, pour coller au plus près à la merveille d'aujourd'hui. » Las ! Après l'ivresse, la gueule de bois. le narrateur dont la lucidité lui murmure que ce qui devra être sera, regarde L Histoire dérouler son pitch meurtrier avec une désillusion sereine. « Peut-être qu'au fond tout le monde était comme moi. Chacun à s'avouer, for intérieur bien verrouillé, que c'était foutu irrémédiablement – et à beugler dans la rue un espoir qui ne tenait pas debout. Y croire, ne plus y croire, dans des moments pareil, allez démêler la pelote...[...]... Au plus fort de l'enthousiasme, je me suis quand même dit, balancier oblige, que la gueule de bois aurait son heure...[...]... Seulement voilà, quand on est monté si haut, poumons comblés, crêtes et horizons plein la vue, on est prêt à toutes les contorsions pour ne pas dévisser. » Les affrontements entre indépendantistes, partisans d'une Algérie française, l'armée française, elle-même en proie à de nombreux conflits intérieurs, se soldent par des carnages de plus en plus fréquents jusqu'à celui de la rue d'Isly, le 26 mas 1962, où des militaires, des gendarmes et des CRS tirent sur tout ce qui respire, enfants et nourrissons inclus, tandis que des avions français bombardent Bab-El-Oued. Des Français bousillent sur ordre d'autres Français, dont le seul tort est de refuser ce que l'on veut leur imposer. le narrateur y perdra son frère, Robert.
Pour beaucoup de Français d'Algérie, cet événement précipitera leur exode sans joie vers la Métropole. La perte de confiance est irrémédiable. Abandonnés et trahis, beaucoup pratiqueront la politique de la terre brûlée et De Gaulle en prendra pour son grade : « homme providentiel de l'Algérie française – et pourquoi pas pendant qu'on y était, le renard bombardé sauveteur en chef du poulailler...[...]... Vous rêvez ou quoi ? Pour la grande asperge, l'Algérie, c'est un million de pétainistes et neuf millions de bougnoules. Il a la rancune infernale ce type. Vous croyez qu'il va vous mitonner une bonne petite Algérie Française ? Moi, je vous dis, à la première occasion, il dégage. Et vous aurez beau chialer toutes vos larmes, lui, il s'en tamponnera le coquillard. Vous verrez, vous allez apprendre ce que c'est, la politique. C'est de la merde, du sang et de la fouterie de gueule. Il va vous faire baver des ronds de chapeau , le vieux. Et vous allez vous en rappeler toute votre vie. »
Les sommets du monde ont de quoi défriser l'intelligentsia du politiquement correct. Il ne fait jamais bon d'en secouer les tapis miteux.
La dernière partie de l'ouvrage soulève une autre question : que peut-on faire avec l'amour du pays natal qui vous a vu naître et grandir lorsque L Histoire décide de vous en expulser ? Que peut-on faire de la douleur de l'exil lorsqu'elle vous colle irrémédiablement au coeur, maquille votre mémoire de souvenirs et vous aveugle de nostalgie ? le problème avec l'exilé est qu'il regarde sans cesse en arrière plutôt que de jouir de ce qui s'offre à lui, devant lui, et d'en repousser les limites. Bien peu malheureusement y parviennent, le pays d'accueil étant lui-même perçu comme une terre d'exil, une errance sans fin.
Au terme de cet ouvrage passionnant, une interrogation demeure néanmoins en suspens. Pourquoi ne parle-t-on jamais, ou très rarement, des quelques 200 000 Français qui en 1963 ont refusé la valise ou le cercueil ? La peur a peut-être aussi son racisme.
Non sans raison, Rilke a écrit : « Nous naissons pour ainsi dire provisoirement quelque part. C'est peu à peu que nous composons en nous le lieu de notre origine, pour y naître après-coup et chaque jour plus définitivement.»
Lien : http://www.lombreduregard.co..
Commenter  J’apprécie          10
