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EAN : 9791034901654
160 pages
Liana Lévi (22/08/2019)
3.37/5   41 notes
Résumé :
Une nuit d'octobre, c'est sur la rive turque du Mériç, le fleuve-frontière qui sépare l'Orient de l'Europe, qu'une mystérieuse narratrice arrête son regard. Et plus précisément sur l'homme épuisé qui, dans les buissons de ronces, se cache des soldats chargés d'empêcher les clandestins de passer du coté grec. Car celui qui s'apprête à franchir le Meriç est nafar : un sans droit, un migrant.
Retraçant pas à pas sa périlleuse traversée, la narratrice émaille son... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Roman d'exil et de d'espoir, Nafar est celui qui n'existe pas, un étranger, un sans-droit. Ni ici chez lui, ni là-bas, Nafar est un mouvement, un migrant. Premier roman bouleversant, éternellement entre deux rives, Nafar est sur celle du fleuve Meriç qui sépare l'Europe de l'Orient, entre désir de départ et peur de l'avenir.

C'est une étendue d'eau fragile et puissante, «  rivière-frontière, rivière-geôlière  », le Meriç qui sépare la Turquie de la Grèce, entre un Orient perpétuellement agité, et une Europe de réputation apaisée et synonyme de liberté. C'est un homme seul qui se trouve devant ce fleuve-barrage. de lui, on ne connaîtra jamais le nom, seulement ses intentions : fuir la dictature qui ravage son pays, la Syrie. Parti sans destination prévue, c'est un exil désespéré qui le mène, un peu par hasard et beaucoup par nécessité, jusqu'à cette rivière sauvage et menaçante, car ultra-surveillée. Ce n'est pas le risque de mourir qui l'effraie, mais celui de se faire attraper.
C'est une femme qui nous narre son périple, devant ce fleuve miroir du destin. On ne connaîtra que peu à peu ses liens avec l'homme en danger, par lesquels Mathilde Chapuis tisse un récit subtil et touchant, «  au plus près des obsessions de ceux qui n'ont d'autre choix que l'exil  ». À la confluence des civilisations, son roman prend un tour géopolitique et humain bouleversant.
« Dans nafar, j'entends effort. J'entends départ, j'entends hagard et blafard, j'entends rafale et rafler, érafler. J'entends noir, j'entends Na ! et fort, j'entends naïf, phare et far west. Dans nafar, il y a le héros et l'héroïne, il y a le sacrifice et la peine, il y a la frousse et l'ardeur. C'est le souffle du vent, c'est l'élan continu. C'est aussi l'empreinte de dents serrées sur le cours de l'Histoire. C'est le prix de la lutte. »
Nafar, symbole des opprimés en quête de liberté, agite un drapeau de paix sur un sujet brûlant d'actualité. Un premier roman sensible et convaincant.
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Routarde française à l'esprit d'aventure, la narratrice de passage à Istanbul s'y éprend d'un Nafar : terme arabe signifiant « qui a tout perdu, qui n'est plus rien » et désignant les migrants. L'homme a fui la guerre en Syrie et le régime de Bachar el-Assad, et multiplie les tentatives pour passer en Europe afin de rejoindre le pays de cocagne que lui semble la Suède.


L'absence de prénoms et la seule utilisation de « je » et « tu » pour désigner la narratrice et le réfugié syrien a pour effet d'instaurer une connivence entre eux deux et aussi le lecteur, tout en gardant suffisamment d'anonymat pour donner au récit une portée générale : cet homme est un parmi tant d'autres, pris au hasard des hordes qui, tout au long de l'Histoire, ont transité sur les mêmes routes, et pour les mêmes raisons, entre l'Asie et l'Europe.


Tout le récit se trouve contenu dans une attente fiévreuse, meublée d'incessantes tentatives de départ, coûteuses, dangereuses, rarement couronnées de succès, mais toutes tendues par un espoir insensé devenu raison de vivre parce qu'il ne reste que lui pour ne pas sombrer dans le néant : néant d'un passé détruit qu'il vaut mieux oublier, néant d'un présent vidé de sa substance par la perte d'identité. Ne demeure que le rêve d'un futur idéalisé, dont seuls la narratrice et le lecteur savent la cruelle illusion.


Tout en pudeur, sans commentaire ni parti pris, le texte émeut par l'impression qu'il donne de voir errer des âmes encore inconscientes de leur presque mort, d'assister au ballet aveugle de papillons attirés par la lumière, aussi trompeuse qu'inaccessible, qui brille derrière la vitre : tant d'efforts et d'obstination pour une étape supplémentaire d'un trajet, probablement vers une autre chambre de l'enfer…


Ce livre qui suspend le temps en une parenthèse encore pleine d'espoir, entre un avant terrible et un après rêvé paradisiaque, vous laisse le coeur serré pour tous ces hommes et femmes qui, même s'ils parviennent à destination, ne seront pas au bout de leur peine…

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Nafar, c'est un mot arabe pour décrire celui qui quitte sa patrie, il est désormais utilisé de façon un peu péjorative pour parler du migrant.