Le livre de Pierre Mari aurait très bien pu commencer par "Ça a débuté comme ça", ou "En ce temps-là". L'oralité gouailleuse du narrateur n'est donc pas sans rappeler un Céline ou un Rablais, que l'auteur semble avoir bien assimilés. L'intention est louable, puisque le "Je" semble nous dire : suivez-moi, mon histoire coule de source et se déroulera (Au sens étymologique) sans heurts ni difficultés. Il y a certes plus d'avantages à faire parler un narrateur qu'à user d'une voix omnisciente, puisque le "Je" détermine d'emblée la valeur fondamentale de son histoire et la raconte pour répondre à un besoin pressant. Un peu comme les monologues des prisonniers de Jean Cau qui ne peuvent s'empêcher de causer et à qui on pardonne toutes les longueurs, puisqu'il faut bien qu'ils vident leur sac, notre narrateur porte en lui l'histoire d'une population mutilée. Mutilée d'un symbole, qui est celui de la terre où les racines des pieds noirs se sont trouvées du jour au lendemain coupées des fûts. Il se propose donc, sous une trame légère qui unit des copains algérois, de mettre en lumière les tenants et les aboutissants de cette séparation.
Je fus donc sans surprise bien disposé à aimer ce livre. Mais il en est allé tout autrement. Au bout de quelques pages, je vis distinctement quelque chose : le livre n'atteindra jamais l'acmée de " l'expérience du désastre" pour parler comme Henry James. Point de tension dans le récit De Mari. Tout est mis sur le même plan, et ce qui devait amener le lecteur à s'intéresser à un sujet politique et sociologique, à savoir le départ des pieds noirs et sa phase préparatoire, ce ton léger, finit par masquer funestement la valeur tragique du sujet du livre (Je crois que Pierre Mari n'a pas su doser cette gouaille, qui dessert son sujet plus qu'autre chose). D'ailleurs, user du terme sujet serait inapproprié, car de sujet, il n'y en a point.
Qu'est-ce qu'un sujet romanesque ? Les naturalistes ne s'embêtaient pas à en chercher de complexes. Ils prenaient au gré de l'actualité des sujets simples tels que : l'alcool, la prostitution, les querelles esthétiques...etc.
Mais étaient-ce vraiment des sujets ? Non. le romancier, comme le dit très bien Georges Steiner, introduisit un nouveau genre de relations entre le lecteur et le texte : une relation intime. Jadis, les oeuvres théâtrales ciblaient des publics bien précis, ce qui leur permettait une modulation précise du sujet au caractère du récepteur. le roman suppose quant à lui un lien très fort, intime et psychologique entre un auteur et un lecteur. Partant, il s'adresse à un lecteur générique. Cet inconvénient a été dépassé par le simple fait d'user de ce que j'appelle "des prétextes". En d'autres termes, l'auteur prend prétexte de l'époque, de ce qui s'y passe de plus spectaculaire ou notable, pour intéresser son lecteur à son histoire. le prétexte n'est donc jamais un sujet. Ce n'est qu'un subterfuge.
Au temps de Racine, on pouvait enjamber les siècles et faire revivre en des vers la mythologie grecque pour un public averti, aristocratique, censé connaître comme sa poche tous les mythes que l'auteur déploie. le propos du tragédien est donc dénué de tout "Prétexte". Il s'élance dans un cosmos où les particularismes des époques n'existent pas. Sa parole se déroule donc dans un absolu et dans une langue qui ne fait aucun marchandage avec l'époque.
Dans le roman, c'est tout l'inverse. Il s'agit pour le romancier de faire comme Homère mais avec des créatures de son temps et dans un décor qui lui est familier. Pour ce faire, il met ses créatures mythologiques derrière des épouvantails qui incarnent le contexte d'une époque. Il dit l'homme des cavernes en dénudant un badaud de son temps de son masque social. C'est ainsi que Bovary traverse les âges, que Quasimodo est connu de tous mais pas toujours pour être le personnage d'Hugo. D'ailleurs, le propos liminaire d'Elsa Triolet dans Roses à crédit ne dit pas autre chose. Disons-le : le roman de Mr. Mari n'est rien d'autre qu'un prétexte.
Le vrai sujet d'un roman, c'est l'Homme, ou plutôt : c'est ce qui demeure de l'homme des cavernes dans l'homme du MacDo. L'auteur use du prétexte pour faire accéder son lecteur à cette dimension ontologique, anthropologique de la littérature qui sans cela ne pourrait être rendue que de manière éthérée et nébuleuse. Il faut des masques pour découvrir la vérité en les arrachant. Si vous montrez la vérité nue, jamais le lecteur ne voudra la prendre, puisqu'alors l'exercice n'est plus satisfaisant pour son esprit.
Chez Pierre Mari, point de cela malheureusement. J'ai l'impression qu'il a tragiquement confondu sujet et prétexte et que l'homme chez lui, c'est simplement un gamin ou un adolescent en 1950, ou un octogénaire en train de raconter son histoire peut-être ?
Beaucoup de romanciers croient qu'en racontant une histoire cohérente, où les divers éléments qui la composent s'imbriqueraient adroitement, c'est avoir fait un bon roman. Eh bien non.
Un bon roman devrait présenter divers niveaux de lecture. Ces niveaux doivent s'interpénétrer. le lecteur, s'il est perspicace, peut décortiquer cette machinerie et examiner les plans d'écriture un par un. Poussons la chose plus loin : je dis qu'un bon roman, c'est d'abord un texte où tous les plans d'écriture sont agencés de manière à créer un tout solide. L'unité de l'oeuvre et son harmonie dépendent, en plus de la cohérence dont j'ai parlé plus haut, de l'existence d'un fil rouge, d'un vecteur, d'un sens, qui transcenderait la narration, qui la dépasserait. Ce sens, il est à chercher dans un autre plan d'écriture. Quand Anatole France écrit les Dieux ont soif, ce n'est pas que la Révolution française qu'il cherche à décortiquer ou à raconter. C'est une anthropologie du révolutionnaire, pris à son berceau, qui est le plus souvent celui de la vie d'artiste, qu'il cherche à nous montrer. le sens, le vecteur de l'oeuvre de France, c'est le dégagement méthodique et rigoureux des différentes caractéristiques qui font du révolutionnaire un être à part, mais - Et cest là le génie des grands livres - en même temps semblable aux autres. L'apogée de ce travail, c'est justement le replacement d'un personnage atypique, singulier, parmi ses semblables. le grand romancier montre en quoi les caractéristiques particulières d'un personnage sont la forme qu'on prise, dans des circonstances particulières, des instincts et des aspirations communs à tous les hommes. C'est même l'objectif de l'anthropologie.
Chez Pierre Mari, il n'y a rien de cela. Ses personnages sont purement historiques. Ils n'ont rien de l'homme des cavernes, rien de l'artisan stéphanois du 18ème siècle, rien de l'homme du 21ème siècle. Ce ne sont que des assemblages de divers éléments authentiques qu'il est allé cueillir dans sa famille et en enquêtant ici et là dans les milieux pieds noirs. L'assemblage est adroit, c'est celui d'un homme qui sait écrire. Mais la prouesse s'arrête là.
Les personnages ne débordent jamais de ce cadre, qui est tout historique, c'est-à-dire périssable, c'est-à-dire fané.
Du reste, le style est vite étouffant, tant il carbure toujours à la gouaille facile. Au bout d'une vingtaine de pages, ça devient lourd. le style ne se réinvente pas, ne se renouvelle pas. Il n'a qu'une seule peau tout au long du livre et on a vite fait de la lui arracher. J'ai abandonné la lecture à la 82ème page, m'assurant toutefois qu'il n'y a pas de saillie intéressante, de jaillissement à inventorier dans le reste du livre : rien.
J'aurais tant aimé aimer ce livre, ayant écouté son auteur parler à la radio. Auteur qui sait écrire, qui sait ce qu'est un bon livre, mais ne sait pas en écrire (Je lui accorde cependant le bénéfice du doute, n'ayant pas lu ses autres livres).
Commenter  J’apprécie          00
Tout d'abord merci beaucoup à l'opération Masse Critique qui m'a fait découvrir Pierre Mari et son livre « Les sommets du monde ».