Et c'est ce mot qui est utilisé pour qualifier le personnage principal du premier roman de Mathilde Chapuis, qui se place dans la tête d'un exilé syrien qui s'apprête à traverser le fleuve du Meriç, le fleuve-frontière qui sépare l'Orient de l'Europe, qui l'amène de la Turquie à la Grèce.

On ne connaitra jamais son nom de cet homme forcé de quitter cette Syrie en guerre et sa tragique et périlleuse épopée est racontée par une témoin mystérieuse dont on connaîtra les liens avec l'auteur que plus tard dans le récit, construit sous la forme d'un puzzle.

Le texte est à la seconde personne du singulier, on s'apercevra plus tard dans le récit qu'il s'agit de la compagne de cet exilé, qui tisse le fil délicat d'une traversée périlleuse, mélangeant souvenirs de leurs histoires et parcours présent, et on voit à quel point cette jeune femme se sent impuissante face au désarroi de l'élue de son coeur.

L'approche humaniste et singulière de l'auteure permet d'aborder cette épineuse question de l'exil en posant un regard différent de celui des médias, plein de pudeur et de sensibilité.

Un beau texte, pudique et délicat, salutaire et ambitieux...
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Le héros de Mathilde Chapuis est un « Nafar ».
L'un de ces êtres que nous appelons immigrés, réfugiés, migrants lorsque nous sommes animés de bienveillance et de pitié à leurs égards, ou d'indésirables à chasser du territoire lorsque notre égoïsme et notre indifférence prennent le dessus.

Ce Nafar à qui Mathilde Chapuis n'a pas donné d'identité tente depuis Istanbul
de traverser le fleuve Méric pour gagner la Grèce et l'Europe.
Il est seul, en proie à la peur, au froid, à la faim, tapi dans les fourrés espérant se rendre invisible aux yeux des gardes turcs.

Son histoire nous est racontée par une mystérieuse narratrice, qui l'observe. D'espoir, en désillusion elle met les mots sur une souffrance absolue que nous ressentons d'autant plus qu'elle s'adresse à lui en lui disant « Tu », ce qui nous le rend plus proche.
“J'observe, je consigne et j'invente. J'agis en sorcière, en déesse ou en fée. Je te porte de toute la force de mon esprit, j'influence le déroulement de ton trajet […] Mes mots ont le pouvoir de conjurer le mauvais sort, ils consolent, ils sauvent in extremis, ils écartent le danger.”

Le récit est entrecoupé de souvenirs du temps où Nafar avait une vie heureuse en Syrie, jusqu'à la guerre et l'exil.

Ce premier roman est étrange et déroutant, je me suis parfois perdu gênée par le manque de temporalité. Par contre j'ai aimé l'écriture bouleversante d'émotion retenue grâce à laquelle Mathilde Chapuis nous conduit au plus près
des obsessions des exilés pour un Eldorado européen.
Une belle lecture dont on ne parle malheureusement pas beaucoup dans les médias.
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Réaliser en lisant les critiques déjà publiées que des mots reviennent déjà pour parler de ce livre.