Ce livre fut pour moi une très belle surprise, instructif, bien écrit, très intéressant et agréable à lire.

Les sommets du monde retrace la jeunesse du narrateur (dont nous ne connaissons pas le nom) de son frère Robert et ses copains Jéronimo, Michel et Marcel. L'histoire s'étire de la fin de la guerre de 40 à l'indépendance de l'Algérie. C'est une histoire d'amitié entre ces garçons: Robert, un peu plus âgé a fait la deuxième guerre mondiale en France, Jéronimo plus vindicatif, combatif et impliqué dans la résistance pour l'Algérie Française, Marcel est couvé par ses copains (on devine qu'il doit être trisomique ou du moins différent).

C'est l'histoire de cinq garçons Français et Algérois qui aiment passionnément leur patrie la France et leur terre et leur ville Alger. Ils se sentent incapables et inadaptés à vivre en France Métropolitaine mais ne peuvent concevoir de ne plus être Français. Ce sont des garçons d'un milieu assez simple. On suivra leur jeunesse, leurs amours mais surtout leur lutte de garçons civils, leurs manifestations pour lutter pour leur Algérie Française. Les sujets militaires ou de tortures ne seront pas abordés.
Et puis certains devront fuir et venir en France. Ce seront d'abord les parents …d'autres suivront.
C'est un hymne pour une terre qu'ils aimaient, qu'ils pensaient être leur, en partage avec les musulmans. On ne sent d'ailleurs pas un grand ressentiment contre la communauté musulmane dans son ensemble mais plus un grand ressentiment contre les politiques français qui les ont abandonnés. On comprend le drame que les pieds noirs ont vécu.

Commenter  J’apprécie          20
Je remercie Masse Critique de m'avoir fait découvrir ce roman touchant,bien écrit, au thème original auquel il manque(peut être) un glossaire des termes pieds-noirs employés et un récapitulatif historique de la guerre d'Algérie.
Lors du discours de Mostaganem en 1958,Charles de Gaulle a décrété"La France m'a mandaté pour l'entraîner vers les sommet du monde".Cette phrase a inspiré le titre de ce livre et sa ligne directive.Pierre Mari nous raconte une histoire des français d'Algérie par petites touches historiques et psychologiques.Nous suivons la vie du narrateur qui s'efforce de croire aux sommets du monde qu'on lui promettait, nous ne connaissons ni son prénom,ni son age exact.Il a suivi des études de droit et travaille dans un bureau,il vit à Alger,il a deux frères,Robert et Michel et deux amis,Jéronimo et Marcel.Ses parents,inquiets du devenir de l'Algérie,sont partis vivre en France en 1959.Nous assistons au débarquement américain, de 1942, en Algérie,à l'assaut du Gouvernement général d'Alger en 1958,à la fraternisation avec l'armée française,au "Je vous ai compris" de De Gaulle,à la montée de l'OAS,à l'encerclement de Bab El Oued par les militaires français,au départ définitif pour la France et au mauvais accueil des métropolitains.Nous avons dans ce roman un résumé de l'histoire des Pieds-Noirs,italiens,français,
espagnols,maltais qui se voulaient avant tout français d'Algérie et qui aimaient énormément ce pays.Nous découvrons leur vie,leurs doutes,leurs espoirs,leurs peurs,leur joie,leurs désillusions et leur immense amertume après les accords d'Evian de 1962.
Commenter  J’apprécie          00

Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Vous avez eu tous les moyens de prendre le pouvoir.Vous les avez même eus pendant quinze jours.Vous pouviez tout faire,pendant ces quinze jours,tout.Vous pouviez lancer des avions et des blindés sur Paris,le ciel était avec vous.Et le pouvoir,vous avez préféré l'offrir sur un plateau,avec napperons et tasse à thé,à un type qui se fout de vous,mais alors pire que son dernier caleçon.Vous rêvez,ou quoi? Pour la grande asperge,l'Algérie,c'est un million de pétainistes et neuf millions de bougnoules.Il a la rancune infernale,ce type.Il l'a encore en travers de la gorge,qu'Alger ait joué Giraud contre lui,en 43.Vous croyez qu'il va vous mitonner une bonne petite Algérie française?
Moi,je vous dis,à la première occasion,il dégage.Et vous aurez beau chialer toutes vos larmes,lui,il s'en tamponnera le coquillard.Vous verrez,vous allez apprendre ce que c'est,la politique.C'est de la merde,du sang,et de la fouterie de gueule.Il va vous faire baver des ronds de chapeau,le vieux.Et vous allez vous en rappeler toute votre vie.
Commenter  J’apprécie          20
Quand on a entendu un flash spécial,le lendemain,au repas de midi,je lui ai dit que ma morale avait beau condamner les tueurs de l'OAS,une partie de moi se rangeait de leur côté.
Commenter  J’apprécie          20
J'ai toujours trouvé qu'elle avait de la gueule,l'échappée d'un homme vers un autre homme.Regard qui file,coeur qui s'envole,et pas besoin de lointains pour croire à l'horizon.
Commenter  J’apprécie          00

autres livres classés : romanVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (9) Voir plus



Quiz Voir plus

Pas de sciences sans savoir (quiz complètement loufoque)

Présent - 1ère personne du pluriel :

Nous savons.
Nous savonnons (surtout à Marseille).

10 questions
414 lecteurs ont répondu
Thèmes : science , savoir , conjugaison , humourCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..