Quel bonheur, réel, de lire les premiers mots publiés d'un auteur. Quel bonheur de découvrir cette année qu'ils sont encore plus nombreux pour la rentrée littéraire, les premiers romans. Un voici un en particulier qui fait partie de mes premières très belles lectures de cette rentrée.
Un texte en deux temps, à deux voix et presque trois personnages : la narratrice, le migrant ou Nafar ce mot arabe qui désigne celui qui quitte sa patrie et le monde actuel, incertain mais qui nourrit toujours tant d'espoirs des uns et des autres. Une première partie au ton plus distant, comme pour délicatement poser ce qui est parfois indicible, dur, les raisons de l'exil mais surtout l'attente, les tentatives avortées…. Une seconde partie qui souffle tout, chamboule tout ; on change de pronom, c'est plus frontal, la relation entre les deux personnages est développée, les émotions plus fortes ! On ressent tout : le froid, la peur, l'humidité, les fourmis dans les jambes, l'adrénaline quand la décision est prise, l'importance du paysage. La proximité entre les deux personnages est belle, forte, tout en nuances : construite progressivement, comme un puzzle au fur et à mesure de la lecture.
J'ai vraiment été marquée par l'écriture : chaque phrase est à sa place, le texte prend de l'ampleur, toujours dans le mouvement ! Je me répète, mais c'est beau, délicat, sensible, nécessaire, important ! Je lis beaucoup de textes ces derniers temps sur cette partie du monde, souvent par des auteurs de ces pays, pas toujours ! Je poursuis ainsi ma découverte d'un coin de notre monde si loin des clichés véhiculés par certains médias, si complexe, si riche.
Et merci aux éditions Liana Levi : pour la deuxième année consécutive, un de vos premiers romans m'attrape. L'année passée, j'étais ainsi entre Guadeloupe et France avec Là où les chiens aboient par la queue, et cette année entre Turquie et France. Des textes que l'on aime rapidement, que l'on défend longtemps !
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critiques presse (4)
LeSoir
14 octobre 2019
Avec « Nafar », Mathilde Chapuis nous met au plus près du migrant, du « nafar », comme disent les passeurs turcs. Et nous montre avec force que l’exil n’est pas un choix.
Lire la critique sur le site : LeSoir
LeMonde
11 octobre 2019
Un jeune Syrien s’apprête à tenter la traversée du fleuve qui sépare la Turquie et la Grèce. Un premier roman poétique et empathique.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Telerama
07 octobre 2019
Dans son premier roman, publié fin août après six ans d’écriture, l’auteure raconte l’histoire d’un “nafar”, un migrant, qui guette le bon moment pour franchir la frontière et entamer une vie meilleure.
Lire la critique sur le site : Telerama
LaLibreBelgique
19 septembre 2019
"Nafar", le premier roman de Mathilde Chapuis, donne noblement chair aux "prétendants à l’Europe". [...] "Nafar" de la primo-romancière Mathilde Chapuis est un récit sensible, délicat et plein d'empathie.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
La tulipe était la fleur préférée des sultans. Au XVIIIe siècle, l’élite ottomane convoitait les bulbes rares ; couvrir sa cour et ses jardins avec cette fleur, c’était exposer l’étendue de ses privilèges et de sa richesse. Partout représentée, tissée dans la soie, sculptée sur les vases, stylisée dans le bois, l’argent et l’or, elle est devenue l’un des symboles d’Istanbul.
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J’ai rencontré un homme qui échoue. Un homme qui, se regardant dans le miroir le matin, ne se reconnaît plus. Un homme qui évite de se pencher sur son histoire, car la douleur serait trop vive.
T’aurais-je aimé si je t’avais connu avant la guerre ? Aurais-je aimé l’homme solide, l’homme fort ? Celui qui voulait être riche et qui se promenait dans Homs, le torse bombé, les mains dans les poches de sa veste bleue ? Aurais-je ne serait-ce que tourné les yeux sur le patron d’un café, fier, et peut-être même un peu arrogant ?
J’ai rencontré un homme qui jadis savait tout faire. Un homme efficace, énergique et performant. Chaque chose avait une place, chaque chose avait un sens. Malgré l’oppression. Et puis tout s’est voilé d’un seul coup. Il n’est plus le patron, c’est sous les ordres d’un autre qu’il travaille désormais.
Ses ambitions ne portent plus sur la vaste étendue des possibles mais sur le petit terrain infertile d’un destin déchu.
J’ai rencontré un homme que rien n’arrête.
A genoux. Le dos courbé. Le front cabossé.
Dans la nuit, il bute, il trébuche, à tâtons, les bras tendus.
Un homme gouverné par un optimisme aveugle.
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Jadis, tu voulais gagner de l’argent, devenir riche, être influent. Tu as œuvré dans ce but. Tu voulais le succès. Tu savais où le trouver. Le succès qui naît de la faculté de convaincre les autres, de les séduire et de les entraîner dans tes projets. C’est ainsi que tu as prospéré.
Mais ton café n’existe plus. Ses murs de pierre volcanique, ses cascades de jasmins, sa fontaine et ses soixante-dix chaises : des ruines dans le centre de Homs.
Parfois tu dis : « Que peut-on espérer de celui qui a tout perdu ? Hier j’avais construit quelque chose. Aujourd’hui, je n’ai plus rien. Que peut-on espérer de celui qui été réduit à un mendiant ? »
Tu sais qu’à l’étranger tu ne reconstruiras jamais quelque chose d’aussi ambitieux. Non par manque de volonté mais par manque de mots. Les mots pour comprendre, les mots pour convaincre et pour séduire.
Ta langue maternelle est devenue barrière. Depuis ton arrivée en Turquie, elle suscite méfiance et parfois même hostilité. Elle te dépossède. Il fau que tu las remplaces par une langue que tu maîtriseras jamais assez pour pouvoir conquérir. Aujourd’hui le turc, demain le grec, peut-être le suédois. Une langue qui ne sera pas une force mais une faiblesse. Pas un recours mais un écueil, un outil défaillant, une traîtresse.
« Que peut-on espérer de celui qui a tout perdu, y compris les mots ? »
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Tu veux quitter pantalon, slip et chaussures, tout arracher d'un coup. Ah quelle délivrance ce serait ! Chasser cette crasse, ce tissu qui colle. Extirper muscles et os, quitter ta peau.
Une peau de nafar que tu n'as d'autre choix que de porter et qui t'entrave.
Car on a beau résister, ne pas vouloir l'enfiler, c'est malgré soi qu'on l'endosse. Il y a la faim, l'angoisse et l'épuisement. Il y a le passage dans l'illégalité. Se retrouver dans une région en marge, frange transitoire d'un monde qui ne veut pas de toi.
Ainsi, l'homme qui a débarqué deux jours plus tôt dans les rues d'Edirne, les mains dans les poches de sa veste bleue, rasé de près, cet homme-là n'est plus.
(...)
Une force invisible mais implacable est en train de te changer en miséreux.
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Mais il me faut tes joues, tes joues lisses des joues barbus tes joues pour poser mes mains tes joues pour poser mes lèvres...
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